Investiture de Joe Biden aux Etats-Unis : les femmes du président

Tout le monde s'accorde à dire que le 46ème président des Etats-Unis doit en partie son élection au choix de Kamala Harris, une femme d'origine afro-américaine, comme colistière. Mais Joe Biden ne s'est pas arrêté là : finances, environnement ou gestion de la pandémie de Covid-19, jamais autant de postes-clés de l'administration américaine n'ont été confiés à des femmes, dont une transgenre. Qui sont-elles ?
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©AP Photo/Alex Brandon
Kamala Harris prononce un discours aux côtés du président élu Joe Biden et de son épouse Jill lors de l'inauguration d'un mémorial aux victimes du COVID-19, le 19 janvier 2021 à Washington, à la veille de la cérémonie d'investiture du 46e président des Etats-Unis.
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©AP Photo/Alex Brandon

Washington se prépare à l'investiture du président Joe Biden et de la vice-présidente Kamala Harris : drapeaux américains plantés sur le Mall, vaste esplanade qui mène au Capitole, le 18 janvier 2021.

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En composant leur administration, Joe Biden et Kamala Harris ont résolument fait le choix des femmes et de la diversité. Un choix, dit-on, peut-être précurseur d'une Amérique présidée par une femme en 2024... Parmi les expertes nommées à de hauts postes de l'administration Biden, dont certaines ont déjà fait l'objet de portraits sur notre site, nombreuses sont celles à assumer des responsabilités qui, jusqu'à aujourd'hui, revenaient à des hommes. Tour d'horizon non exhaustif de celles qui vont faire la politique américaine dans les années à venir.

Climat et environnement : femmes aux avant-postes

A 61 ans, Jennifer Granholm est fine connaisseuse du secteur automobile et partisane des énergies propres. Gouverneure du Michigan de 2003 à 2011, elle a déjà eu l'occasion de se frotter aux grands groupes automobiles basés à Détroit. Elle a travaillé avec Joe Biden en 2008, alors qu'il était vice-président de Barack Obama, au moment du programme de sauvetage de l'industrie automobile. Nommée ministre de l'Energie, Jennifer Granholm aura désormais en charge la mise en place de certains points-clés du programme de Joe Biden, comme le développement des alternatives aux énergies fossiles et de bâtiments moins gourmands en énergie.

Jennifer Granholm

Joe Biden et Kamala Harris regardent Jennifer Granholm s'exprimer au Queen Theater à Wilmington, dans le Delaware, le 19 décembre 2020, alors qu'ils viennent d'annoncer le nom de celles et ceux dont ils souhaitent s'entourer dans le domaine du climat et de l'énergie.

©AP Photo/Carolyn Kaster

Elle avait promis d'être "une voix forte" pour les autochtones, les minorités et les pauvres : Deb Haaland, choisie par Joe Biden pour prendre la tête d'un vaste département chargé des ressources naturelles, l’équivalent de l’aménagement du territoire et la gestion des ressources naturelles, tient son pari en devenant la première Amérindienne de l'histoire à occuper un poste ministériel.

Brenda Mallory, avocate spécialisée dans le droit de l'environnement, devient présidente du Conseil sur la qualité environnementale (CQE). A ce titre, elle coordonne les politiques énergétiques et environnementales de la Maison-Blanche dans les agences fédérales, et a son mot à dire quant au devenir des grands projets d'infrastructure, des oléoducs aux installations industrielles. Jusqu'alors directrice de la politique de réglementation du groupe de défense de l'environnement Southern Environmental Law Center, elle a aussi été conseillère sur la qualité de l'environnement dans l'administration Obama. "J'espère que la priorité de la CEQ sera de s'attaquer aux changements apportés par l'administration Trump à la mise en œuvre de la NEPA (loi nationale sur l'environnement, ndlr)", a-t-elle déclaré en apprenant sa nomination.

Gina McCarthy devient la première conseillère nationale pour le climat de la Maison-Blanche. Elle dirigera à ce titre le nouveau Bureau de la politique sur le climat. Experte en santé environnementale, et ancienne administratrice de l'Agence de protection de l'environnement sous la présidence de Barrack Obama, Gina McCarthy a participé à l'élaboration du Clean Power Plan visant à limiter les émissions de carbone des centrales électriques, entre 2013 à 2017. C'est à elle qu'il échoit désormais de mener les États-Unis à atteindre la  neutralité carbone en 2050.

A la communication : le choix des femmes

Pour la première fois dans l'histoire des Etats-Unis, c'est aussi une équipe 100% féminine qui prend les commandes de la communication du nouveau gouvernement. Autour de Jen Psaki, la nouvelle attachée de presse de la Maison Blanche, et Kate Bedingfield, la nouvelle directrice de la communication, cinq autres femmes composent l'équipe chargée des relations avec les médias du président et de sa vice-présidente. Contrairement à la plupart des postes du cabinet, ces nominations ne nécessitent pas la confirmation du Sénat.

A 41 ans, Jen Psaki, qui s'installera dans le fauteuil très en vue d'attachée de presse de la Maison-Blanche, a déjà occupé plusieurs postes haut placés, dont celui de directrice de la communication de la Maison-Blanche sous l'administration Obama-Biden. Kate Bedingfield a déjà officié en tant que directrice de la communication de Biden alors qu'il était vice-président. Ashley Etienne deviendra directrice de la communication de Kamala Harris et Symone Sanders est propulsée conseillère et porte-parole de la vice-présidente. Pili Tobar a été nommée directrice adjointe à la communication de la Maison-Blanche et Karine Jean Pierre, attachée de presse adjointe. Quant à Elizabeth Alexander, elle sera la directrice de communication de la future première dame Jill Biden.

Politique, renseignement, diplomatie...

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Susan Rice lors d'un débat sur la gouvernance mondiale à l'université Vanderbilt, le 19 février 2020, à Nashville, dans le Tennessee. 

©AP Photo/Mark Humphrey
Ex-conseillère à la sécurité nationale du président Barack Obama, Susan Rice, 55 ans, sera à la tête du Conseil de politique intérieure de la Maison-Blanche. Elle "figure parmi les responsables gouvernementaux les plus chevronnés et expérimentés de notre pays", écrit l'équipe de transition de Joe Biden. Elle figurait parmi les favoris pour le poste de secrétaire d'Etat et avait aussi été pressentie l'été dernier pour devenir colistière de Joe Biden et donc briguer la vice-présidence, finalement occupée par Kamala Harris. Susan Rice fut aussi ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies.

C'est désormais à Linda Thomas-Greenfield, diplomate de 68 ans forte de trente-cinq ans aux Affaires étrangères, qu'il revient de faire machine arrière à l'ONU après 4 ans de multilatéralisme trumpien. Elle fut secrétaire d'Etat adjointe pour l'Afrique avant d'être limogée par Donald Trump. Fille d'ouvrier élevée dans une Louisiane en pleine ségrégation, elle fut la seule de sa famille à faire des études. Ambassadrice au Libéria pendant la reconstruction d'un pays ravagé par la guerre civile, elle fut ensuite nommée dans différents pays d'Afrique, ainsi qu'au Pakistan et en Jamaïque.
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Avril Haines au Queen theater de Wilmington, dans le Delaware, le 24  février 2020. 

©AP Photo/Carolyn Kaster

Directrice adjointe de la CIA de 2013 à 2015 et conseillère adjointe à la sécurité nationale de 2015 à 2017, Avril Haines devient directrice du renseignement à la CIA. Désormais la femme la plus haut placée dans la communauté du renseignement, elle fait face à la lourde tâche de rétablir rigueur et crédibilité dans une institution affaiblie par les jeux politiques et les révélations sur la surveillance mondiale, le piratage par la CIA des ordinateurs des employés du Sénat américain et la publication du rapport de la commission du renseignement du Sénat américain sur la torture de la CIA.

Juriste, physicienne et judokate, cette New-Yorkaise bien née, se révèle une touche-à-tout de haut vol : "Elle peut parler littérature et physique théorique, réparer une voiture, piloter un avion, gérer une librairie... Elle a tout fait," la présentait Joe Biden, admiratif, cité par nos confrères Les Echos.

Finances, budget et économie

Janet L. Yellen fut la première femme à diriger la Réserve fédérale en 2014. A 74 ans, elle devient aujourd'hui la première femme secrétaire au Trésor, l'équivalent du ministre des Finances en France, en 231 ans d'histoire américaine. Economiste keynésienne, mariée au prix Nobel d'économie 2001 George Akerlof, elle annonce un plan de relance pour les Américains fragilisés par la pandémie de Covid-19. Avec des démocrates désormais majoritaires au Sénat, elle devra aussi rassurer les républicains par sa volonté de limiter les déficits, face à une dette nationale de près de 22 000 milliards de dollars. Elle annonce aussi que Washington va utiliser de nombreux outils pour contrer les pratiques "abusives" de Pékin.

A 46 ans seulement, Katherine Tai, devient ministre du Commerce. Cette avocate américaine d'origine taïwanaise, fine connaisseuse de la Chine, parle couramment le mandarin. Autant d'atouts qui ne seront pas de trop en ces temps de tensions sino-américaines.

Heather Boushey

Heather Boushey au Queen theater, le 1er décembre 2020 à Wilmington, dans le Delaware.

©AP Photo/Andrew Harnik

A la tête du Conseil des conseillers économiques du président, agence au sein de la Maison-Blanche chargée d'aider à élaborer la politique économique nationale et internationale, Joe Biden a nommé Cecilia Rouse. Là encore, une nomination inédite, relevait le nouveau président : "Elle deviendra la première Afro-Américaine et seulement la quatrième femme à diriger ce Conseil en 74 ans d'existence." Elle sera accompagnée d'une autre femme, Heather Boushey, qualifiée d'"économiste éminente" dont les travaux de recherches portaient sur les inégalités économiques. Connue pour ses tweets assassins contre les républicains, la très progressiste Neera Tanden - elle préside le Center for American Progress, un influent think tank démocrate - prend la direction du Bureau de la gestion et du budget. D'origine indienne et élevée par une mère migrante, elle sait ce qu'elle doit aux politiques sociales qui lui ont permis de réaliser son rêve américain.  

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Cecilia Rouse, nommée à la présidence du Conseil des conseillers économiques, à gauche, et Neera Tanden, nommée au poste de directeur de l'Office de la gestion et du budget, au Queen Theater, mardi 1er décembre 2020, à Wilmington, dans le Delaware.

©AP Photo/Andrew Harnik

Social et santé sur fond de crise sanitaire

Représentante d'un district de l'Ohio, mairesse de Warrensville Heights, en banlieue de Cleveland, et devenue l'une des grandes voix du caucus noir du Congrès (Congressional Black Caucus), le groupe parlementaire rassemblant des élus afro-américains, Marcia Fudge est "la première femme en plus de 40 ans et la seconde femme noire de l'histoire" ministre du Logement et de l'Urbanisme. Celle qui lorgnait sur le ministère de l'Agriculture - membre du Comité de la Chambre des représentants sur l'agriculture, elle semblait d'ailleurs bien placée - déplorait que les ministères du Travail et celui du Logement et de l'Urbaniste échoient traditionnellement à des personnes noires... tout juste avant d'être nommée à la tête du deuxième. Connue pour son travail en faveur des droits civiques et des politiques de travail équitables, elle devra lutter pour pallier la pénurie de logements sociaux aux Etats-Unis.
 

Marcella Nunez-Smith, professeure agrégée de médecine et d'épidémiologie à l'Université Yale et experte des questions d'inégalité dans le système de santé, devient présidente du groupe de travail sur l'équité dans la lutte contre la COVID-19, un nouveau groupe créé par le président désigné. Les communautés afro-américaines et hispaniques sont les plus touchées par le coronavirus.

Directrice du service des maladies infectieuses au réputé hôpital général du Massachusetts, Rochelle Walensky a fait ses preuves dans la lutte contre la Covid-19. Nommée à la tête des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC), elle commente l'objectif du nouveau président américain d'injecter 100 millions de doses de vaccins administrées pendant les 100 premiers jours de son mandat : "Cela va demander des efforts considérables, mais nous pouvons le faire", assure-t-elle. Sur son bureau, elle annonce la couleur avec cette petite phrase Hard things are hard ("Ce qui est difficile est difficile") - une manière de montrer que l'adversité ne lui fait pas peur ?

Choix progressiste s'il en est et signe d'un réel changement de voie sociétale à Washington, Joe Biden a décidé de nommer Rachel Levine ministre adjointe de la Santé aux côtés de Wavier Becerra, procureur général de Californie, nommé ministre de la Santé. Une décision historique, puisque cette experte et professeure d'université en pédiatrie et psychiatrie, actuellement directrice de la Santé dans l'Etat de Pennsylvanie, est une personne transgenre. Elle est la première responsable fédérale ouvertement transgenre à être adoubée au gouvernement américain. Rachel Levine "apportera le leadership ferme et l'expertise cruciale dont nous avons besoin pour guider les gens à travers cette pandémie, peu importe d'où ils viennent, leur race, religion, orientation sexuelle, identité de genre ou leur handicap", déclare Joe Biden. 

Rien à voir donc avec les prises de position du président sortant Donald Trump, résolument hostile à l'encontre des personnes transgenres. Il avait notamment interdit aux personnes transgenres de servir dans l'armée, mettant en avant "le fardeau des coûts médicaux énormes" et des "perturbations", avant de revenir sur cette interdiction, sous condition de critères physiques et médicaux.