Un club de football féminin calabrais, également connu pour être engagé dans des combats de société, a cessé toute activité fin décembre 2015, suite à de multiples menaces de la mafia locale, la 'Ndrangheta.
"Game over", "le jeu est fini" en français. C'est le dernier message posté par les joueuses de l'équipe de football féminin "Sporting Locri" sur Facebook le 26 décembre 2015, pour annoncer la fermeture de leur club.
La 'Ndrangheta, mafia de la région de Calabre dans le sud de l'Italie, a été fondée en 1860. Présente sur les cinq continents, son chiffre d'affaires annuel est estimé à une dizaine de milliards d'euros. Selon le préfet de Calabre en 2005 : « la ’Ndrangheta joue le premier rôle, au niveau mondial, dans l’approvisionnement en cocaïne »
Victime de graves menaces de la 'Ndrangheta - l'une des organisations mafieuses les plus influentes en Europe - le président du club de "foot à cinq", Ferninando Armeni, a préféré tout arrêter.
"A l’arrière de ma voiture, là où d’habitude ma fille s’assied, il y avait un mot qui disait 'nous savons qui s’assied ici'", a témoigné Ferninando Armeni au micro de la chaîne régionale Rai 1. "Certaines joueuses ont aussi été approchées par trois hommes. Alors comment puis-je savoir si c‘était des types qui voulaient faire les beaux devant les filles ou s'ils avaient vraiment de mauvaises intentions ? Je ne peux pas vivre dans la terreur, dans la peur que quelque chose arrive à quelqu’un", poursuit-il. Une protection policière a d'ailleurs été requise par l'équipe dirigeante du club.
"Président, il est clair que quelqu'un veut empêcher le Sporting Locri d'aller de l'avant. Pourquoi selon vous ? ", l'interroge le Huffington Post Italie. "Ce sera aux enquêteurs de le dire", répond Ferninando Armeni.
Un club qui dérange ?
Equipe de première division mais véritable gloire locale, le "Sporting Locri", en plus d'être club de football féminin, était aussi connu pour mener des actions en dehors du terrain, notamment en faveur de plus d'égalité.
Le club avait par exemple fait don de la recette d'un de ses matchs à l'hôpital de la commune afin de l'équiper d'un défibrillateur.
Ou encore, il s'était engagé contre les violences faites aux femmes dont la campagne d'affichage réalisée avec les joueuses du club a été diffusée sur Facebook fin novembre 2015. (voir l'image ci-contre)
Un choc pour la nation
L'annonce de la fermeture du club a remué le pays qui voit encore certaines de ses régions subir les pressions d'organisations criminelles. Depuis, les réactions se sont multipliées. À l'image de Patrizia Panico, attaquante de la "Fiorentina" et capitaine de l'équipe nationale féminine : "Je suis indignée et choquée car il s'agit d'un fait très grave, déconcertant, mais la meilleure réponse à une telle bassesse est celle de ne rien lâcher."
Des dirigeants italiens au plus haut niveau sportif ont aussi réagi sans tarder, comme Giovanni Malagò, président du Comité olympique Italien : "Le sport italien est aux côtés du Sporting Locri, de ses dirigeants, des techniciens et surtout des athlètes qui ne doivent absolument pas céder devant cette provocation honteuse, intolérable dans un pays civilisé. Je suis à leur disposition pour toute initiative qui puisse les aider à revenir sur le terrain."
"Courage, vous n'êtes pas seul" a quant à lui exprimé par téléphone Mario Oliverio, président de la région Calabre, à Ferninando Armeni président du "Sporting Locri": "Les menaces ne doivent pas arrêter la croissance et le vivre ensemble. Nous devons réagir nombreux, l'Etat, les institutions, la communauté tout entière dans ses différentes articulations et expressions", a-t-il poursuivi dans un communiqué.
Le maire de Locri, Giovanni Calabrese, a invité Armeni et les joueuses "à ne pas gâcher l'importance de la réalité sportive. Ces menaces non seulement se sont heurtées à une ambiance sportive saine qui s'est développée au cours de longues années grâce au Sporting, mais font du tort à la ville entière (...)"
Et cela, contrairement à l'équipe nationale féminine de football à 5, qui, en signe de protestation, a décidé de venir jouer à Locri. Une décision également souhaitée par Carlo Tavecchio, président de la Fédération italienne de football,
pourtant loin d'être le plus fervent défenseur des femmes footballeuses :
"Nous irons en Calabre afin que dans le sud de l'Italie ne disparaisse pas la belle réalité du sport en rose."