Fil d'Ariane
Hystérectomie, nom féminin. Définition: ablation chirurgicale de l’utérus. Ce terme, les femmes en Suisse semblent particulièrement le connaître, le pays étant le troisième de l’OCDE à pratiquer le plus cette intervention, après la République tchèque et l’Islande, avec une moyenne d’environ 275 opérations pour 100 000 habitantes en 2018.
A côté de ce "record", une étude publiée en mai 2020 dans la revue PLOS ONE met en lumière les variations régionales dans le nombre d’hystérectomies pratiquées pour les pathologies dites bénignes de l’utérus – comme l’endométriose (une prolifération de l’endomètre dans les ovaires ou le péritoine), les fibromes utérins ou encore les descentes d’utérus.
Elle pointe par ailleurs les différences dans la façon de procéder des gynécologues, que cela soit par voie abdominale (la plus invasive, avec davantage de risques de saignements, de thromboses et d’infections), par voie vaginale (le gold standard, car entraînant le moins de complications), ou par laparoscopie (à l’aide de petites incisions au niveau du ventre).
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En examinant une base de données, collectées entre 2013 et 2016 au sein de 54 régions hospitalières de Suisse, les auteurs ont pu constater qu’il existait non seulement des variations significatives dans la quantité de procédures effectuées – 11% d’interventions supplémentaires en Suisse alémanique par rapport aux régions franco-italophones – mais aussi que des différences importantes étaient observées dans le choix des techniques.
Dans les zones rurales par exemple, le taux d’hystérectomies abdominales est 59% plus élevé que dans les aires plus urbanisées, alors que la Suisse romande et le Tessin semblent davantage plébisciter la laparoscopie, avec un taux d’hystérectomies par voie vaginale 40% inférieur à la Suisse alémanique.
"Les différences quant au nombre total d’interventions sont difficiles à justifier, analyse Drahomir Aujesky, chef du département de médecine interne à l’Hôpital universitaire de Berne et principal auteur de l’étude. Ni le type d’assurance ni le nombre de gynécologues présents dans les régions concernées ne semblent avoir d’impact sur la quantité d’opérations effectuées et je doute que ces variations puissent être expliquées, entre des régions géographiquement très proches, par une différence significative dans la prévalence des pathologies pouvant conduire à des hystérectomies."
Et comment expliquer que les techniques utilisées puissent autant varier? "Il semble que ce soit surtout la culture opératoire et les préférences des gynécologues qui diffèrent d’une région à l’autre, observe Drahomir Aujesky. Notre étude a également montré que les médecins formés il y a longtemps avaient plus souvent tendance à pratiquer des procédures plus invasives."
"Il est vrai qu’il est parfois difficile pour l’ancienne génération de se former aux nouvelles techniques, explique Roger Rytz, médecin-chef du département de gynécologie-obstétrique à l’Hôpital d’Yverdon et vice-président de la Société suisse de gynécologie obstétrique. En principe, chaque hôpital en Suisse possède l’infrastructure pour offrir toutes les possibilités aux patientes, mais les choix proposés dépendent beaucoup de la personne qui opère."
Si les gynécologues suisses semblent toujours avoir la main un peu lourde en comparaison européenne – la Suisse a connu une baisse du taux global d’hystérectomies de 16% entre 2002 et 2016, contre plus de 30% en France et aux Etats-Unis et plus de 50% en Finlande –, les raisons médicales justifiant une hystérectomie sont heureusement aujourd’hui plus restrictives. Cette opération ne devrait ainsi être prise en considération que lorsque les autres options thérapeutiques ont échoué et, évidemment, lorsque le désir d’enfant n’est plus présent.
"L’indication principale d’une hystérectomie reste les hémorragies, qui, lorsqu’elles sont trop importantes, peuvent conduire à des anémies, détaille Roger Rytz. Il faut néanmoins savoir qu’aujourd’hui une palette de traitements alternatifs peut être proposée, qui n’existaient pas il y a dix ou vingt ans. C’est notamment le cas de dispositifs permettant, chez les patientes ne désirant plus de grossesse, de cautériser l’endomètre, ou encore du stérilet hormonal. Si l’opération est inévitable, alors il faudra privilégier la voie vaginale, puis la laparoscopie, et enfin en dernier lieu, lorsque la taille de l’utérus ne permet pas de procéder autrement, la voie abdominale."