Fil d'Ariane
Le 11 septembre 1973 elle, sa sœur Béatriz, et une centaine d’autres collaborateurs se sont retranchés dans le Palais de la Moneda, le palais présidentiel chilien, pour résister aux cotés du président Salvador Allende, à l’attaque menée par les militaires. Un dernier adieu avant que le site soit bombardé ; les derniers instants avant qu’Allende n’en finisse avec sa vie après des longues heures de siège et d’attente.
Quelques jours après le putsch et la répression meurtrière l’accompagnant, le 17 septembre 1973 Isabel, sa sœur et sa mère « Tencha » Bussi, seront contraintes, comme tant d’autres Chiliens, à partir en exil.
Sa terre d’adoption fut le Mexique. Loin du Chili, elle réorganise sa vie, suit un Master en Sociologie, puis un autre en Sciences Politiques, elle travaille, voyage beaucoup ; son deuxième mari s’occupe de ses deux enfants, un garçon né d’un autre mariage et une fille.
C’est très compliqué d'être en couple avec moi ; je pense que pour certains, il est difficile de coucher avec l’histoire
Isabel Allende
Pendant ses 16 années de bannissement, Isabel et sa mère sillonnent le monde pour dénoncer les violations des droits humains, endurés par les Chiliens ; elle rencontrent des chefs d’Etat et des hautes personnalités internationales : François Mitterrand, Felipe González, Andreas Papandréou, Fidel Castro, Gabriel García Márquez, entre autres ; afin de plaider la cause chilienne et œuvrer pour mettre fin à l’une des dictatures les plus sanglantes de l’Amérique latine. Son mariage n’a pas résisté à cette mission. Plus tard, elle se confiera dans une interview : « Pour les Chiliens, c’est très compliqué d'être en couple avec moi, je pense que pour certains, il est difficile de coucher avec l’histoire ».
Isabel se rapproche encore de sa maman, la « Tencha », d’autant plus qu’une nouvelle tragédie ébranle la famille Allende : Béatriz la fille aînée, victime d’une profonde dépression, se suicide à Cuba, en 1977.
En septembre 1988 c’est le temps du retour au pays pour Isabel Allende. La dictature n’est pas encore terminée mais une certaine ouverture se profile alors. Elle est pourtant menacée dès son arrivée d’être renvoyée car l’information secrète de son voyage a filtré. Elle embarque tout de même de Buenos Aires à Mendoza, en Argentine ; juste avec quelques habits en cas où elle se ferait expulser. Au décollage le capitaine de bord s’approche et lui dit « je vous félicite » en lui montrant un document où était écrit que pour elle c’était la fin de l’exil.
Isabel referme la parenthèse de son éloignement : dès son arrivée au Chili, elle participe à la campagne du référendum d’octobre 1988 qui dit un "NON" définitif à Pinochet. Elle crée la Fondation Salvador Allende dont la première mission est d’organiser des funérailles d’Etat à son père, le 4 septembre 1990.
Isabel, fière de ses origines, s’est emparée de cet héritage en contribuant après 26 ans d’engagement sur la place publique à la consolidation de la démocratie et de la justice sociale personnifiées par Salvador Allende. Ce n’est pas par hasard qu’elle a annoncé sa candidature, la veille du 43ème anniversaire du putsch qui a renversé son père.
En mars 2014, c'était elle qui introduisait aux plus hautes fonctions du pays, Michelle Bachelet, avec un cours discours (voir vidéo ci-dessous) où elle insistait sur la présence de deux femmes, face à face et ensemble ce jour là : "L’image historique de deux femmes qui occupent simultanément les plus hauts postes au sein de l’Etat, fera le tour du monde. J’espère que ce fait si symbolique deviendra un signal pour toutes ces femmes qui, encore aujourd’hui, souffrent de discriminations et que cela servira à avancer dans l’égalité de genre."
Le Chili a changé et il va continuer à changer
Isabel Allende