Fil d'Ariane
Les implants Essure consistent en des "ressorts" de fibres de polyéthylène, titane, acier inoxydable et nickel qui sont posés, sans anesthésie, à l'entrée des trompes de Fallope. Leurs propriétés chimiques génèrent une cicatrisation des trompes, dont l'obturation provoque une stérilisation définitive.
Le procédé existe depuis 2002 ; il est remboursé par la sécurité sociale depuis 2005. Essure, bien qu'équivalent à la ligature des trompes, a été plébiscité pour la simplicité de sa mise en oeuvre : aucune chirurgie n'est nécessaire et, jusqu'à récemment, n'importe quel gynécologue pouvait poser ce dispositif intra-utérin aussi facilement qu'un stérilet.
Cette contraception irréversible, puisque c'est une stérilisation, est le plus souvent proposée à des femmes ne supportant pas les contraceptions hormonales, ou à celles qui ont déjà enfanté et atteignent un certain âge.
Or chez 10 % des femmes, au moins, ce produit Bayer - comme le stérilet Mirena - n'est pas sans conséquences graves, pudiquement appelées "effets secondaires". Ce sont en réalité des symptômes de pathologies lourdes qui se développent parfois, pouvant aller jusqu'à l'ablation des trompes et de l'utérus. Depuis 2011, l'implant Essure a été posé sur 140 000 femmes en France et un million de dispositifs ont été vendus dans le monde.
Les autorités françaises ont longtemps continué à invoquer la balance bénéfice-risque en faveur des dispositifs de Bayer, alors qu'Essure avait été interdit au Brésil début 2017 et que le fabricant stoppait sa commercialisation en Finlande et aux Pays-Bas.
Quant au fabricant Bayer, il publiait sur son site, en décembre 2016, une réponse invoquant ce même rapport bénéfice-risque, confirmé en avril 2017, par la publication d’un rapport du CSST. De nouveaux tests toxicologiques n'étaient alors pas prévus par la société autres que ceux, prédéfinis par les organismes de réglementation, réalisés préalablement à la commercialiations du produit. Enfin, précise la société, les modalités de retrait de l’implant intratubaire figurent sur la notice d'utilisation, puis c'est le chirurgien, qui en fonction de son cas particulier, met en place une procédure adaptée - CQFD.
Les témoignages de femmes ayant subi des dommages corporels et psychiques dus aux implants Essure sont nombreux et perturbants : douleurs aiguës au ventre, à la nuque, dans le dos, parfois associéees à une paralysie temporaire ou permanente, à une dépression, une fatigue massive, ainsi qu'à des troubles hémorragiques et neurologiques lourds, avec vertiges, troubles visuels, du langage et pertes de mémoire. La cause de ces affections pourrait être, en partie, liée à des allergies aux métaux lourds constitutifs d'Essure : en effet, dès le dispositif retiré, les symptômes régressent, puis disparaissent.
Seul hic, et non des moindres, le retrait des implants n'est pas aussi simple que leur pose, puisqu'il requiert une opération chirurgicale sous anesthésie générale. Plusieurs méthodes de retrait sont possibles en fonction de l'état du dispositif et de son emplacement. Ainsi les recommandations techniques du CNGOF (Collège national des gynécologues obstétriciens de France) : "L’ablation de l’utérus et des deux trompes ne doit pas être systématique, mais peut s’avérer utile en cas de pathologie gynécologique associée (…)" Les femmes qui ont opté pour cette stérilisation mesurent-elles les suites médicales et biologiques qu'impliquerait leur intolérance au dispositif ?
Une association de femmes victimes d'effets secondaires à la suite de la pose d'un implant Essure, "Resist" (Réseau d'entraide, soutien et information sur la stérilisation tubaire), se bat pour alerter les autorités du danger qu'il représente pour la santé : "au moins 10%" des femmes souffrent d'effets secondaires, selon une étude hollandaise.
La présidente de l'association Resist, Marielle Klein — qui a elle-même subi une ablation de l'utérus au moment du retrait de son implant Essure — avait du mal à accepter que les autorités sanitaires défendent ces implants : "Quand la plupart d'entre nous, porteuses d'Essure, avons consulté pour des troubles neurologiques, on nous a évoqué la sclérose en plaque, ce qui n'est pas rien. Et au final, une fois les examens passés, on nous dit 'c'est dans votre tête, vous n'avez rien'. Et pourtant, avec l'association, nous avons rencontré l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), nous avons témoigné, et le bénéfice-risque est toujours renvoyé en faveur d'Essure. Mais quand on a vu la liste des experts Essure issus du CNGOF au CSST (Comité scientifique spécialisé temporaire de l'ANSM, ndlr), on a eu un peu le sentiment de faire un pas en arrière, parce ce sont des professionnels habitués à Essure, mais qui ne vont pas aider les femmes, puisque ce sont les gynécologues qui ont posé le plus d'Essure en France".
Une porteuse d'Essure est décédée, potentiellement à cause d'une allergie massive au nickel (article du Monde du 07 juillet 2017), et l'association Resist a décidé de porter plainte en septembre contre les laboratoires Bayer. Au Brésil, les implants Essure sont interdits dès début 2017. En cause : le manque d'information sur leur corrosion et leur toxicité, entre autres, puisque le fournisseur de Bayer au Brésil n'avait pas donné suite aux demandes des autorités sur ce sujet. L'Anvisa (l'autorité de sécurité du médicament équivalente à l'ANSM française) avait placé Essure en "risque maximal" suite à un rapport scientifique rapportant des douleurs chroniques, des allergies et des migrations du dispositif. Aux Etats-Unis, une plainte collective visait Bayer et ses implants Essure.
Marielle Klein, elle aussi, a réclamé des informations à l'ANSM : "Nous leur avons demandé s'ils avaient accès aux documents sur la corrosion et la toxicité d'Essure, et ils nous ont répondu que non, qu'ils allaient faire des recherches. Ce qui est incroyable, c'est que le laboratoire Bayer est censé avoir fait ces études, et devrait les avoir fournies à l'ANSM. Pourquoi n'est-ce pas le cas ?"
Quatre ans plus tard, en 2021, le ministère de la Santé annonce qu'un registre des femmes s'étant fait retirer un implant Essure en raison de la survenue d'effets indésirables va être mis en place "dans les prochains mois" pour améliorer le suivi de ces patientes. Parallèlement, une procédure en dommages-intérêts a été lancée contre l'État le 16 septembre 2021 par d'anciennes porteuses du dispositif contraceptif Essure. Resist appelle la mobilisation :
GRAND RASSEMBLEMENT AUJOURD HUI https://t.co/0RakbvsU80 #RESIST GRAND RASSEMBLEMENT PACIFIQUE DES VICTIMES DE L'IMPLANT ESSURE®
— Datarainbow Privacy Advocate (@clarinette02) September 18, 2021
SAMEDI 18 SEPTEMBRE 2021
PLACE PIERRE LAROQUE
PARIS 7ème
Rassemblement à 13h