Internet libère-t-il les femmes ?

Le numérique serait-il un nouveau moyen pour les femmes de s'émanciper ? Elements de réponses lors de la première Journée de la Femme Digitale organisée à Paris le 8 mars 2013 par deux entrepreneuses françaises, Catherine Barba et Delphine Remy-Boutang. Notre journaliste y était.
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Internet libère-t-il les femmes ?
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Internet libère-t-il les femmes ?
Oui, Internet libère les femmes selon les résultats d'une étude réalisée par l'institut CSA pour l'Observatoire Orange - Terra Femina et portant sur le digital, moteur de l'entrepreneuriat et de l'audace des femmes [L'étude a été réalisée uniquement en France, NDLR]. 
 
Grâce à Internet, "les femmes gagnent du temps, de l'argent et donc de l'énergie" explique François Raymond de l'agence Treize articles. En clair, toutes les tâches de la vie quotidienne qui incombent en majorité encore aux femmes - faire les courses, réserver des loisirs pour les enfants, organiser les vacances, trouver une nounou... - sont aujourd'hui faisables sur Internet. Et dans leur vie professionnelle, ont-elles aussi adopté les solutions numériques ?
 
Le travail devient nomade, puisqu'on peut répondre à ses mails sur son téléphone voire même télétravailler : "On s'est habitué à du management présentiel donc c'est compliqué d'évoluer, mais avec ces outils numériques on peut changer les choses." détaille Christine Lanoë, DRH d'Orange "Aujourd'hui, de nombreuses femmes préfèrent rentrer chez elles plus tôt et retravailler à partir de 21h." Chez Orange, plusieurs initiatives pour promouvoir l'égalité professionnelle ont été lancées : par exemple, un réseau de 12 000 femmes cadres a vu le jour et après 18h, on n'organise plus de réunions. Plus anecdotique, sur Twitter, la Ladies timeline agrège tous les tweets des femmes d'Orange.
 
Le numérique bouleverse le travail
 
Deuxième enseignement de cette étude, Internet rebat les cartes. Le web déstabilise les pouvoirs et les hiérarchies. 61% des femmes - contre 57% des hommes - pensent que les outils numériques rendent plus facile la création d'entreprise. Cependant elles sont toujours moins nombreuses que les hommes à se lancer. En France en 2011, elles représentaient ainsi 32% des créateurs d'entreprises. Manque de confiance en elles ou persistance de l'ordre établi ? 
 
Pourtant pour Nathalie Andrieux, directrice du numérique du groupe La Poste, c'est maintenant où jamais : "Le numérique transforme les sociétés et les organisations en profondeur. Or tout notre modèle actuel a été créé par les hommes et pour les hommes. Il faut donc saisir cette occasion unique : le numérique vient tout bouleverser pour recréer des nouvelles organisations, un autre modèle de travail et de reconnaissance de la valeur du travail." 
 
A terme, l'entreprise - qu'elle soit dans le secteur du numérique ou non - doit ainsi donner sa place aux hommes et aux femmes. A condition que les femmes mettent le pied dans la porte car "le pouvoir ne se donne pas, il faut le prendre" martèle Virginie Fauvel, à la tête du e-business à la BNP-Paribas. La dernière étude du cabinet Grand Thornton nous apprend qu'il n'y a toujours pas assez de femmes à des postes dirigeants dans le monde en 2012 : seulement 21% des chefs d'entreprises à travers la planète sont des cheffes...
 
Parcours de femmes inspirantes à l'étranger...
 
Prendre le pouvoir, c'est la voie qu'a choisi Catherine Levene. Après 16 ans comme employée dans le monde du numérique et passionnée d'art contemporain depuis ses 20 ans, Catherine Levene a co-fondé Artspace, une galerie d'art en ligne : "J'ai toujours su que je voulais être entrepreneuse, pour être plus créative et avoir plus de contrôle sur ma vie." L'indépendance et l'envie de concilier vie personnelle et vie professionelles sont les premières raisons de création d'entreprise avancées par les femmes. 
 
La patronne d'Artspace a livré ses clés pour entreprendre, des conseils valables aussi pour les hommes bien sûr ! "Il faut être passionné(e), il faut croire en soi. Mais il faut aussi prendre soin de soi : créer sa boîte aspire votre énergie physique et mentale, et ça peut vous consumer si vous ne sortez pas ou ne faites pas de sport. Trouvez aussi un mentor, quelqu'un à qui vous pouvez parler librement et qui n'est pas impliqué dans votre société, afin qu'il ou elle ait une opinion objective. Enfin il faut prioriser : j'y fais face chaque jour, il a plus a faire que ce qu'on peut faire, il faut donc savoir se concentrer sur ce qui est important." Et Catherine Levene revendique ses échecs professionnels, car pour elle, celle qui n'a jamais connu d'échecs n'a jamais pris de risques.
 
Gabrielle Laine-Peters est elle aussi venue raconter son histoire, très particulière : survivante du 11 Septembre, elle a réussi à guérir de son syndrome post-traumatique grâce aux communautés rencontrées sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook. Aujourd'hui, cette Britannique est consultante en stratégie digitale et médias sociaux et travaille notamment pour la NASA, un rêve d'enfant.
 
... et en France
 
L'Argentine Gimena Diaz a quitté son pays à 18 ans pour venir étudier en France. Elle est restée et bien lui en a pris car elle dirige aujourd'hui Paypal France. Paypal, c'est une société qui est passée de 0 à 28 000 personnes dans le monde en 12 ans. Gimena Diaz est venue donner quelques conseils pour conserver l'esprit de start-up dans une grande entreprise : " Sachez garder la culture du "feedback" : il faut écouter à tous les niveaux, jusqu'au stagiaire ! Sachez générer des idées et innover. Sachez apprendre a prendre des risques, notamment via la culture de "Think outside the box" : la seule façon de réussir cet exercice est de sortir du carré, donc de penser différemment ! Osez penser que rien n'est impossible et oubliez les "ideas killers" : "on l'a déjà fait", "ça va être difficile"... Enfin n'oubliez pas que dans votre société tout le monde doit avoir le pouvoir à tous les niveaux, que ce soit sur un projet, un point précis, un problème à résoudre." 
 
Entrepreneuse à 20 ans

Deux jeunes entrepreneuses françaises ont conclu cette journée particulière en donnant leurs bonnes pratiques. Celine Lazorthes, 30 ans, a fondé Leetchi, le site de cagnottes en ligne à plusieurs, il y a quatre ans. Leetchi est aujourd'hui présent dans 150 pays et 20% du chiffre d'affaires est réalisé à l'international. Alexandra Mulliez, 20 ans, a créé début 2012 Sauver le monde des hommes, un nouveau concept de boutiques de mode et tendance masculines. Elle pense que sa jeunesse a été un atout dans son aventure de créatrice d'entreprise : "Quand on est jeune diplômée on ignore plein de choses et tant mieux, car on se met ainsi à concevoir des choses inconcevables !"
 
Les deux jeunes femmes veulent croire en leur immaturité mais ont aussi les pieds sur terre : elles rappellent qu'il faut se structurer en amont, notamment en ayant les reins solides financièrement - faire un "business plan" carré, prévoir sur du long terme. Elles aussi rappellent qu'il ne faut pas hésiter à se remettre en question et à ne pas vivre sur ses acquis. Enfin, s'entourer d'aînés est essentiel.

La Journée de la Femme Digitale a été un succès à Paris, réunissant un peu plus de 300 participantes. Une seconde édition est d'ores et déjà prévue en 2014.