Fil d'Ariane
Le Japon réunissait vendredi 28 et samedi 29 à Tokyo, la la WAW - World Assembly for Women, une conférence internationale sur les femmes, sous l'égide du Premier ministre Shinzo Abe qui leur promet une meilleure place au travail, une politique volontariste mais aux effets encore limités.
Après la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde l'an dernier, c'est au tour de la présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf, prix Nobel de la paix, d'ouvrir les débats, au côté de Marillyn Hewson, dirigeante du groupe américain de défense Lockheed Martin.
Avec une question centrale: comment promouvoir le rôle des femmes au travail ? Dans l'archipel nippon, très mal classé en la matière (104ème sur 142 pays dans le palmarès 2014 du Forum Economique Mondial), c'est un impératif économique alors que décline la main-d'oeuvre. Le gouvernement en a d'ailleurs fait un pilier de sa stratégie de relance "abenomics".
"Trois millions de femmes restent à la maison alors qu'elles aspirent à travailler", déplore une responsable chargée de ces questions au ministère des Affaires étrangères.
Nombreuses en effet sont celles qui interrompent leur carrière une fois devenues mères. Alors que faire pour leur permettre de mener de front vie familiale et vie professionnelle ?
Tout d'abord augmenter les capacités des crèches : 200.000 places ont été créées depuis le retour au pouvoir de M. Abe fin 2012, pour un objectif total de 400.000 d'ici à 2018. Le gouvernement a également pris des mesures pour inciter les pères à prendre un vrai congé parental.
Deux obstacles demeurent : les heures supplémentaires, et les mentalités
Mais quand bien même les jeunes parents trouveraient-ils un mode de garde, "deux obstacles demeurent : les heures supplémentaires, et les mentalités" encore rétrogrades, souligne la fonctionnaire japonaise.
Pour tenter de provoquer un sursaut, les entreprises de plus de 300 employés vont désormais devoir mettre en place "un plan d'action pour améliorer l'égalité, accompagné d'objectifs concrets". A travers cette loi, en passe d'être adoptée par le Parlement, les autorités espèrent faire pression sur les mauvais élèves et conduire à un environnement de travail plus favorable aux mères de famille.
On traite toujours les femmes comme des travailleurs de second ordre
Le gouvernement fait déjà valoir des progrès: le taux d'emploi des femmes âgées de 25 à 44 ans est ainsi passé de 68% en 2012 à 70,8% en 2014 (73% visés en 2020), et le genre féminin est un peu mieux représentée au sein des postes à responsabilité (de 6,9% à 8,3%).
Autant les mesures que les progrès constatés restent modestes, estiment néanmoins des observateurs, appelant à revoir - comme promis et malgré les réticences - les dissuasifs systèmes d'impôts et de sécurité sociale.
On couvre de louanges les gens prêts à se tuer au labeur, et les femmes, entre congés maternité et contraintes de garde, sont "traitées comme des travailleurs de second ordre", témoigne Sayaka Osakabe, 38 ans, à la tête du groupe de soutien Matahara Net destiné à lutter contre le harcèlement des mères dans les entreprises ("maternity harassment").
"Le Premier ministre Abe a probablement été le premier dirigeant japonais" à aborder le problème de la sorte, reconnaît-elle, "mais sur le terrain, l'attitude des employeurs n'a pas encore changé radicalement".
Rika Yajima, une jeune entrepreneuse de 27 ans qui conçoit des objets pour les enfants inspirés de l'artisanat traditionnel, juge elle aussi que les salariées demeurent confrontées à un environnement machiste. En revanche, "il est beaucoup plus facile qu'il y a dix ans pour une femme de fonder son entreprise, à condition d'être très motivée", via notamment des prêts bancaires ou des concours réservés aux femmes (elle-même a reçu le Prix de la Banque de développement du Japon).
"Nous sommes dans une période de transition", résume la responsable du ministère selon qui le Japon va, par la force des choses, rattraper son retard sur les autres pays développés.
Et d'espérer qu'il pourra répondre ainsi au défi d'une natalité en berne (1,4 enfant par femme), car, paradoxalement, l'indice de fécondité tend à augmenter avec le taux d'activité des mères.
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