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Mr. Weinstein n'a pas inventé les coucheries de casting à Hollywood
Ben Brafman, avocat d'Harvey Weinstein
Longtemps vénéré dans le monde du cinéma, le voici dans les habits du mauvais rôle, obligé de se soumettre aux rituels judiciaires, enregistrement, photo et empreintes digitales prises avant d'être transféré au tribunal situé non loin de là pour y être présenté à un juge, qui l'a donc inculpé.
L'avocat de Mr Weinstein n'a presque rien ajouté sauf que son client n'était pas coupable, parce que “Mr. Weinstein n'a pas inventé les coucheries de casting à Hollywood ”. Et que les relations sexuelles au cours de ces fameuses "coucheries de casting" étaient toujours consenties, dit-il encore. Circulez, il n'y a rien à voir...
Le producteur, qui avait disparu de la circulation depuis les premières révélations en octobre 2017 sur les agressions sexuelles a pourtant été bien inculpé à la fois pour un viol et pour avoir forcé une actrice à lui faire une fellation. Deux plaintes officiellement déposées, par deux téméraires. Et consenties selon le producteur...
Dans un article écrit au fur et à mesure de l'audition de Harvey Weinstein, le New York Times salue l'audace de ces deux plaigantes, tant le producteur avait verrouillé son entourage et fait jouer ses influents amis pour ne pas risquer d'être inquiété : ainsi, "il y a trois ans, le bureau du procureur de Manhattan avait décidé de ne pas poursuivre M. Weinstein après qu'un modèle italien, Ambra Battilana, l'ait accusé de lui tâtonner les seins lors d'une réunion dans son bureau."
Mais de nombreux autres témoignages de femmes travaillant dans l'industrie du cinéma n'ont pas été formellement retenus par la justice, trop lointains, trop peu précis, ou étayés. Ils n'en demeurent pas moins publics...
Quelque cent actrices, mannequins et ex-employées d'Harvey Weinstein accusent le producteur déchu de harcèlement ou agression sexuelle, voire de viol, pour des faits remontant parfois jusqu'aux années 70.
Celui qui fut longtemps l'une des personnalités les plus puissantes d'Hollywood, financier des candidats démocrates tels Barack Obama, n'a pas réussi à empêcher ce flot de paroles.
Le scandale avait éclaté avec les révélations le 5 octobre 2017 par le New York Times sur le producteur, accusé de harcèlement sexuel par d'ex-employées, des actrices célèbres comme Ashley Judd ou Rose McGowan, et de la mannequin Ambra Battilana.
Le 10 octobre, le New Yorker publiait une seconde enquête parlant pour la première fois de viol, notamment de la part des actrices Annabella Sciorra et Lucia Evans, cette dernière l'accusant de l'avoir forcée à lui faire une fellation en 2004. Ses allégations sont celles qui servent de base à l'inculpation de Weinstein à New York .
Dans la foulée des premières actrices à s'être exprimées sur le harcèlement de Weinstein, dont Rosanna Arquette, Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie, des dizaines de comédiennes ont suivi, à l'instar de Cara Delevingne, Daryl Hannah, Eva Green, Lea Seydoux, Judith Godrèche, Salma Hayek, Lupita Nyong'o, ou Paz de la Huerta, qui l'accuse de l'avoir violée à New York, la police étudiant de près ce dossier.
L'actrice italienne de 42 ans est l'une des premières à avoir accusé publiquement le magnat de l'avoir violée. Elle a fait un discours virulent lors de la soirée de clôture du festival de Cannes qui fut selon elle "le terrain de chasse" du prédateur sexuel présumé. "Il était assis parmi vous (...) mais les choses ont changé. On ne va plus vous permettre de vous en tirer sans être inquiété", avait-elle lancé lors de ce discours.
Elle a aussi raconté avoir été violée par Weinstein dans sa chambre d'hôtel cannoise pendant le festival en 1997 lorsqu'elle n'avait que 21 ans. Cet épisode traumatique a inspiré un film qu'elle a réalisé, "Scarlet Diva" (2000).
Aux nouvelles que son agresseur présumé allait se livrer aux autorités vendredi, elle s'est contentée de twitter: "Boom".
Rose McGowan fait également partie des actrices les plus actives pour dénoncer les agressions présumées de Weinstein et les discriminations envers les femmes à Hollywood. Celle qui est devenue une figure de proue du mouvement #MeToo accuse le producteur de l'avoir violée au festival de Sundance, en Utah, également en 1997.
"J'ai été silencieuse pendant vingt ans. J'ai été traitée de pute. J'ai été harcelée. On m'a prêté des intentions néfastes et vous savez quoi ? Je suis juste l'une de vous", a déclaré McGowan, 44 ans. Elle a notamment fait les gros titres pour avoir critiqué Meryl Streep lors d'un tweet, depuis effacé, dans lequel elle critiquait le projet de nombreuses comédiennes de se vêtir de noir aux Golden Globes pour dénoncer les agressions sexuelles.
"VOTRE SILENCE est LE problème. Vous allez accepter un faux prix le souffle court, et ne rien changer à rien. Je méprise votre hypocrisie".
Jeudi, la veille de l'audition d'Harvey Weinstein devant le tribunal, elle a confié au magazine Variety qu'elle "et tant de victimes d'Harvey Weinstein avaient perdu l'espoir de voir notre violeur répondre de ses actes devant la loi. (...) Aujourd'hui, nous sommes un pas plus près de la justice", a-t-elle ajouté.
Celle qui d'après une enquête de Ronan Farrow dans le New Yorker a aussi été harcelée et espionnée par des employés du producteur pour lui faire garder le silence ajoute que "nous étions de jeunes femmes qui ont été agressées puis terrorisées par son vaste réseau de complices".
Ashley Judd, l'actrice de "Frida" et "Divergent", pour sa part, accuse Weinstein d'avoir annihilé ses chances d'avoir un rôle dans la trilogie "Le seigneur des anneaux", l'une des plus rentables de l'histoire du cinéma, en affirmant au réalisateur Peter Jackson que travailler avec elle relevait du "cauchemar". "La pathétique réalité est que Weinstein était en fait en train de punir Judd d'avoir rejeté ses avances sexuelles un an plus tôt, quand il l'avait coincée dans sa chambre d'hôtel sous le prétexte de parler affaires", dénonce la plainte de la comédienne de 50 ans.
"C'est super cathartique pour beaucoup de victimes", a réagi Tarana Burke, initiatrice du mouvement #MeToo. "Nous assistons peut-être à un changement dans la façon dont les affaires de violences sexuelles sont traitées".
L'annonce de son inculpation fait le bonheur des réseaux sociaux. En attendant que la justice, la vraie fasse son oeuvre... "Tu plaides non coupable ?" lance cette internaute. "Alors ok, bonne chance", l'ironie est parfois une arme très efficace. Ou encore une autre : "sérieusement, Weinstein croit encore qu'il peut plaider non coupable ? Quel cochon !"
Tandis que désormais les regards se tournent vers une autre vedette du show bizz, aujourd'hui 45ème président des Etats-Unis, que quelques dames aimeraient bien envoyer aussi au tribunal pour de bien mauvaises manières.