Le producteur déchu a été jugé coupable d’agression sexuelle au premier degré et de viol au troisième degré par un jury de Manhattan. Trois semaines après, la justice a décidé de condamner Harvey Weinstein à 23 ans de prison. La peine, prononcée par le juge James Burke, est proche du maximum encouru par l'ancien producteur. Celui qui fut un temps l'un des hommes les plus puissants d'Hollywood encourait jusqu'à 29 ans de prison pour ces deux chefs d'accusation.
S'exprimant pour la première fois depuis le début du procès, l'ex-magnat d'Hollywood avait déclaré : "Il se pourrait que je ne revoie jamais mes enfants", a dit Harvey Weinstein. "J'étais le premier exemple et maintenant, il y a des milliers d'hommes accusés". "Je suis inquiet pour ce pays", a-t-il expliqué.
Ses avocats ont déjà indiqué que leur client ferait appel de la condamnation, ce qui ne l'empêchera pas d'être placé immédiatement en détention.
Un procès emblématique du mouvement #Metoo
Le jury, composé de sept hommes et cinq femmes, a rendu son verdict après cinq jours de délibérations et un mois d’un procès ultra-médiatisé, emblématique du mouvement #MeToo.
A la sortie du tribunal, le procureur CyrusVance a déclaré que l'affaire Harvey Weinstein "avait vraiment bouleversé notre compréhension de ce qu'est une agression sexuelle, d'où elle peut se produire, des mythes brisés qui, je pense, font partie du système de justice pénale depuis longtemps".
Weinstein échappe à la perpétuité
Une victoire, mais à moitié, pour le mouvement #MeToo. Car si Harvey Weinstein a été reconnu coupable d'agression sexuelle et de viol, il a en revanche été disculpé des accusations les plus graves.
Today is a victory for the #SilenceBreakers who refused to be silent about Weinstein, igniting a global reckoning.
— TIME'S UP (@TIMESUPNOW) February 24, 2020
It’s a victory for survivors everywhere - and for all those who believe in justice.
Read our full statement from @TinaTchen: https://t.co/EYePvrWJlI
Le jury ne l'a jugé coupable que des deux chefs d'accusations : l'agression sexuelle de l'ancienne assistante de production Mimi Haleyi, en 2006, et le viol de l'aspirante actrice Jessica Mann, en 2013. Il a, en revanche, relaxé le producteur d'un chef de viol plus grave lié à Jessica Mann, mais surtout de la circonstance aggravante de comportement "prédateur", qui aurait pu lui valoir la prison à vie.

Les jurés devaient se prononcer sur le témoignage de trois femmes, parmi les plus de 80 qui ont accusé Harvey Weinstein de harcèlement ou d'agression sexuelle.
Si l'agression de Mimi Haleyi et le viol présumé de Jessica Mann étaient poursuivis en tant que tels, le viol d'une troisième femme, la comédienne Annabella Sciorra, bien que prescrit, aurait pu déclencher une circonstance aggravante. Après avoir demandé à réentendre le témoignage de l'actrice durant ses délibérations, le jury a finalement déclaré Harvey Weinstein non coupable de ce viol remontant à l'hiver 1993.
"Un jour nouveau pour les victimes de viol"
L'ex-producteur de cinéma, longtemps considéré comme l'un des plus influents d'Hollywood, avait plaidé non coupable et affirmait n'avoir eu que des relations sexuelles consenties. Son avocate a annoncé qu’il fera appel.
Tout au long du procès, la défense avait cherché à discréditer le récit des trois femmes. Les avocats d’Harvey Weinstein ont produit une série de courriers électroniques montrant que Mimi Haleyi et Jessica Mann avaient maintenu le contact, de leur propre initiative, avec l’accusé, après les faits présumés. Dans le cas de Jessica Mann, la victime présumée a même concédé avoir eu des relations sexuelles sans opposition avec Harvey Weinstein jusqu’en 2016.
“Weinstein is a vicious serial sexual predator, who used his power to threaten, rape, assault, trick, humiliate and silence his victims,” said Manhattan District Attorney Cyrus Vance. He said the former movie mogul would serve a sentence of no less than 5 years and up to 25 years pic.twitter.com/sz0SywzzgH
— QuickTake by Bloomberg (@QuickTake) February 24, 2020
"C'est un nouveau jour" pour les victimes de viol, a-t-il lancé en conclusion.
Il s’agit de la première reconnaissance de culpabilité dans une affaire post-#MeToo, celle de l’acteur Bill Cosby résultant de poursuites entamées en 2015, avant que le mouvement anti-agressions sexuelles ne commence, en octobre 2017.
C’est le début "d’une nouvelle ère de justice", a abondé la présidente du mouvement Time’s Up, Tina Tchen, dans un communiqué.
"C’est un verdict mitigé, un compromis", qui permet "aux deux parties de revendiquer une espèce de victoire", a cependant analysé Bennett Gershman, professeur de droit à l’université Pace et ancien procureur.
La "machine Weinstein"
"Pour les femmes qui ont témoigné dans ce dossier et vécu un enfer traumatique, vous avez rendu un service public aux filles et femmes du monde entier", a tweeté la comédienne Ashley Judd, qui affirme qu’Harvey Weinstein l’a harcelée sexuellement en 1997.While we celebrate this historic moment, our fight to fix the broken system that allowed serial abusers like Weinstein to thrive continues.
— Tina Tchen (@TinaTchen) February 24, 2020
Abusers everywhere & the powerful forces that protect them should be on notice: There’s no going back.
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Et de conclure, en réaction à l'affaire Adèle Haenel en France : "Il ne faut pas oublier qu’une victime d’agression a perdu son innocence à jamais. Tous autant que nous sommes, nous voudrions simplement que la vie redevienne ce qu’elle était avant. Mais c’est impossible".
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