Fil d'Ariane
Il y avait le scandale des prothèses défectueuses PIP qui provoquaient des maladies infectieuses en cascade chez certaines porteuses. Une catastrophe sanitaire d'ampleur internationale, de nombreuses femmes à travers le monde et singulièrement en Amérique latine ayant été affectées. Après le procès des principaux protagonistes, on croyait ces horreurs révolues. Mais voici qu'une nouvelle éventuelle catastrophe à venir survient : un cancer, inconnu jusque là, est apparu chez des porteuses d'implants mammaires.
Les prothèses mammaires restent utilisées principalement (dans plus de 85% des cas en France) par la chirurgie esthétique, pour répondre à la demande de femmes qui veulent correspondre aux normes de la beauté édictée par les industries de la mode, au risque de leur santé. La chirurgie réparatrice, des cancers du sein, des accidents, ou des malformations, ne concerne elle que moins de 15% des opérations.
Un document disponible sur le site internet de l'INCa et dévoilé mardi 17 mars par le quotidien français Le Parisien, comptabilise pour la France 18 cas depuis 2011 de ces cancers rares, dont neuf signalés en une seule année, (173 recensés dans le monde), relevant des lymphomes anaplasiques à grandes cellules associés à un implant mammaire (LAGC-AIM), autrement appelé "prothèse texturée". La rareté de ces cas pourrait faire négliger ce cancer particulier, qui semble apparaître dans un délai de 2 à 37 ans. Sauf qu'on ne sait encore rien de ce qui pourra advenir dans le futur.
"Il existe un lien clairement établi entre la survenue de cette pathologie et le port d'un implant mammaire", expliquent ces experts dans leur rapport mais ceux-ci ajoutent que "la fréquence de cette complication est cependant très faible".
Lors d'une conférence de presse convoquée en urgence, Marisol Touraine, ministre de la Santé et des Affaires sociales a voulu temporiser : "Nous devons la transparence aux femmes, dans notre pays déjà marqué par l'affaire PIP. Les femmes ne doivent pas céder à une inquiétude excessive, mais doivent rester vigilantes." Elle recommande cependant que des informations plus précises soient communiquées par les médecins aux femmes avant toute intervention.
Le temps des hypothèses
Le nombre de femmes porteuses d'implants mammaire serait estimé à 400 000 en France même, mais il reste "difficile de déterminer le nombre de femmes porteuses d'implants mammaires", selon les experts de l'INCa. Le lien entre ce cancer et les implants mammaires n'est pas nouveau puisque c'est la découverte d'un tel cancer chez une femme porteuse d'une prothèse de marque PIP qui avait déclenché l'alerte sanitaire visant ce fabricant du sud-est de la France en novembre 2011.
Sur la base du nombre de LAGC diagnostiqués jusqu'à présent en France, les experts de l'INCa évaluent avec prudence "qu'une à deux femmes pour 10.000 porteuses d'implant(s) mammaire(s) pendant 10 ans présenteraient" ce type de lymphomes, mais "sous réserve de la validité des hypothèses encore difficile à apprécier à ce stade".
Ces spécialistes ajoutent toutefois qu'au "regard de ces données, il n'est pas recommandé de proposer une explantation préventive", à savoir un retrait des prothèses chez toutes les femmes porteuses. "Nous sommes particulièrement vigilants sur le suivi de l'affaire des prothèses mammaires, car c'est la santé des femmes qui est en jeu", déclare François Hébert, directeur général adjoint de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Cependant, en cas de lymphome dépisté, il est souhaitable de retirer l'implant. En absence de traitement spécifique, ce simple retrait suffirait à faire disparaître le lymphome, selon Agnès Buzyn, présidente de l'Institut national du cancer.
D'après lui, "il y a eu un premier cas (de ce cancer) en 2011, deux en 2012, quatre en 2013 et onze en 2014. Une personne est décédée. Dans un premier temps, il a été décidé que les femmes qui se font poser des implants mammaires doivent être obligatoirement averties de ce nouveau risque, même s’il est faible". Et il précise que "des lettres d’information et de mise en garde ont été envoyées aux professionnels de santé". Une réunion d'experts est en outre prévue fin mars. "S’il faut prendre des mesures, si on doit les interdire, nous le ferons", ajoute M. Hébert.
Pour les autorités, une alerte mais pas d'alarme. Reportage du JT de France 3