Fil d'Ariane
Aujourd'hui, mercredi 20 avril 2016, à Sciences-Po Paris, c'est hijab day. Les étudiantes qui le souhaitent peuvent porter le voile, le temps d'une journée. De quoi créer la polémique, qui n'a pas manqué de s'inviter autour de cet événement. A peine la page Facebook s'est ouverte, qu'une déferlante de propos islamophobes et racistes ont conduit ses animateurs à la refermer.
L'initiative #hijabday part d'un groupe d'étudiant(e)s de l'école, avec l'objectif de "sensibiliser sur la question du foulard en France".
Vivre l’expérience de la stigmatisation vécue par de nombreuses femmes voilées en France
Dans le hall de l'Institut d'études politiques, plus familièrement appelé Sciences-Po, et peu habitué à ce genre de "happenings", les organisateurs de l'événement distribuent des foulards à celles qui souhaitent s'y essayer.
Par solidarité avec ce mouvement, un étudiant arbore lui aussi un turban sur sa tête.
Ils expliquent que "se couvrir les cheveux d'un voile permet de vivre l’expérience de la stigmatisation vécue par de nombreuses femmes voilées en France". Leur deuxième idée est "de montrer que nous disposons de nos corps comme nous l’entendons, et n’admettons pas l’idée d’un diktat quant à la façon dont nous choisissons de nous présenter, de nous vêtir."
A Sciences-Po, l'événement divise. D'un côté, le groupe "Front national" de Sciences-Po, rattaché au mouvement d'extrême droite, se désole d'un "geste qui relève de l'imposture politique d’une bourgeoisie parisienne déconnectée des réalités sociales, qui exacerbe par ce jeu naïf les tensions communautaires".
Donner la parole à celles dont on parle tout le temps et qui ne sont jamais écoutées
De l'autre côté, des associations féministes 'Politiqu'elles' et 'Salaam sciences po' (pour une meilleure connaissance de l'islam), soutiennent ce "hijab day". Pour 'Politiqu'elles', l'intérêt est de "donner la parole à celles dont on parle tout le temps et qui ne sont jamais écoutées". Yacine Benmohammed, président de "Salaam", soutient cet événement qui sensibilise "par le dialogue, la discussion et le raisonnement".
Il ajoute que "le hijab day est en réponse directe au retour du thème du voile sur la scène politique, suite aux déclarations des ministres Laurence Rossignol ou encore Manuel Valls, contre le port du voile à l'université. C'est un ras-le-bol des étudiants qui veulent aujourd'hui dire que si les femmes portent le voile, elles le font par choix, dans une très large majorité, parce que c'est une conviction religieuse".
Le mouvement divise aussi à l'extérieur de Sciences-Po. Sur Twitter, Bruno Lemaire (député de l'Eure Les Républicains) et Lydia Guirous (ancienne porte-parole des Républicains), entre autres, se prononcent contre :
#HijabDay @sciencespo vivier d'une gauche communautariste qui détruit la République ds une islamosphilie béate #relativismeculturel
— Lydia Guirous (@LydiaGuirous) 20 avril 2016
Journée du Hijab, á Sc Po. Á quand une journée de la Charia? De la lapidation? De l'esclavage?
— Bernard-Henri Lévy (@BHL) 20 avril 2016
L'Iran est une dictature où l'on force le voile aux femmes. En France, pays libre, un #HijabDay est possible a sciences po. C'est notre prix
— claude askolovitch (@askolovitchC) 20 avril 2016
En définitive, peu d'étudiantes se sont prêtées au jeu du port du voile pour un jour. Une vingtaine d'entre elles sont venues rencontrer la presse et quelques détracteurs, devant l'entrée de Sciences-Po, rue Saint Guillaume, au coeur de Paris, près du quartier de Saint Germain des Prés.
On peut porter une mini jupe, comme un voile
Chloé, étudiante en 1ère année
Parmi elles, Chloé, Wiam ou encore Umi, toutes étudiantes en première année, étaient présentes. Chloé se dit athée et de famille catholique. Elle a mis un voile autour de son visage pour dire qu'elle est pour la liberté d'expression : "je pense qu'il y a deux manières de porter le voile, celles qui se soumettent à leur mari et celles qui le choisissent, ce qui est beaucoup plus fréquent. Je suis pour la liberté d'expression, on peut porter une mini jupe, comme un voile, on peut exprimer librement sa féminité, ou sa pudeur".
Wiam, elle, est musulmane pratiquante et porte le voile. Ce voile est, pour elle aussi, le signe de sa liberté d'expression.
Arold, lui, n'est pas étudiant à Sciences-Po. Brandissant une pancarte "Goebbels aime beaucoup ce que vous faites", il est venu pour débattre et dire son opposition à l'événement : "moi, je suis de gauche, pas un islamophobe comme certains le pensent. Je suis féministe et pour moi, le voile c'est la négation de la liberté des femmes". Autour de ce seul détracteur, un petit groupe s'est formé et les débats s'animent.
Peu de participants mais l'événement aura fait beaucoup parlé de lui, dans un contexte, en France, où la question du voile ne cesse de diviser les féministes et tous les courants politiques. Jusqu'à l'obsession...