Indonésie : célibataires, vierges et agentes de police
Ailleurs on demanderait un casier judiciaire vierge... Pour entrer dans la police indonésienne, une femme doit avant tout être, non pas compétente, mais célibataire et... vierge. L'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch dénonce une pratique humiliante, douloureuse, discriminatoire et.... même pas fiable.
Une femme agente de la circulation à Jakarta. En avril 2014, la police indonésienne a intégré 7000 femmes, un recrutement sans précédent (@Human Rights Watch)
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Dans certaines régions de l'Indonésie, où la société est profondément conservatrice, la virginité féminine est encore considérée comme une valeur essentielle. Un sujet qui, voici un an de cela, a fait les gros titres, lorsqu'un responsable de l'éducation, à Sumatra, avait suggéré que les lycéennes soient soumises à des tests de virginité. Ainsi les examens intimes sont-il encore monnaie courante dans le plus grand pays musulman du monde. Notamment dans la police qui, bien que la hiérarchie s'en défende, n'examinerait que les candidatures des jeunes femmes célibataires et vierges. Garantes de l'ordre public, les femmes portant l'uniforme se devraient donc aussi d'être garantes des "bonnes moeurs", telles que l'entend la société indonésienne. En 2014, encore, les témoignages abondent de femmes qui évoquent ces souvenirs douloureux, à la fois physiquement et moralement. "Je préfère ne pas évoquer cet épisode humiliant, avoue une jeune femme de 19 ans, candidate à Pekanbaru, dans l'île occidentale de Sumatra. Pourquoi se déshabiller devant des inconnus ? Cela n'est pas nécessaire. Ca doit cesser". Wina, candidate à Badung (Java occidental) se souvient : "En 2013, j'ai postulé pour devenir agent de police. Pour compléter le dossier, il fallait faire un bilan de santé. C'est là que les recruteurs m'ont dit que l'on examinerait aussi mes ... organes internes. Et quand j'ai compris que l'examen des 'organes internes' voulait dire un test de virginité, j'ai eu un choc."
Une pratique discriminatoire Entre octobre et mai 2014, Human Rights Watch a interrogé 8 femmes policières ou candidates à cette fonction dans 6 villes d'Indonésie ; toutes ont subi le test de virginité, dont deux en 2014. Si les femmes "diagnostiquées non-vierges" n'ont pas été évincées des rangs de la police, toutes celles qui ont subi le test se souviennent de la douleur et du traumatisme. Les fonctionnaires de police féminines ont déjà soumis le problème aux hauts responsables de la police, dont certains persistent à affirmer que cette pratique n'a plus cours. Reste que le test de virginité figure dans la liste des conditions à remplir pour les candidates qui souhaitent postuler sur le site officiel de la police. Et selon l'enquête de Human Rights Watch, le test de virginité est encore une pratique très courante. Ce sont des "pratiques discriminatoires, douloureuses et humiliantes, déclare Nisha Varia, directrice adjointe chargée des droits des femmes chez HRW, à New York. Elles vont à l'encontre des directives de la police en matière de recrutement, sans parler des droits des êtres humains à l'égalité, à la non-discrimination et à la vie privée," ajoute-t-elle. "En tant qu'agente de police à la retraite, je trouve ces tests de virginité extrêmement discriminatoires. Car les candidates ne reçoivent pas le même traitement que les candidats", s'indigne le docteur Irawati Harsono, de l'Académie de police.
Une méthode d'examen incertaine "Nous étions 20 réunies dans une salle. On nous a dit que nous avions 3 minutes pour nous déshabiller. Le personnel médical nous a examinées sous toutes les coutures, puis ils nous ont demandé d'entrer deux par deux dans une deuxième salle. C'est là qu'ils ont testé notre virginité, en introduisant deux doigts avec du gel dans notre vagin. C'était si douloureux que l'une de nous s'est évanouie. C'était aussi très humiliant, car la salle restait ouverte, si bien que toutes les autres pouvaient voir ce que l'on nous faisait, et qui aurait dû rester intime," explique Siti, candidate à Makassar (Sulawesi du Sud). Outre l'humiliation, la méthode utilisée laisse cruellement à désirer : "Ce sont des méthodes agressives et abusives qui n'ont rien à voir avec leur potentiel professionnel... En outre, il est reconnu que la pratique utilisée - l'introduction des doigts dans le vagin - n'est ni fiable ni scientifique," proteste Nisha Varia.
Féminiser la police A l'heure actuelle, les femmes ne représentent que 3 % des 400 000 policiers indonésiens. Mais la police du pays cherche à en recruter davantage (7000 en avril 2014). L'objectif du gouvernement est de passer de 14 000 femmes à 21 000 d'ici la fin de l'année. Les femmes ne seraient encore que 5 % des agents de police, mais c'est un premier pas. "Alors pour parvenir à cet objectif, et pour respecter les droits des femmes, les responsables de la police doivent renoncer aux tests de viriginité, et faire en sorte que cette interdiction soit respectée dans toutes les régions d'Indonésie," insiste Nisha Varia. Que fait la police ? "Tous les candidats à l'intégration dans la police subissent un examen de santé complet afin de s'assurer qu'ils ne sont pas porteurs de maladies sexuellement transmissibles, explique Ronny Sompie, porte-parole de la police. Et le fait qu'une femme ne soit plus vierge ne la disqualifie pas nécessairement," a-t-il précisé. Et pourtant, selon HRW, un document publié ce mois de novembre 2014 sur le site de la police précisait bien que toute candidate devait être vierge...
“Des tests dégradants, une méthode discriminatoire“