Provocatrice, style "bling-bling" assumé, elle ondule sensuellement des hanches en arpentant le pavé, juchée sur des talons aiguille de 15 cm et en robe en lamé (très) courte. Plan suivant, en sarouel chic façon treillis et foulard de peshmerga, elle mime une salve de mitraillette, Kalashnikov au poing. Deux avatars de la jeune chanteuse d'origine kurde et autant de pieds de nez aux intégristes du groupe Etat islamiste, qui tentent depuis des mois d'assiéger Erbil, capitale du Kurdistan irakien.
Egérie manucurée de la cause kurde
Helly Luv a beau chanter en anglais et affronter plus souvent les flashs des paparazzi que le feu des djihadistes, elle revendique son engagement politique avec une distance qui frise la naïveté. Depuis la sortie de Risk it all, qui promeut ouvertement un Kurdistan indépendant au nord de l'Irak, la jolie tête nue de la "Shakira" kurde est mise à prix - des menaces qui passent surtout par les réseaux sociaux. "Ma vie a changé en quelques heures après la sortie de mon clip. De ce jour, j'ai dû cesser de fréquenter les endroits où j'allais d'habitude. Le Kurdistan est un pays sûr, ce sont les islamistes que nous combattons qui le rendent dangereux", déclarait-elle en décembre 2014, au micro de Canal+ Mais Helen Abdulla le dit dans sa chanson : "Je suis prête à tout risquer."
Delivering 125thousand solar lights to all camps in #Kurdistan !! @UNOPS @UN @KHRWorg @UNDP @unpublications @hrw @AP pic.twitter.com/QE9LxJjkot
— Helly Luv (@HellyLuv)
8 Décembre 2014Livraison de 125 000 lampes solaires dans les camps de réfugiés kurdes.
Tout, jusqu'au bout, car entre deux enregistrements, Helly Luv va de camp de réfugiés en camp de combattants pour soutenir ses compatriotes et distribuer des colis d'aide. Et sur la route, les djihadistes ne sont jamais très loin - menace permanente, quotidienne. Mais Helly Luv préfère en rire : "Je ne crois pas en la peur !" assure-t-elle. Reste qu'elle ne se déplace jamais sous bonne escorte : une douzaine d'hommes armés jusqu'aux dents. La presse est parfois invitée à la suivre, aussi, ainsi que des personnalités kurdes vivant à l'étranger. Elle s'est ainsi érigée en porte-parole manucurée de toutes celles et ceux qui combattent le groupe Etat islamique.
Smiling so hard looking at this... I kiss your hands my heroes! :") and yes #VICTORY WILL BE OURS! #Peshmerga #2015 pic.twitter.com/g4YVEVBc2U
— Helly Luv (@HellyLuv)
2 Janvier 2015"Je vous embrasse les mains, mes héros"
Trop libre, trop féministe
Elle-même fille de peshmerga, Helly Luv se bat pour l'indépendance du Kurdistan, mais aussi pour l'émancipation des femmes de son pays. "Les filles sont élevées pour rester dans le moule... Il faut des artistes pour briser les tabous, casser les règles", déclare-t-elle à Canal+. En costume militaire, elle va à la rencontre de celles qui se battent pour l'indépendance du Kurdistan. Elle les soutient, les remercie, même si le face-à-face entre les femmes de terrain et la Californienne d'adoption aux allures d'héroïne de série américaine a des airs de mise en scène.
Love is much like a wild rose,beautiful and calm,but willing to draw blood in its defense"#hellyluv #peshmarga #ISIS pic.twitter.com/4heCI4E6o3
— Helly Luv (@HellyLuv)
23 Octobre 2014"L'amour est comme une rose sauvage, belle et sereine, mais capable de verser le sang pour se défendre"
Trop libérée, trop féministe, elle s'est aussi mise à dos une partie de sa famille. "Si personne n'arrive à tuer Helly, nous le ferons de nos propres mains ou nous paierons quelqu'un pour qu'il nous la ramène, ont-ils dit," témoignait la jeune femme de 25 ans d'une voix grave, en octobre dernier. Ces menaces reflètent l'islamisation du Kurdistan jusque dans les traditions familiales, mais les musulmans ne sont pas les seuls à vouloir la peau d'Helly Luv. La société kurde connaît encore les crimes d'honneur, les violences contre les femmes et les
mutilations génitales - aujourd'hui encore, une femme risque la mort pour avoir "sali" l'honneur de sa famille.