« J'essaie de rejeter l'homme patriarcal qui est en moi »

Etudiant à l'université de Casablanca au Maroc, Mehdi Ataibi l'assume et le revendique : il est féministe… en pleine « reconstruction » de lui-même. Il a témoigné au colloque  "Féministes ou non ?" organisé par le réseau international Genre en action à Tanger du 5 au 7 décembre.

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« J'essaie de rejeter l'homme patriarcal qui est en moi »
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« J'essaie de rejeter l'homme patriarcal qui est en moi »
Mehdi, étudiant marocain en master Genre, société et culture à l'université de Casablanca (photo : Maïlys Chauvin/Genre en Action)
Quand il a fait le choix, l'année dernière, d'étudier la société marocaine sous l'angle du féminisme en s'inscrivant au master Genre, Société et Culture à l'université de Casablanca, son père n'a pas compris. « Lui qui est spécialiste en sciences politiques, il voulait bien que j'étudie tout, sauf ça. C'est ma mère qui m'a soutenu et l'a calmé », raconte Mehdi Ataibi, Marocain de 24 ans qui a témoigné aux rencontres féministes de Tanger organisées par le réseau francophone et international Genre en action.

« Comme si je perdais ma masculinité »

Mehdi Ataibi le revendique : il est féministe et même membre d'un réseau de jeunes qui militent pour l'égalité et la parité au Maroc. « J'essaie de rejeter l'homme patriarcal qui est en moi. » Une petite révolution intérieure pas simple à assumer qui lui vaut insultes et incompréhension. « J'ai l'impression que je me fais doublement discriminé. Par les hommes qui se demandent bien ce que je veux et par les femmes non féministes qui ne me voient plus tout à fait comme un homme. C'est comme si je perdais ma masculinité.»

C'est la sociologie qui lui a ouvert les yeux et une professeure en particulier. « Elle m'a fait réfléchir sur moi-même. Je me suis rendu compte que de nombreux faits et gestes qui me paraissaient normaux étaient en fait des formes de domination où je ne laissais pas le choix à l'autre. » Exemple avec sa petite amie… dans une situation plus que banale... quand il faut décider d'un voyage. « Avant, "je lui disais on va là !". Je décidais seul de la destination car cela me paraissait comme être de ma responsabilité.  Si elle refusait, j'avais le sentiment qu'elle refusait l'autorité qui m'était destinée. Je n'y voyait pas de forme de domination. Cela me paraissait normal. »

Mehdi a aussi fait évoluer ses liens avec sa soeur cadette. C'en est fini du grand frère protecteur qui  lui interdit de fumer des cigarettes et la surveille dès qu'elle sort le soir. « Mes amis ne comprennent pas mon comportement et mon père considère que c'est quasiment une incitation à la débauche. Mais cela m'a permis de me rapprocher de ma soeur. On se parle beaucoup plus qu'avant.»