Iran : la révolution des couleurs est-elle en marche ?
Les clignotants s'allument les uns après les autres, sous la houlette du président Hassan Rohani : nominations de femmes à de hautes fonctions, athlètes iraniennes autorisées à participer à des compétitions de haut niveau, code vestimentaire moins stricte. Et voilà, que la petite fille de l'ayatollah Khomeiny fait entendre sa voix pour que change le quotidien de ses concitoyennes.
Le foulard des Iraniennes s'est relâché, et cela depuis plusieurs années déjà, comme ici à Téhéran - photo AFP
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Malgré le tchador, les Iraniennes ne s'en laissaient pas compter. Après la révolution de 1979, en dépit de l'image donnée au monde, la condition des femmes en Iran était plus paradoxale que cela semblait. Ainsi, selon les données de l'Unesco, plus de 80 % des filles sont scolarisées dans le secondaire, et cela depuis vingt ans déjà. Avec les années, le foulard s'est coloré et a glissé pour laisser apparaître plus de cheveux. Les signes donnés par le président iranien Hassan Rohani ne font donc que confirmer ce mouvement inéluctable, à l'oeuvre aussi bien en Iran qu'ailleurs dans le monde : partout, on ne pourra plus avancer sans les femmes. Si même la petite fille de l'ayatollah Khomeyni... Cette ouverture a connu un coup d'accélérateur le samedi 12 octobre dernier, avec "l'outing" de la petite fille de l'ayatollah Khomeyni icône du changement de régime et du renversement de la monarchie persane. Zahra Eshraghi, à 49 ans, n'est pas une adolescente rebelle. Elle a probablement jugé que le moment était venu pour elle de s'exposer. Dans un entretien publié par Sharq Parsi, l'édition persane du quotidien arabe Asharq Al-Awsat, elle affirme vouloir "briser les tabous" et révolutionner les "tenues et le hidjab " des femmes iraniennes : "J'ai toujours été contre la manière qu'ont les femmes politiques de s'habiller. Si elles veulent faire connaître l'islam, des tenues meilleures, des hidjabs meilleurs. Je veux dire aux Iraniennes : 'Utilisons des couleurs joyeuses !' Peut-être que l'arrivée au pouvoir de Hassan Rohani constitue une bonne occasion ". Certes son statut la protège, tout comme son mariage avec Reza Khatami, frère de l'ancien président réformateur Mohammad Khatami.
Zahra Eshraghi, petite fille de Rouhollah Mousavi Khomeini, ici en compagnie de son époux - photo AFP
Cette sortie, si elle a suscité de nombreuses réprobations, parfois violentes - elle a été accusée de trahison, un mot très à la mode par les temps qui courent, employés contre les Snowden et autre Assange par exemple -, les manifestations de soutien ont afflué elles aussi. Comme autant d'échos aux symboles d'ouverture poussés par le président depuis son investiture en juin 2013. Ainsi, le président iranien Hassan Rohani demandait au début du mois d'octobre à la police d'être plus tolérante sur les questions de société, notamment sur le respect du code vestimentaire islamique : "Nos femmes vertueuses devraient se sentir en sécurité et détendues en présence de la police". Et en septembre, le président Rohani avait pressé les policiers de faire appliquer la loi sur le voile en respectant la dignité humaine et en évitant les "méthodes extrêmes". Hassan Rohani a aussi procédé à des nominations spectaculaires : Massoumeh Ebtekar au poste de vice-présidente chargé de l'environnement, Elham Aminzadeh à celui de vice-présidente chargée des Affaires juridiques et des relations avec le Parlement et Marzieh Afkham, porte-parole, une première dans l'histoire de la République islamique d'Iran. Une ambassadrice, la première depuis la Révolution islamique, devrait suivre et le président iranien a invité ses ministres à faire de même dans leurs administrations, après avoir souligné que "la discrimination ne serait pas tolérée" dans son gouvernement. Dans un autre domaine, au début du mois de septembre, l'athlète Shirin Gerami a participé au championnat du monde de triathlon qui se déroulait à Londres. Jamais auparavant une femme iranienne n'avait été autorisée à concourir à un tel championnat. Des verrous bien tirés Tout n'est pas gagné loin de loi. Les parlementaires iraniens, en toute bonne foi, viennent d'adopter un texte, soi-disant pour mieux protéger les droits des enfants. Parmi les dispositions, un homme pourra désormais épouser sa fille adoptive, même si elle n'a que 13 ans, et si un tribunal décide que c'est dans l'intérêt de la mineure. Le texte doit maintenant passer devant le Conseil des gardiens de la Constitution, un corps de dignitaires religieux et de juristes, qui examine la conformité des textes avec la loi islamique. Les militants des droits humains craignent que la loi soit validée tandis que le président Rouhani fait les yeux doux aux capitales occidentales. Pour ces activistes, cette campagne de séduction ne repose que sur des mesurettes, destinées avant tout à relancer le commerce extérieur, donc à permettre au pays de sortir du marasme économiques et à permettre la reconstitution de fortunes privées. Enfin, il reste un gros verrou à faire sauter : si les Iraniennes peuvent être ministres ou députées, elles ne peuvent en revanche prétendre à la fonction présidentielle.
Bottes rouges et fichu coloré, la “révolution des couleurs“ de Zahra Eshraghi
Récit de nos partenaires de France télévision, jt France2 du 15 octobre 2013