Entretien avec Mme Amy Sakho, responsable de la boutique de droit de l’Association des juristes sénégalaises (AJS) de Pikine (région de
Où en est aujourd’hui votre plaidoyer pour un projet de loi sur la légalisation de l’avortement médicalisé en cas d’abus sexuels? Nous sommes en train aujourd’hui de discuter avec les populations et les parlementaires. Mais le sujet sur l’avortement au Sénégal est très sensible. Nous essayons de rassembler tout le monde pour adhérer à notre projet de loi. Il y a des femmes parlementaires qui soutiennent ce projet et avec qui nous avons pu discuter, mais certaines sont divisées sur cette question. Il faut trouver un consensus, notamment avec les religieux. Mais les députés sont d’accord sur le fait qu’il faut faire plus d’actions de sensibilisation au niveau de la population.
Y a-t-il des chances de voir porter ce projet à l’Assemblée dans les mois à venir ? J’ai espoir. Au début de la campagne de sensibilisation à l’avortement, les gens étaient très réticents. Mais ils ont compris au fil des mois, l’intérêt de notre plaidoyer. L’avortement est un besoin. Même s’il est interdit au Sénégal, les gens le font clandestinement. Les populations et les décideurs vont comprendre que ce projet de loi doit être voté. Je respecte l’avis des religieux. Ils ont leurs convictions. Mais notre plaidoyer est logique, fondé juridiquement sur le protocole de Maputo.
Quels sont selon vous, les progrès les plus urgents à réaliser en matière d’IVG ? Le plus important est la modification de l’article 305 du Code pénal qui interdit l’avortement, sauf en cas de danger de la mère. Nous recevons dans nos « Boutiques de droit » des jeunes filles de 11, 12, 16 ans enceintes suite à des viols et qui morphologiquement ne peuvent pas porter ses grossesses normalement. Elles sont aussi perturbées psychologiquement puisqu’elles ne peuvent plus aller à l’école. On ne doit pas obliger une personne à porter une grossesse imposée. On ne peut pas parler de grossesse non désirée dans ce type de cas. Les mineures n’ont pas demandé à avoir d’enfants, c’est leur violeur qui leur a imposé cela. Il y a donc urgence à légaliser l’avortement médicalisé dans les cas que nous avons plaidé : inceste, viol et mise en danger de la mère.
Pensez-vous que le viol pourra un jour être criminalisé ? L’association des Juristes Sénégalaises a toujours plaidé pour que le viol ne soit plus considéré comme un délit mais comme un crime. Nous avons espoir que cela change puisque nous sommes en train de réformer le code pénal et le code de procédure pénale.
Avez-vous des contacts avec la ministre des Femmes et de la Famille sénégalaise ? Non, nous ne l’avons pas contactée directement. Mais nous travaillons avec son ministère à travers la direction de la santé et de la reproduction, avec qui nous discutons depuis mars 2013.