Santé au féminin

Implants vaginaux, bandelettes périnéales : "Des corps sacrifiés" ?

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Implants vaginaux, le combat pour se faire entendre

Un collectif rassemble aujourd'hui en France plusieurs centaines de femmes qui souffrent de lourdes séquelles après avoir subi une opération pour la pose d'un implant vaginal, ou de bandelettes périnéales. 

©facebook / bandelettes périnéales
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Infections, saignements, lésions, douleurs chroniques ... Sujettes à de graves effets secondaires depuis la pose d'implants vaginaux, plusieurs dizaines de patientes ont décidé de porter plainte en France. Estimant ne pas avoir été informées des risques de complications irréversibles, elles militent avec le mot dièse #StopMesh. 

Combien sont-elles aujourd'hui à souffrir ? Présentée comme une "opération banale" afin de remédier à l'incontinence précoce développée par certaines femmes, cette intervention s'avère utile chez beaucoup d'entre-elles, mais "2-3% sur les 30 000 femmes opérées par an en France développent de fortes complications", rapporte le site de la Dépêche.fr. 

Le groupe Facebook de patientes françaises atteintes de séquelles suite à la pose de ces implants vaginaux compte aujourd'hui plus de 800 membres.

Une quarantaine de femmes représentant un collectif de femmes victimes de bandelettes périnéales en propylène, se sont retrouvées début juin 2023 à Toulouse, où un congrès d'urologues avait lieu. Leur intention était de "sensibiliser et interpeller les professionnels soignants".

 

Trop de confiance et manque d'information

En décembre 2019, Catherine M. sort d'une opération d'une trentaine de minutes avec une bandelette, un petit filet en polypropylène installé sous l'urètre, censé résoudre son incontinence urinaire à l'effort.

Je leur en veux de ne pas m'avoir informée qu'on ne pourrait pas l'enlever. Catherine M.

L'implant lui avait été présenté comme la "solution idéale, en ambulatoire", raconte en septembre 2022 à l'AFP cette institutrice quinquagénaire, lors d'une rencontre avec d'autres plaignantes assistées de leurs avocates, Laure Heinich, Hélène Patte, Dorothée Bisaccia-Bernstein et Amandine Sbidian.

"J'ai toujours fait confiance aux médecins", souligne-t-elle, le ton amer. Pourtant, très vite, son état de santé se dégrade: une vive "douleur électrique" dans le bassin et la hanche gauche, "comme si elle était écartelée, qui irradie jusque dans le pied".  Impossible de s'asseoir, d'avoir une vie sexuelle, de marcher. S'ensuivent un arrêt maladie de six mois, une dépression: "Je leur en veux de ne pas m'avoir informée qu'on ne pourrait pas l'enlever", dit-elle.

"Corps sacrifiés", "cobayes" 

Certaines patientes ont voulu se faire enlever leur implant devenu trop douloureux, souvent sans succès.

J'ai un implant dont je n'ai jamais voulu, je n'ai jamais eu de document de consentement. Amélie (prénom modifié)

Marie-Christine S. a ainsi subi sept opérations depuis la pose de sa prothèse en 2002, selon les éléments portés à la justice. Amélie (prénom modifié), 40 ans, a été opérée en novembre 2019 pour un prolapsus. "J'ai un implant dont je n'ai jamais voulu, je n'ai jamais eu de document de consentement", déplore-t-elle, très émue. "Ça a détruit ma vie", renchérit Stéphanie Neplaz, qui a le sentiment d'avoir servi de "cobaye" lors de la pose d'une bandelette pour résoudre une incontinence consécutive à sa grossesse en 2016.

"Ce sont vraiment des corps sacrifiés", s'émeut Laure Heinich, l'une des avocates en charge de ce dossier.

Toutes font partie de la quarantaine de femmes, âgées de 40 à 80 ans, qui ont signé deux plaintes contre X - en 2020, puis 2021 - pour des faits s'étalant de 1995 à 2019. Une enquête préliminaire est ouverte depuis le 20 avril 2021 pour tromperie aggravée et blessures involontaires, confiée à l'Office de lutte contre les atteintes à la santé publique (OCLAESP), selon le parquet de Paris. 

"21 avaient porté plainte fin 2020, rejointes par 57 autres ces derniers mois. Elles dénoncent la lenteur de la justice", précise un article publié sur le site de France Inter, ce 26 juin 2023.

Traiter l'incontinence féminine

Les bandelettes sous-urétrales et les prothèses de renfort pelvien, posées par voie vaginale ou abdominale, sont des dispositifs médicaux développés depuis la fin des années 1990.

Ces implants sont destinés respectivement au traitement de l'incontinence urinaire et des prolapsus (descente) des organes pelviens - un phénomène "généralement pas dangereux" et sans "risque d'aggravation rapide" selon la Haute autorité de santé (HAS). Une fois posés, ils s'incorporent aux tissus. 

Selon le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), environ 50.000 dispositifs sont vendus annuellement en France, les deux tiers pour traiter l'incontinence urinaire. En 2019, 8 des 19 fabricants se partageaient près de 90% du marché.

#StopMesh : ldes femmes en lutte contre les bandelettes périnéales

Voici à quoi ressemble une bandelette périnéale, prothèse qui doit renforcer l'urètre.

DR

Des risques "sciemment" minimisés

Les notices des laboratoires étaient-elles complètes ? Les chirurgiens ont-ils informé leurs patientes des risques ? Ont-ils posé correctement les implants ? Les contrôles des autorités sanitaires ont-ils été suffisants ?

Les plaignantes soutiennent que les laboratoires ont sciemment minimisé voire dissimulé les risques que présentaient leurs dispositifs, notamment les difficultés - même l'impossibilité - de les enlever.

"Tout en compatissant avec toutes les femmes qui connaissent des complications médicales liées au prolapsus des organes pelviens, Ethicon a agi de bonne foi en se basant sur des preuves scientifiques rationnelles concernant la recherche, le développement et la commercialisation de notre produit", souligne dans une déclaration transmise à l'AFP cette filiale de Johnson & Johnson, un des laboratoires mis en cause. 

Selon les plaignantes, ces dispositifs ont été validés en France malgré des "études cliniques insuffisantes".

Leur commercialisation ne requérait pas d'autorisation de mise sur le marché mais une certification CE (conformité européenne). Les premières enquêtes de matériovigilance en 2005 puis 2016 ne concluaient pas à une fréquence anormale de complications, autour de 1,5%, selon le site de l'ANSM.

Interdits aux Etats-Unis et en Australie, plaintes en Afrique-du-sud

Aux Etats-Unis pourtant, les prothèses posées par voie vaginale ont été classifiées à "haut risque" en 2016 et interdites en 2019. Un an plus tard, le groupe pharmaceutique Johnson & Johnson y a été condamné à payer 344 millions de dollars pour publicité trompeuse et mensongère dans la commercialisation des implants pelviens de sa filiale Ethicon. Puis la société américaine Boston Scientific a versé 189 millions de dollars pour solder des poursuites.

L'Australie a interdit les implants pelviens en 2017 et en 2019, Johnson & Johnson y a été reconnu coupable de négligences et de pratiques trompeuses. 

Des Sud-Africaines elles-aussi ont décidé de poursuivre des multinationales pharmaceutiques.

Parmi elles, Suzette Roodt, 57 ans. Dans un premier temps soulagée de pouvoir, grâce à un nouvel emploi, s'offrir un implant synthétique pour traiter son incontinence, tout change à sa sortie d'hôpital. "Quelque chose cloche": la maille est défectueuse et a durci dans son corps, provoquant une obstruction complète de la vessie, des lésions et des douleurs chroniques.

Six ans plus tard, cette femme est sans emploi et attachée à un cathéter. Elle a rejoint une dizaine d'autres Sud-Africaines qui poursuivent le groupe danois Coloplast et Ethicon, filiale du groupe américain Johnson & Johnson, pour des blessures subies par ces implants. 

Et en France ? 

En France, la Haute autorité de santé réclamait en 2007 "des données cliniques comparatives pour confirmer l'intérêt" des implants pour le prolapsus posés par voie vaginale, selon une évaluation disponible en ligne.

Leur utilisation est suspendue depuis un arrêté ministériel de février 2019. En revanche, ceux posés par voie abdominale et les bandelettes sous-urétrales sont toujours autorisées et commercialisées, selon une liste du ministère de la Santé en date du 31 août 2022.

"Le problème des bandelettes urinaires est radicalement différent en termes de responsabilité de celui des prothèses vaginales. Le taux de complications est aussi radicalement différent", résume le Dr Bertrand de Rochambeau, président du syndicat des gynécologues et obstétriciens de France, pour expliquer que les premières soient toujours utilisées.

Selon les recommandations de la HAS, les chirurgiens ne doivent poser les implants qu'en dernier recours, "délivrer une information complète aux patientes" et les "associer" à la décision. 

Le 1er mai dernier, à l'occasion de la journée de la sensibilisation aux dispositifs de renfort en polypropylène, une mobilisation était organisée sur les réseaux sociaux avec le mot dièse #StopMesh. "Je sens une rape qui me déchire le vagin", "J'ai servi de cobaye" ...  Par dizaines, des femmes ont posté leur photo ou celle de la bandelette qu'elles ont fini par réussir à faire retirer, en racontant leur quotidien de souffrance. 

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