Fil d'Ariane
Originaire de Haïti, la francophone Karine Jean-Pierre incarne la diversité et la jeunesse. Mariée à une journaliste, l'ancienne cheffe de campagne de Kamala Harris et conseillère de Barack Obama est la première femme noire ouvertement LGBTQ+ nommée porte-parole de la Maison Blanche.
"Je suis tout ce que Donald Trump déteste", disait Karine Jean-Pierre en 2018. Ce 5 mai 2022, elle est nommée porte-parole de la Maison Blanche. Elle devient ainsi la première femme noire et ouvertement lesbienne à occuper ce poste aussi prestigieux qu'exposé. Le 13 mai, elle remplacera Jen Psaki, dont elle était jusqu'ici l'adjointe, selon un communiqué de la Maison Blanche dans lequel le président démocrate Joe Biden loue "l'expérience, le talent et l'honnêteté" de sa future Press Secretary.
Née en #Martinique, l’Haïtienne Karine Jean-Pierre, première femme noire porte-parole de la Maison Blanche
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Karine Jean-Pierre, francophone, succède à Jen Psaki et entre dans l'Histoire
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La porte-parole sortante, faisant venir Karine Jean-Pierre auprès d'elle lors du traditionnel briefing des journalistes accrédités à la Maison Blanche, a loué, d'une voix parfois étranglée par l'émotion, les qualités de son adjointe, qu'elle a prise dans ses bras à plusieurs reprises. Karine Jean-Pierre "sera la première femme noire, la première personne ouvertement LGBTQ+ à occuper cette fonction, ce qui est formidable, parce que la représentativité, c'est important, et parce qu'elle va donner une voix à tant de personnes, et leur montrer ce qui est possible quand on travaille dur et qu'on a de grands rêves", a dit Jen Psaki. Egalement émue, la future Press Secretary, elle, a déclaré : "C'est un moment historique et je m'en rends bien compte. Je comprends combien c'est important pour tant de gens".
FIRST BLACK WOMAN
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Outgoing White House Press Secretary Jen Psaki congratulates her successor and "partner in truth" Karine Jean-Pierre, who will be the first Black woman and openly #LGBTQ+ person in the high-profile post. | AFP #JenPsaki#KarineJeanPierre #DailyTribune pic.twitter.com/11iD7BCsp3
Karine Jean-Pierre a 44 ans, est la maman d’une petite Soleil qu’elle a adoptée avec sa femme, Suzanne Malveaux, journaliste à CNN, et a rejoint l’équipe de Joe Biden en mai 2020, comme conseillère politique, avant de diriger la campagne de Kamala Harris, devenue vice-présidente.
Adjointe de la porte-parle en titre, Karine Jean-Pierre a déjà pris place plusieurs fois, comme numéro deux, devant le célèbre fond bleu de la James S. Brady Press Briefing Room. A l'avenir, ce n'est plus comme doublure qu'elle se prêtera à l'exercice hautement périlleux de la conférence de presse quotidienne de la Maison Blanche, retransmise en direct et décortiquée à l'infini. Avant elle, une seule autre femme noire, Judy Smith, avait déjà été porte-parole adjointe de la Maison Blanche, sous la présidence de George H.W. Bush, en 1991.
Karine Jean-Pierre est aussi la francophone de l’équipe Biden. Née à Fort-de-France, en Martinique, de parents d’origine haïtienne qui ont fui la dictature Duvalier, elle a grandi à Paris puis est arrivée avec sa famille aux Etats-Unis à l’âge de 5 ans. Jeune, noire, lesbienne, fille d’immigrés, écologiste, progressiste, qui maîtrise l’art de la communication : Joe Biden a trouvé en elle la personne idéale pour incarner la diversité, mobiliser les minorités et dynamiser son équipe. Pour tenter de rajeunir son image, aussi, à l’approche des élections de mi-mandat qui se tiendront en novembre 2022.
Si vous travaillez très dur avec un objectif, vous l'atteindrez.
Karine Jean-Pierre
Interrogée sur le message qu'elle souhaitait livrer aux jeunes filles américaines - et aux garçons, a-t-elle tenu à compléter -, elle a déclaré : "si vous travaillez très dur pour un objectif, vous l'atteindrez. Oui, vous subirez des coups durs, vous traverserez des moments difficiles et cela ne sera pas toujours facile mais la récompense sera incroyable, surtout si vous restez fidèles à ce que vous êtes."
La nouvelle porte-parole de la Maison Blanche milite aussi pour faire tomber les préjugés en matière de santé mentale : victime d'agression sexuelle dans son enfance, elle a souffert de dépression jusqu'à faire une tentative de suicide.
Après des études en administration publique à l’Université Columbia, à New York, Karine Jean-Pierre bifurque assez vite vers la politique. Elle travaille notamment pour John Edwards, candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2008, rejoint ensuite l’équipe de campagne de Barack Obama, avant de faire partie de son administration comme directrice régionale pour le Bureau des affaires politiques de la Maison-Blanche. En 2011, elle place son énergie dans son équipe de réélection, en se concentrant sur les swing states, ces Etats pivots capables de balancer d’un camp à l’autre.
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En 2014, Karine Jean-Pierre devient chargée de cours en affaires publiques et internationales à l’université Columbia et intervient régulièrement comme analyste politique sur MSNBC. En 2016, on la retrouve dans la campagne de Martin O’Malley, ancien gouverneur du Maryland qui visait alors la présidentielle. Après la victoire de Donald Trump, elle devient la porte-parole de MoveOn, une organisation qui soutient des candidats progressistes. Un emploi qu’elle a mis entre parenthèses pour rejoindre l’équipe de Joe Biden.
Lors de sa nomination comme cheffe de campagne de Kamala Harris, en mai 2020, l’Afro-Américaine Valerie Jarrett, une ancienne conseillère de Barack Obama, a été l’une des premières à la féliciter, sur Twitter : "Félicitations tout spécialement à @K_JeanPierre, la première personne noire de l'histoire nommée cheffe de cabinet d'un.e candidat.e à la vice-présidence" :
Special shout out to @K_JeanPierre who is the first Black person in history to serve as chief of staff to the VP nominee. #WeHaveHerBack https://t.co/HOVAOGSmVU
— Valerie Jarrett (@ValerieJarrett) August 11, 2020
Pugnace, déterminée, Karine Jean-Pierre ne lâche rien. Une anecdote revient souvent: le 1er juin 2019, lors d’un débat à San Francisco avec Kamala Harris, alors candidate à l’investiture démocrate, Karine Jean-Pierre, qui était la modératrice, tente de stopper un militant qui bondit sur scène et saisit le micro de la sénatrice. La vidéo est devenue virale.
Mon enfance était 100% haïtienne, stricte, conservatrice, catholique.
Karine Jean-Pierre
Très jeune, elle doit prendre des responsabilités, s’occuper de sa sœur et de son frère. "Mon enfance était 100% haïtienne, stricte, conservatrice, catholique. Il y avait des crucifix sur les murs, la radio était branchée sur des stations chrétiennes. Pas de télé, pas de pyjama party chez mes amies, pas d’insolence, écrit-elle. Nous étions de la classe ouvrière, ayant toujours l’impression de danser sur un fil tendu. Une dépense inattendue – une visite aux urgences, un pare-chocs de voiture cassé – pouvait faire plonger toute la famille dans un abîme et sans nourriture dans le frigidaire. Il arrivait souvent que les factures ne puissent pas être payées, nous laissant sans électricité et sans chauffage parfois pendant des jours."
Sous pression, elle ne cache pas être passée par des moments sombres, au point d’avoir tenté de se suicider. Une période ponctuée de crises d’angoisse dont elle a décidé de parler pour essayer d’aider ceux qui traversent des difficultés. "Mes parents sont venus ici aux Etats-Unis pour vivre leur rêve américain qui, à bien des égards leur échappait. Encore aujourd’hui, ils connaissent parfois des fins de mois difficiles. Mais voir leur fille réussir, me voir arriver à la Maison-Blanche, faire des études à l’Université Columbia…, c’était comme une concrétisation de ce rêve. Observer leur parcours était intéressant. Quand ils étaient assommés par des difficultés, ils se relevaient. Et donc, quand je fais face à un échec, je me relève. Grandir à leurs côtés m’a rendue beaucoup plus forte," a-t-elle précisé sur PBS à la sortie de son livre. Ce rêve américain, Karine Jean-Pierre le poursuit. Peut-être en faisant une nouvelle fois son entrée à la Maison-Blanche.
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► Lire l'intégralité de l'article de Valérie de Graffenried sur le site du journal suisse Le Temps