Fil d'Ariane
Les femmes prennent des hormones de synthèse de façon conséquente, et ce, sur des durées très longues depuis la mise sur le marché des premières pilules contraceptives il y a plus de quarante ans. Ce constat ne fait que s'accentuer, particulièrement depuis que de nombreuses "solutions hormonales" sont proposées pour traiter des problèmes tels l'endométriose, l'acnée, les problèmes de peau ou encore la ménopause. Si les hormones données aux femmes n'ont pas été contestées durant des décennies — pour des raisons liées aux nécessités de contraception et de liberté sexuelle — elles le sont aujourd'hui… mais pour des raisons médicales avérées. Le stérilet hormonal Mirena en est un exemple frappant tout comme le traitement hormonal Androcur mis en accusation depuis peu pour des risques accrus de tumeurs au cerveau.
> Lire notre article : Stérilet Mirena : les femmes "maltraitées" par les hormones et la gynécologie ?
Les effets secondaires très indésirables du stérilet hormonal Mirena, touchant des dizaines de milliers de femmes, ont été dénoncés en 2017 par des patientes réunies en association : SVH (Sterilet Vigilance Hormones).
> Lire notre article : Stérilet hormonal Mirena : des milliers de témoignages alertent l'Agence du médicament
L'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament), interpellée par des milliers de pharmacovigilances — ainsi que par l'association SVH — a dû réagir : des modifications sur la notice du Mirena ont été apportées, une demande de meilleure information aux patientes par les gynécoloques a été effectuée. Certains troubles psychiatriques ainsi que de nombreux autres effets secondaires causés par le DIU (dispositif intra-utérin) Mirena ont été pris en compte par l'Agence de sécurité du médicament qui insiste désormais pour qu'ils soient mis en avant et soulignés par les médecins gynécologues à leurs patientes :
Les effets indésirables susceptibles de survenir sous Mirena sont inscrits dans la notice du médicament qui doit être remise par le médecin ou la sage-femme lors de la pose du DIU. Les notices sont également accessibles sur la base de données publique du médicament .
L’ANSM élabore actuellement un document d’information à destination des femmes, en collaboration étroite avec l’association « SVH ASSO stérilet vigilance hormones », afin de renforcer l’information des femmes qui choisiraient ce type de contraception.
> Lire notre article : Stérilet hormonal Mirena : que révèle l'enquête de l'ANSM ?
Extrait du communiqué de l'ANSM du 27 août 2018 :
Les résultats indiquent que l’exposition à l’acétate de cyprotérone à forte dose expose à un risque de méningiome - pris en charge en neurochirurgie - multiplié par 7 par rapport au groupe de femmes faiblement exposées et qui ont arrêté le traitement.
Il existe par ailleurs une forte relation entre la dose et l’effet, le risque étant multiplié par plus de 20 au-delà d’une dose cumulée de 60 g, soit environ 5 ans de traitement à 50 mg/j ou 10 ans de traitement à 25 mg/j (lorsque le traitement est pris 20 jours par mois).
Les témoignages de femmes affluent, dont celui de Marlène Vlaut, qui a créé un groupe Facebook pour recueillir les expériences de femmes ayant été affectées par des méningiomes après un traitement avec Androcur. Elle explique ses problèmes de santé sur le site de l'Express :
Le 5 décembre dernier, Marlène Vlaut a soudainement des difficultés à parler. Aux urgences, l'IRM révèle la présence d'une tumeur énorme, de 5 centimètres sur 9. "Le neurochirurgien a aussitôt fait le lien avec l'Androcur, que je prenais depuis 2005", se rappelle-t-elle. Opérée dans la foulée, la jeune femme souffre désormais d'épilepsie et de troubles de la mémoire, ne peut plus conduire et a dû arrêter de travailler.
La possibilité que cette pilule hormonale puisse causer des méningiomes est connue depuis plusieurs années, comme la Haute autorité de la santé (HAS) le stipulait dans son avis sur Androcur en octobre 2011 (page 11 du document) :
La première alerte sur les méningiomes causés par Androcur date en réalité de 2008 et provient d'un neuro-chirurgien de l'hôpital Lariboisière à Paris, le Pr Sébastien Froelich : celui-là même qui, en 2015, a monté l'étudequi est sortie… cet été.
Dix ans après la première alerte, l'ANSM réagit enfin en prenant au sérieux le problème. Il faut dire qu'une étude, effectuée par des salariés de Bayer aidés de chercheurs issus de structures financées par leur laboratoire, avait conclu, fin 2011 que "les traitements hormonaux ne sont pas associés à des méningiomes chez les femmes". Le professeur Froelich, s'en agace fortement lorsqu'il se confie à l'Express : "Ils ont examiné plusieurs produits, mais pas l'acétate de cyprotérone à forte dose, justement celui à l'origine des lésions", et conclut sur le sujet en affirmant que cette étude payée par Bayer "a contribué à retarder la prise en compte du problème".
L'ANSM a convoqué des spécialistes suite à la publication de l'étude, et comme dans le cas du DIU Mirena, le professeur Israël Nisand membre du Collège national des gynécologue de France défend le produit hormonal incriminé : "Ce médicament reste efficace et sans réelle alternative. Mais il doit être pris dans la bonne indication, la bonne posologie, et sans doute pour des durées moins longues qu'aujourd'hui."
La réalité n'est pourtant pas tout à fait celle-là sur le manque "réel d'alternative" : la France cumule à elle toute seule 60% des ventes d'Androcur réparties entre seulement 5 pays européens : Royaume-Uni, Italie, Allemagne, Espagne et… France. Aux Etats-Unis, la pilule n'est pas commercialisée. Des alternatives doivent donc bien exister. A moins que la France ne soit — une fois de plus — une exception ?
L’ANSM indique pour l'heure aux femmes prenant de l'Androcur que "pour toute question, les patients sont invités à se rapprocher de leur médecin ou de leur pharmacien. Ils ne doivent en aucun cas arrêter leur traitement sans l’avis d’un médecin". La ministre de la Santé, Agnès Buzin, a quant à elle souligné qu’"il n’y pas d’urgence." Et de préciser plus loin au quotidien CNEWS : "Ce n’est pas un cancer. Ce n’est pas un scandale sanitaire." Des affirmations de la Ministre un peu précoces, puisqu'on ne connaît pas encore le nombre de patientes atteintes de méningiomes et prenant de l'Androcur…
Le laboratoire Bayer a réagi par communiqué sur son site le 7 septembre :
"Bayer a pris connaissance des résultats préliminaires d’une nouvelle étude, rendus publics le 27 août dernier sur le site de l’ANSM au sujet d’Androcur 50 mg (acétate de cyprotérone) et de ses génériques. Cette étude apporte de nouvelles données sur le risque de méningiome (tumeur généralement bénigne du cerveau) associé à l’utilisation d’Androcur 50 mg lorsqu’il est utilisé de façon prolongée et en fonction de la dose. Ce risque de méningiome, mentionné dans la notice du médicament depuis 2011, fait l’objet d’une surveillance continue dans le respect de la réglementation.
Nous nous associons pleinement à la démarche des autorités de Santé d’analyser les données qui ressortent de cette nouvelle étude. Nous sommes également attentifs aux témoignages exprimés par les patient.e.s.
Nous rappelons qu’Androcur 50 mg est un médicament indiqué en France dans le traitement de l’hirsutisme sévère (pilosité importante) chez la femme lorsqu’il retentit gravement sur la vie psycho-affective et sociale de la patiente, et du cancer de la prostate chez l’homme.
La sécurité des patient.e.s et le bon usage d’Androcur 50 mg ainsi que celui de tous les médicaments commercialisés par Bayer sont les premières priorités de notre laboratoire. En cas d’inquiétudes, nous invitons les patient.e.s traité.e.s par Androcur 50 mg à se rapprocher de leur médecin traitant.