Ivanka Trump en Afrique : ambassadrice des droits des femmes ou de son père ?

Annoncer une conséquente aide financière pour les femmes en Côte d'Ivoire tout en assumant les coupes budgétaires drastiques infligées par son président de père au planning familial des Etats-Unis... Voilà le grand écart visiblement parfaitement exécuté par Ivanka Trump lors de sa tournée africaine. Une contorsion diplomatique largement commentée par la presse et les défenseur.e.s des droits des femmes.
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Ivanka Trump à Adzope, en Côte d'Ivoire, le 17 avril 2019.
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Deux millions de dollars pour les caisses d'épargne de femmes dans le secteur du cacao. Voilà donc ce que contenaient les valises dorées d'Ivanka Trump, lors de sa tournée africaine.

"Quand on aide les femmes à être indépendantes financièrement, elles peuvent aider leur famille, leur communauté, et participer à la prospérité de leur pays", a très solennellement déclaré la fille et conseillère spéciale du président américain.

Déclaration faite lors de la visite d'une ferme cacaoyère à Adzopé, à 100 kilomètres au nord d'Abidjan, sous bonne escorte et devant les caméras. Accueillie par des femmes dansant au son des percussions, Ivanka Trump, toute de blanc vêtue, a esquissé quelques pas de danse avec ses hôtes. Une scène visiblement bien rodée.

Une fois le folklore apprécié et les images souvenirs dûment tweetées et instagramées, la conseillère du président américain s'est rendue à Abidjan pour participer au premier "sommet ouest-africain sur l'entrepreneuriat féminin", dans la capitale économique de la Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao. C'est justement dans cette filière que les Etats-Unis ont décidé de soutenir les femmes. Les deux millions de dollars promis permettront de "créer 300 caisses d'épargne" solidaires pour les femmes, et d'aider les "500 caisses déjà existantes à avoir accès au marché financier".
 

ivanka danse
Quelques pas de danse au milieu de la foule venue l'accueillir, à Adzopé (Côte d'Ivoire, le 17 avril 2019.)
©AP Photo/Jacquelyn Martin

Dans un communiqué, l'ambassade des Etats-Unis en Côte d'Ivoire a tenu à préciser qu'il s'agissait du "renouvellement d’un partenariat public-privé par l’intermédiaire de l’Initiative mondiale pour le développement et la prospérité des femmes (WGDP), un programme géré par l'USAID, et de la World Cocoa Foundation (Fondation mondiale pour le Cacao, qui regroupe les géants mondiaux du cacao et du chocolat)". Le programme américain WGDP, mis en place en février 2019, vise à aider à l'autonomisation économique de 50 millions de femmes dans le monde d'ici 2025, précise le communiqué.

Une somme grâce à laquelle Ivanka Trump veut permettre de mieux exploiter "l'une des ressources les plus sous-estimées des pays en voie de développement : le talent, l'ambition et le génie des femmes", explique la "First Daughter" sur le site de la Maison-Blanche.

Avant la Côte d'Ivoire, Ivanka Trump venait d'effectuer un court séjour en Ethiopie où, là aussi, elle avait pu découvrir l'artisanat féminin local en touriste VIP. Escale incontournable : un entretien avec la présidente éthiopienne Sahle-Work Zewde, première femme à occuper ce poste, et le Premier ministre Abiy Ahmed.

Une mission "hypocrite"

Pour rappel, ce programme de développement WGDP a été officialisé deux jours après le discours du président américain sur l'état de l'Union. Donald Trump y fustigeait l'adoption d'une loi de l'État de New York autorisant les avortements au-delà de 21 semaines en cas de danger pour la mère où de non-viabilité du fœtus.
 

(Quand Ivanka s'occupera des droits et de l'empouvoirement des femmes aux Etats-Unis, prévenez-moi !)

On peut donc imaginer les raisons pour lesquelles cette mission africaine d'Ivanka Trump reste en travers de la gorge de certain.e.s observateurs.trices. Pour l'éditorialiste du quotidien britannique The Guardian, Arwa Mahdawi, la fille du président américain n'est autre que "la Sainte patronne des népotistes, des hypocrites et des escrocs (...) La fille du président visite l'Ethiopie et la Côte d'Ivoire pour promouvoir les droits des femmes, alors qu'elle garde le silence quand l'administration Trump continue à brider l'émancipation des femmes ", écrit-elle, son article portant le titre d'Hypocrisie sans frontières.


Dans le viseur, la "global gag rule" ou règle du bâillon, rétablie par le président Trump quelques jours après son investiture. Ce décret interdit le financement des ONG soutenant l'avortement. En mars 2019, le secrétaire d'état américain Mike Pompeo annonçait l'élargissement de ces restrictions.

Donald Trump n'a jamais caché sa position pour les pro-vie. "Je crois que l'un des outils les plus puissants pour l'empouvoirement économique des femmes est la capacité de choisir quand et combien d'enfants elles auront", explique Charles Kenny, économiste au Center for Global Development, cité par l'agence Reuters.
 


Sur les réseaux sociaux, d'autres s'interrogent surtout sur le réel intérêt que porte la famille Trump au continent africain. "Après la femme, la fille"... En octobre dernier, c'est l'épouse de Donald Trump, Melania, qui avait fait le déplacement sur le continent, au Ghana, au Malawi, au Kenya et en Égypte, pour une tournée sur le thème de l'enfance. "Mais le road trip de la first lady avait essentiellement marqué les esprits par ses photos et le maladroit casque colonial arboré au Kenya", écrit cet internaute sur sa page Facebook, relayée par Twitter.
 Mais l'information qui fait beaucoup réagir sur les réseaux, c'est aussi cette proposition qu'a fait Trump père à sa fille, et qu'Ivanka Trump a confirmée lors d'un entretien à la presse depuis l'Ethiopie. Le président américain avait pensé à elle pour devenir la directrice de la Banque mondiale. Une offre qu'elle a déclinée. 
 
(Ivanka, quel bel exemple !)