Fil d'Ariane
Havrin Khalaf s'investissait auprès des femmes musulmanes dans le Rojava (Kurdistan occidental), auprès desquelles elle défendait le modèle d'égalité hommes- femmes et de coprésidence auquel elle adhérait - l'autre coprésident d'Avenir de la Syrie était un homme, arabe. Le mois dernier encore, elle assistait à un forum des femmes tribales à Tabqa, où elle disait sa fierté au vu des "progrès accomplis par les femmes dans le nord-est de la Syrie sous le gouvernement kurde".
Elle avait tout contre elle : femme, non-musulmane, intelligente, patriote, et engagée au service du bien commun de son peuple. #Turquie @RTErdogan https://t.co/lEWTMwzLzu
— Abbé Guy Pagès (@abbepages) October 15, 2019
Secretary-General of the Future Syria Party, Havrin Khalaf, died today after her car was targeted by Turkish forces #syria #turkey #security https://t.co/gUhSDxg14i pic.twitter.com/R0PP8ETIiN
— Horizon Intelligence (@_hozint) October 12, 2019
Les images diffusées par Firat news agency, une agence de presse kurde basée à Amsterdam aux Pays-Bas, montrent sa voiture criblée de balles :
Les témoignages recueillis par le quotidien Le Monde à Derik, sa ville d’origine, où ses funérailles et celles de son chauffeur ont eu lieu samedi, donnent à penser que les assassins se sont acharnés sur son corps. "Elle avait la jambe brisée, chair ouverte, les bras couverts de contusions, le corps et les vêtements couverts de terre comme s’ils l’avaient traînée sur le sol, constate l’une des personnes chargées de préparer les corps. La moitié de son visage était écrasée à l’intérieur de son crâne, l’autre était reconnaissable, a observé le camarade Hassan, affecté au même travail. Elle avait plusieurs impacts de balles dans la poitrine et dans le ventre, et des brûlures qui tendent à indiquer qu’ils lui ont tiré dessus de près…. Cela fait huit ans que je fais ce travail et je n’ai jamais vu rien de tel."
Selon le rapport du médecin légiste chargé d'examiner le corps à l'hôpital d'Al-Malikyah, elle a été "frappée à la tête avec un objet solide qui a provoqué de multiples fractures du crâne. Les coups qu'elle a reçus sur les jambes ont fracturé les deux os de la jambe gauche. Elle a aussi été frappée avec un objet tranchant sur la face postérieure des jambes. Ses cheveux et la peau du crâne arrachés témoignent qu'elle a été traînée par les cheveux. Elle a ensuite été abattue à bout portant avec une arme à feu de guerre dont les tirs ont fracassé la moitié droite de son visage et emporté une partie de la cervelle. Après sa mort, elle a encore essuyé plusieurs tirs dans le dos et les balles sont ressorties par l'abdomen."
En sortant de l'hôpital d'Al-Malikyah, la mère d'Havrin Khalaf, Suad, qui venait reconnaître le corps de sa fille, témoigne que la dépouille de sa fille n'était plus : "qu'une poupée de chiffon enveloppée dans des linges".
"They were able to kill her w/ a bullet or two
— Isabella (@bellaIntel) October 16, 2019
but they chose to keep nothing from her body
her body was like a cotton ball
wrapped w/ a piece of cloth
❗️.. bring those who killed my daughter" to courthttps://t.co/1IoEkZTWLy#HavrinKhalaf #CrimesAgainstHumanity #Turkey #Syria pic.twitter.com/CsGWbr03R0
L’assassinat d’Havrin Khalaf s’inscrit dans le chaos qui s’est emparé de la Djézireh, la partie nord-est de la Syrie, depuis le lancement de l’offensive turque. Une opération qui a provoqué un déchaînement de violences sans précédent dans la région et qui, selon l’ONU, a poussé 130 000 personnes à fuir la région. Dans la même journée de samedi, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme, huit autres civils ont assassinés par les supplétifs syriens qui participent à l'opération militaire turque ; certaines exécutions ont été filmées.
Ceux que l’on appelle "supplétifs" sont d’anciens combattants islamistes contre le régime syrien qui ont changé de camp, financés par les Turcs pour se battre contre les Kurdes. Pendant que l’armée turque installe sa zone dite de sécurité, ils sont chargés d’éliminer. Selon le quotidien allemand FAZ, entre autres, l'assassinat d'Havrin Khalaf serait le fait du groupe Ahrar al-Cham, composé de rebelles salafistes et apparu au cours de la guerre civile syrienne.
“À la suite d’une opération réussie, la secrétaire générale du Parti du Futur de la Syrie, liée au parti politique terroriste PYD, a été mise hors d’état de nuire” se félicite dimanche 13 octobre le quotidien turc islamo-nationaliste Yeni Safak. Dans l’après-midi, le tweet et l’article du journal sont supprimés, mais des journaux turcs reprennent l’information sur le même ton : “L’organisation terroriste en état de choc : une de leurs responsables exécutée” titre Yeni Akit. Une vidéo diffusée sur internet et authentifiée montre sa voiture criblée d’impacts entourée d’hommes en armes, le corps du chauffeur mort à terre. A l’arrière-plan, on entend une voix féminine attribuée à Havrin Khalaf dire “c’est le chauffeur du parti”.
Havrin Khalaf, leader di curdi catturata e subito uccisa lungo l’autostrada M4 in Siria pic.twitter.com/zwHZfG1srI
— GeopoliticalCenter (@GeopoliticalCen) October 13, 2019
Dans une guerre, il y a des lignes de front, des règles et des hiérarchies... Cela n’empêche pas les bavures, mais l’assassinat de Harvin Khalaf n’est pas une bavure. C’est un crime de guerre, dénonce Monica Frassoni, vice-présidente du Parti vert européen, qui appelle la communauté internationale à agir pour mettre fin à l’offensive turque et à protéger les Kurdes, notamment en cessant sur-le-champ les livraisons d’armes à la Turquie.
We stand in sorrow and solidarity for the tragic death of #HevrinKhalaf Kurdish political activist and her driver along with other civilians. #Erdogan and his thugs must be stopped. #NoFlyZone4Rojava #nato move!
— Monica Frassoni (@monicafrassoni) October 13, 2019
Les Etats-Unis ont condamné "le plus fermement possible" l'exécution "extrajudiciaire" d’Havrin Khalaf : "Nous trouvons ces informations extrêmement préoccupantes, à l'instar de la déstabilisation générale du nord-est de la Syrie depuis le déclenchement des hostilités… Nous condamnons le plus fermement possible tout mauvais traitement et exécution extrajudiciaire de civils ou de prisonniers, et sommes en train d'étudier de plus près les circonstances de ces événements," déclare un responsable du département d'Etat américain. Cela alors que les agents américains chargés de participer à la "stabilisation" de ces régions contrôlées par les Kurdes ont été redéployés "hors de Syrie". Autrement dit après avoir de facto laissé le champ libre aux militaires turcs en retirant tous les soldats américains du nord-est de la Syrie.
Hevrin
— Alagon (@Alagooon) October 14, 2019
Khalaf
Attivista dei diritti umani
Trucidata dal vento della missione di Pace turca in Syria.
Ma siamo tutti colpevoli.
Alagon per @Sputnink_ #havrin #havrinkhalaf #humanrights #kurdistan #peacespring #inchiostroresistente #sputnink #alagon pic.twitter.com/bNLvt91jED