Dix-sept communistes, neuf démocrates-chrétiennes (Mouvement républicain populaire), six socialistes et une membre du Parti républicain de la liberté (PRL).
Elles étaient trente-trois Françaises à ouvrir les portes de l’Assemblée nationale pour la première fois le 21 octobre 1945. Un an après avoir obtenu le droit de vote, le 21 avril 1944.
Pour ce 70ème anniversaire, une
exposition a été inaugurée au Palais-Bourbon devant un public essentiellement féminin.
Des femmes qui ont ouvert la voie... Mais le chemin à parcourir vers la parité est encore long. Soixante-dix ans après, elles ne sont que 151 sur 577 députés, dans un hémicycle où le
sexisme envers les femmes est loin d’avoir disparu.
" Ces femmes ont risqué l’arrestation, la torture, la déportation, voire la mort. Il n’était plus possible de les traiter comme des citoyennes de deuxième zone"
Entretien avec l’écrivain et journaliste Gilles Perrault, fils de la résistante Germaine Peyroles, l’une des trente-trois femmes élues pour la première fois à l’Assemblée nationale le 21 octobre 1945.
Il y a 70 ans, trente-trois femmes sont élues députées en France. Parmi elles, votre mère, Germaine Peyroles. Vous aviez alors quatorze ans. Quel souvenir en avez-vous ?
Gilles Perrault : « Je me souviens très bien de cette journée, et de l’émotion de ma mère. C’était une étape importante dans sa vie. Déjà engagée en politique au parti démocrate-chrétien (Mouvement républicain populaire) avant la guerre, elle a beaucoup milité pour le droit de vote des femmes (obtenu en France en 1944, un an avant l'élection des première femmes à l’Assemblée). Un droit que les Anglaises ont acquis en 1918. C’est comme pour l’abolition de la peine de mort… nous n’étions vraiment pas en pointe sur ces sujets de société. Et les hommes ont été obligés de leur accorder le droit de vote, après avoir joué un
rôle majeur dans la Résistance (pendant la seconde guerre mondiale). Ces femmes ont risqué l’arrestation, la torture, la déportation, voire la mort. Il n’était plus possible de les traiter comme des citoyennes de deuxième zone et de les empêcher de voter. D’ailleurs, pour ces résistantes, ce droit ne leur a jamais été octroyé ! Je me souviens des échanges entre ma mère et ses amies à la maison, comme
Germaine Poinso Chapuis (femme politique française du parti démocrate-chrétien). Elles avaient le sentiment d’avoir conquis de haute lutte ce droit, avec raison. Et cela dépassait les frontières partisanes. Ma mère était aussi proche de
Madeleine Braun, élue députée en 1945 et militante communiste. Ce jour-là, elles se sont tombés dans les bras l’une de l’autre. »
Que représente leur arrivée à l’Assemblée nationale ?
G.P : « C’est une victoire incontestable pour ces femmes qui ont forcé la porte d’entrée de l’hémicycle. Mais tout restait à faire. Les démocrates-chrétiens étaient progressistes, sans être des révolutionnaires ! Certains hommes du parti disaient à ma mère : « Les femmes, pas vous Germaine bien sûr, mais dans les campagnes, elles sont dans la main du curé et l’église va donner les consignes de vote et freiner nos réformes. » Un discours contre lequel ces femmes protestaient évidemment.
En 2015, il n’y a encore que 151 femmes sur 577 députés, qui subissent toujours un sexisme ambiant. Comment l’expliquez-vous ? G.P : « Parce que les hommes ont grand peur des femmes politiques ! Après la première séance, ma mère a trouvé l'accueil des hommes plutôt chaleureux… mais avec des petits sourires en coin. Et cet anti-féminisme à l'Assemblée n'a jamais cessé. Souvenez-vous de l’accueil odieux fait à
Édith Cresson lorsqu'elle a été nommée Premier ministre. Plus récemment, les campagnes contre Christiane Taubira (actuelle garde des Sceaux), qui est une femme remarquable et admirable, avec ses défauts comme tout le monde,
traitée de « guenon ». Je ne me souviens pas avoir déjà entendu un homme politique être traité de chimpanzé. Malheureusement, beaucoup d’hommes considèrent encore que les femmes ne sont pas à leur place dans les rangs de l’Assemblée nationale. »