Fil d'Ariane
Deux mannequins Peggy et Betty, lors d'un défilé de mode à Paris le 24 mars 1965. Quelques mois plus tard, une loi permet aux femmes d'ouvrir un compte sans l'autorisation de leurs maris.
Petit plongeon dans une époque en noir et blanc. Nous sommes donc en 1965. Les Françaises ont acquis le droit de vote depuis 21 ans, mais à part ça, pas grand chose de nouveau au quotidien. Impossible de travailler sans le feu vert de son époux, pas de compte en banque personnel, encore moins le droit de détenir une entreprise et d'en être la patronne ou même simplement de disposer de ses propres biens.
En politique, elles étaient encore quasi-invisibles : seulement 8 députées et 5 sénatrices. Quand au gouvernement de Georges Pompidou, il était exclusivement masculin. Malgré tout, c'est à l'unanimité que les parlementaires adoptent cette loi, réformant les principes matrimoniaux érigés par le code civil de 1804 sous Napoléon. Un texte "profondément révolutionnaire", estime alors le Garde des Sceaux du moment, Jean Foyer. Les femmes ont dorénavant le droit de travailler sans l'autorisation de leur mari et elles peuvent s'ouvrir un compte en banque.
Cette réforme rendait donc la femme, presque, l'égale de son époux. Et tout est dans le "presque", car en 50 ans, les choses ont-elles vraiment avancé ?
Les femmes constituent 70% des travailleurs pauvres.
Osez le féminisme
Pour le collectif "Osez le féminisme", la réponse est non. Dans un communiqué publié à l'occasion du 50ème anniversaire de cette loi, l'association estime que cette "indépendance économique, conquise de haute lutte, n'est toujours pas synonyme d'égalité". "Aujourd'hui en France, les femmes gagnent toujours 27% de moins que les hommes, et 80% des temps partiels sont exercés par les femmes, enfin elles constituent 70% des travailleurs pauvres", précise l'association.
Alors révolutionnaire cette loi du 13 juillet 1965 ? Dans ce texte, que certains qualifient donc aujourd'hui "d'historique", au même titre que la loi autorisant le vote des femmes en 1944 ou de la loi Veil sur l'avortement, la notion de "chef de famille" était restée intouchable.
Il faudra attendre 5 ans, le 4 juin 1970, (et peut-être aussi un mai 1968!) pour que ce principe disparaisse officiellement du Code civil. Ce dont le polémiste Eric Zemmour ne s'est toujours pas remis. Il y consacre un chapitre dans son livre Le suicide Français, y voyant "la mort du père" et "la destruction de la famille occidentale".
Selon des chiffres de la Banque Mondiale en 2013, le pouvoir du mari sur la vie professionnelle de son épouse reste officialisé dans 15 pays dans le monde, et dans au moins 29 pays, la loi désigne toujours l'homme comme le "chef de famille". Il conserve ainsi toutes les cartes en main d'un point de vue administratif et aussi pour ce qui est du choix du lieu de vie. Comme on le dit, hélas, souvent sur Terriennes #yaencoreduboulot…