« I Cut » : au Kenya, des lycéennes inventent une application anti excision

Cinq adolescentes kenyanes viennent de mettre au monde un bébé commun. Une application pour mobile, inédite, destinée à lutter contre l’excision. Baptisée « I Cut », cette interface a justement pour mission de mettre fin au rite pourtant légalement interdit du « Je coupe », autrement dit à l’ablation du clitoris.
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Ces cinq jeunes Kenyanes ont inventé "I Cut", une application pour prévenir contre le risque d'excision et aider les jeunes filles qui ont subi cette mutilation génitale féminine.
©Twitter/@therestorers
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Elles s’appellent Stacy Owino, Cynthia Otieno, Purity Achieng, Macrine Atieno et Ivy Akiny… Mais sous leurs uniformes de lycéennes bleu roi, à col blanc et strictement cravatées, elles préfèrent se présenter sous le nom qu'elles se sont choisi : #TeamRestorers, («Les restauratrices»). Agées de 15 à 17 ans, ces adolescentes ont elles-même vécu ou connu de près via des amies communes le traumatisme de l’excision. Etudiantes à l'école supérieure de Kisumu (troisième métropole du pays, au bord du lac Victoria), elles expliquent dans une vidéo postée sur Facebook et Youtube, les raisons de leur engagement et comment leur application va fonctionner. «Dans 19% des cas, vous risquez de mourir suite à une excision», déclare la jeune Purity.
 
 
Dans 19% des cas, vous risquez de mourir suite à une excision Purity Achieng, lycéenne
Car si la loi au Kenya interdit les mutilations génitales féminines depuis 2001, et malgré des avancées et une diminution des chiffres comme l'affirment plusieurs organisations sur place, ces pratiques perdurent. Sur le terrain, ou plutôt dans l’ombre des chambres ou des salons des exciseuses, en ville ou dans les villages de campagne, ce rite ancestral continue à faire toujours trop de victimes. Une fille sur quatre est excisée par an, selon la fondation Thomson Reuters News. Selon une étude de l'OMS (l'Organisation mondiale de la santé), réalisée en 2008 et 2009, 27% des Kenyanes ont subi l’ablation du clitoris.

Sélectionner la touche "Sauvez"

 
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Logo de l'application I Cut inventée par 5 lycéennes kényanes pour lutter contre l'excision.
Page Facebook "Restorers"
«I Cut» propose de soutenir les filles qui sont en danger en les mettant en contact avec des centres de secours. L'appli offre aussi une aide médicale et légale à celles qui ont déjà subi ces mutilations. L’interface comporte cinq boutons. Pour alerter les forces de police en cas de danger, sélectionner le bouton Sauvez. Pour celles qui veulent témoigner : la touche Racontez leur permet de rapporter les faits aux autorités ou d'être orientées vers des centres d'accueil. Deux options supplémentaires sont également disponibles : Informations sur les mutilations génitales et Faire des dons et réagir.
(réservé aux filles) de San Francisco (7-11 août 2017).
 
Si elle s’inspire du système du bouton d’alerte agression sexuelle mis en place dans plusieurs pays via les téléphones portables, l’appli « I Cut » (encore en développement) est totalement inédite. Elle a valu à ces cinq filles d’être les seules Africaines sélectionnées au Technovation Challenge 2017 de San Francisco.
  

En lice pour le Technovation Challenge

Ce programme sponsorisé par Google et les Nations unies a pour objectif d’aider les filles du monde entier à acquérir les compétences nécessaires pour devenir des entrepreneures dans le domaine des technologies. Il s’accompagne d’un concours international récompensant les meilleures idées. Chaque année, près de 15 000 filles y participent ainsi que 6 000 mentors. Les gagnantes remportent 15 000 dollars (environ 12 800 euros).
 

Les cinq lycéennes présenteront leur application anti-excision lors du prochain Technovation Challenge le 4 octobre 2017 en Californie. Leur sélection officialisée lors de leur voyage début août à la Silicon Valley a fait beaucoup de bruit et bien-sûr attiré les feux des médias sur leur initiative. Fortes de leur nouvelle popularité, « The Restorers » enchaînent les interviews.
 

Créant un véritable « buzz » autour de cette cause, leur projet a aussi été salué par les autorités du Kenya, engagées elles-mêmes dans la lutte contre les mutilations génitales en cherchant à faire appliquer la loi, ce qui reste visiblement encore très compliqué.
 

Quand ont sait que le Kenya est l'un des pays d'Afrique leader en terme d'accès internet, ajoutez à cela une explosion du marché du téléphone portable, plus une facilité d'utilisation de l'appli, le "succès" semble assuré ... Dans tous les cas, l'utilité publique d'"I Cut" paraît indéniable. Il suffisait d'y penser, et c'est ce qu'ont fait ces cinq drôles de (jeunes) dames, et c'est tant mieux pour toutes celles qui pourront grâce à elles échapper au pire.

#YaDuProgres comme on aime à le dire ici, parfois …
 

Une dynamique kenyane contre l’excision ?

Le gouvernement a adopté une loi spécifique : le Children Act de 2001. Révisée en 2010, les auteurs s’’exposent à une amende de près de 6000 $ ainsi qu’’à une peine pouvant aller jusqu’’à sept ans d’’emprisonnement.

Au Kenya, les jeunes filles sont, pour la plupart, excisées à l’’adolescence.

Parmi les nombreuses actions mises en place pour lutter contre l’excision : l’’organisation de rites de passage alternatifs. Elle permet de revenir à l’’aspect festif et social du rite. Cela valorise certains aspects culturels, les acteurs de la lutte pour l’'abolition des mutilations sexuelles étant alors mieux acceptés par les communautés.

Selon les données 2013 de l’’Unicef, les jeunes filles de 15 à 19 ans sont trois fois moins nombreuses que les femmes de 45 à 49 ans à avoir été mutilées. La prévalence de la pratique a baissé de manière constante sur au moins trois générations de femmes et cette tendance s’est vraisemblablement amorcée il y a quarante ou cinquante ans.
source : excisionparlonsen.org