Berta Caceres, militante écologiste et cheffe de file de la défense des droits des indigènes du Honduras a été assassinée, chez elle, par des hommes lourdement armés.
Elle avait 43 ans et le sourire facile, malgré les combats lourds qu'elle menait. Dans ce petit pays d'Amérique centrale,
gangrené par la corruption, secoué par
des coups d'Etat, il fallait oser se dresser contre les dérives environnementales et défendre les droits des indigènes, maltraités par les pouvoirs publics. Berta Caceres n'avait pas peur. Pourtant les menaces rodaient en permanence autour d'elle. Elle a été empêchée d'agir définitivement le jeudi 3 mars 2016, dans sa maison même, à La Esperanza, une ville appelée Espérance... L'annonce de sa mort a plongé ses compagnons et les militants de l'environnement dans la rage.
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RIP #BertaCaceres. Encore use héroine perdue, tuée par le côté diabolique de l'humanité et de l'injustice" dit cet internaute sur son fil twitter.
Lauréate 2015
du prix Goldman pour l'environnement, prix prestigieux américain doté par le philantrope Richard Goldman, s'était fait connaître pour sa défense du fleuve Gualcarque, dans le département de Santa Barbara, dans le nord-ouest du Honduras, où une entreprise prévoit de construire un barrage hydroélectrique qui menace de priver d'eau des centaines d'habitants de la zone.
Une belle personne
Voici ce que le jury qui l'avait choisie disait d'elle : "
Dans un pays de plus en plus soumis aux violations des droits humains et sociaux, et à l'inégalité, Berta Cáceres avait réussi à rallier les populations autochtones du Honduras et à mener une campagne, populaire, couronnée de succès contre le plus grand constructeur (chinois) de barrage du monde afin qu'il renonce à son projet dit de "l'Aga Zarca Dam".
Depuis le coup d'Etat de 2009, le Honduras a connu une croissance explosive des mégaprojets destructeurs de l'environnement, qui en plus déplaceraient les communautés autochtones. Près de 30 pour cent des terres du pays ont été affectés à des concessions minières. Berta Cáceres, une femme Lenca (communauté à cheval sur le Honduras et le Salvador), a grandi dans un climat de violence qui a balayé l'Amérique centrale dans les années 1980. Sa mère, une sage-femme et activiste sociale, a pris en charge les réfugiés de El Salvador, en s'attachant à l'enseignement des jeunes enfants et en leur transmettant le choix de se tenir debout quand on est privé de ses droits. Une leçon qu'avait donc parfaitement retenue Berta Cáceres
En 1993, elle avait cofondé le Conseil national des organisations populaires et indigènes du Honduras (COPINH) pour faire face aux menaces croissantes contre les communautés Lenca par le biais de l'exploitation forestière illégale, en luttant pour maintenir leurs droits territoriaux et améliorer leurs moyens de subsistance."
La police a affirmé que la dirigeante du Conseil Citoyen des Organisations des Peuples Amérindiens du Honduras (
Copinh), avait été tuée par des voleurs "
mais nous savons tous que c'est pour sa lutte" écologiste, a affirmé sa mère, Berta Flores, à la chaîne de télévision TV Globo. Son frère a été blessé dans l'attaque.
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La police dit que c'était pour la voler mais c'est un crime politique du gouvernement" hondurien, a affirmé de son côté à l'AFP, Carlos H. Reyes, dirigeant du Front national de Résistance populaire (FNRP). "
Pour la police, des inconnus sont entrés dans la maison par la porte de derrière et lui ont tiré dessus à plusieurs reprises, mais nous savons tous que ce sont des mensonges, qu'ils l'ont tuée pour sa lutte" en faveur de l'environnement, a-t-il insisté.
Menacée et abandonnée
Berta Flores a ajouté que la Commission interaméricaine des droits de l'homme avait ordonné des mesures pour assurer la sécurité de la militante mais qu'elle n'avait, de fait, reçu aucune protection de l'Etat sous pression de ceux qui défendent le secteur minier et les entreprises hydroélectriques.
De son côté, le ministre de la Sécurité Julian Pacheco a affirmé qu'une patrouille de police avait été désignée pour assurer la sécurité de Berta Caceres de manière permanente mais "
qu'à sa demande" elle n'intervenait qu'occasionnellement.
Il a ajouté que deux personnes avaient été arrêtées - une personne blessée et le responsable de la sécurité du quartier où elle a été tuée - mais sans fournir plus de détails, invoquant l'enquête en cours.
Mais sa mère affirme que Berta Caceres s'était rendue récemment sur les lieux convoités pour l'édification du barrage "
et avait eu une vive altercation avec les militaires et les dirigeants de l'entreprise qui construit le barrage. Et elle m'avait dit qu'il fallait qu'ils arrêtent la construction car c'était détruire la vie, détruire l'humanité".
Berta Caceres fait la Une du Guardian britannique ce vendredi 4 mars 2016. Signe d'un hommage unanime, international titre le quotidien, qui ne consolera pas ceux qui se battaient à ses côtés.
Le Secrétaire général de l'Organisation des Etats Américains, Luis Almagro, a condamné un crime "horrible" qu'il a qualifié de "
coup porté aux droits de l'Homme". Et à ceux de la terre entière... Elle est la deuxième femme, leader écologique, à avoir été tuée cette année en Amerique Latine,
juste après la Colombienne Maricela Tombe, à El Tambo dans la région de Cauca.
A l'annonce de l'assassinat de la Hondurienne, ses compagnons et compagnes de combat sont descendus devant les bureaux de la police de Tegucigalpa, en portant bien haut son portrait. En 2015, 80 militants écologistes ont été "liquidés" au Honduras.
Berta Caceres a été inhumée le samedi 5 mars 2016, deux jours après son assassinat. Des milliers de personnes ont assisté à son enterrement. Ses enfants réclament quant à eux la mise en place d’une commission indépendante pour mener l’enquête :