Fil d'Ariane
La flamme olympique se rallume à Paris. Après avoir salué les premiers JO paritaires de l'histoire, qu'en sera-t-il du côté des Paralympiques ? En matière de genre, les inégalités se retrouvent dans le parasport : les femmes y sont largement sous-représentées.
Margaret Maughan, première médaillée d'or paralympique britannique, allume la flamme paralympique lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques de 2012 à Londres, le 29 août 2012.
Après les premiers JO paritaires de l'histoire, le défi sera-t-il relevé pour les Jeux paralympiques ? Sur le site officiel france-paralympique.fr, on explique que cela ne sera pas possible pour ces jeux 2024 en raison du manque de pratiquantes. Mais on peut malgré tout se réjouir du nombre de participantes qui marquera un nouveau record dans l’histoire paralympique.
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Hannah Cockroft, de Grande-Bretagne, lors de sa victoire au 200 mètres dans la catégorie T34 aux Jeux paralympiques de 2012, le jeudi 6 septembre 2012, à Londres.
Jusqu’à 4400 athlètes sont attendus pour participer aux 549 épreuves qui sont au programme des 22 disciplines parasportives. 235 d’entre elles seront uniquement féminines, soit 8 de plus que lors de la précédente édition des jeux paralympiques à Tokyo en 2020. Sur les 4400 athlètes, il y aura une participation minimum de 1859 femmes, soit au moins 77 de plus qu’au Japon. Le nombre d’athlètes féminines aura donc doublé depuis les Jeux de Sydney en 2000, elles n'étaient alors que 990.
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Pour ce qui est de la délégation française, elle ne sera toujours pas paritaire. Lors des Jeux de Tokyo 2020, l’équipe de France était composée de 138 athlètes dont 37 femmes et 101 hommes, soit une participation de 26,8% de femmes.
Une situation qui n’est pas unique à la France. Car si certaines nations parviennent à être paritaires, voire majoritairement féminines, de nombreux pays continuent à faire face à un manque d’athlètes féminines.
Siham Alrasheedy des Émirats arabes unis fait un lancer dans la finale de la catégorie F57/58 du lancer du disque féminin lors de la compétition d'athlétisme aux Jeux paralympiques de 2012, le mardi 4 septembre 2012, à Londres.
Sur les 22 disciplines présentes aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, seules 3 sont accessibles aux personnes ayant une déficience intellectuelle. Les épreuves accessibles aux handicaps physiques sont plus nombreuses, et puisqu’il y a plus d’hommes en situation de handicap physique, il y a par conséquent moins de femmes en lice pour les Jeux. Cette différence s’explique aussi par la présence d’épreuves collectives entièrement masculines, comme le cécifoot, ou mixte mais avec une forte tendance masculine comme le rugby fauteuil, explique-t-on sur le site handicap.fr.
Aujourd'hui, les femmes ne sont que 35% contre 65% d'hommes inscrites dans les diverses disciplines de handisport en France.
Marie-Amélie Le Fur préside le Comité paralympique et sportif français (CPSF) depuis 2018. Cette athlète accroche à son palmarès pas moins de 10 médailles d’or Championnats d’Europe, championnats du Monde et Jeux Paralympiques confondus. Elle a dû être amputée de la jambe gauche suite à un accident de scooter, en 2004.
Il existe une forme d'injonction contradictoire très forte dans le para sport féminin. Il nous faut développer une musculature importante pour générer de la performance mais ce corps d'athlète nous écarte, en quelque sorte, des codes de la féminité. Marie-Amélie Le Fur sur handicap.fr
Comme elle le confie dans une interview à handicap.fr, il existe trois freins au handisport féminin : "le manque de modèles auxquels s’identifier dans la pratique sportive féminine en général, avec notamment une faible médiatisation ; les problèmes liés au handicap lui-même : accessibilité, peu d’offres, etc ; le fait d’être une femme en situation de handicap et la représentation de la féminité". "Elles cumulent les freins inhérents à la pratique sportive féminine en général mais aussi à celle des personnes en situation de handicap (sous-dimensionnement de l'offre, problèmes de mobilité et d'accessibilité), ainsi que les freins spécifiques liés au fait d'être une femme en situation de handicap", explique-t-elle.
"Il existe une forme d'injonction contradictoire très forte dans le parasport féminin ; il nous faut développer une musculature importante pour générer de la performance mais ce corps d'athlète nous écarte, en quelque sorte, des codes de la féminité, poursuit la championne. Cela peut représenter un frein pour la femme mais aussi pour les médias et les sponsors". "Dans l'encadrement, aussi, on manque de femmes, ajoute-t-elle. Elles président seulement 20 % des comités paralympiques nationaux".
Déjà peu présent sur le petit écran, le parasport l'est encore moins quand il concerne les femmes, selon une étude publiée le 28 septembre 2023 par l'Arcom, le régulateur des médias en France. Les résultats de cette étude ont été dévoilés pour la troisième édition de "Jouons ensemble" (2-8 octobre 2023), opération incitant les médias audiovisuels à diffuser plus de programmes de ce type ("Jouons ensemble" : plus de parasport dans les médias!).
Sport "valide" et parasport confondus, "la pratique féminine représente 19,6 % des séquences visionnées, contre 65,1 % pour la pratique masculine et 15,3 % pour les représentations mixtes", souligne l'étude. Mais les seules sportives en situation de handicap n'ont représenté qu'"à peine 1,7 % du temps d'antenne".
"Cela montre que sur le sport féminin, on a un vrai problème puisque les chiffres sont assez dramatiques" sur la représentation de ces athlètes, analyse auprès de l'AFP Laurence Pécaut-Rivolier, en charge des questions de cohésion sociale à l'Arcom.
Dans Terriennes JO-2024 : parité pour les athlètes, mais pas les entraîneur.es
En 2022, Marie-Amélie Le Fur a lancé un plan de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans le cadre du CPSF.
Ce plan comporte trois actions principales : "la mise en place d'une cellule d'écoute et d'accompagnement lors des jeux paralympiques, un plan de prévention et de sensibilisation pour les éducateurs et les athlètes du mouvement paralympique, ainsi que le développement du Règlosport, un outil de verbalisation et de libération de la parole, qui permet aux sportifs de mieux caractériser la situation dans laquelle ils se trouvent".
S’inspirant de l’expérience du Violentomètre, outil construit pour lutter contre les violences faites aux femmes, il reprend le visuel d’une réglette, allant de la couleur verte (situations saines) aux couleurs orange (situations gênantes, malveillantes) puis rouge (situations de danger).
Les femmes handicapées sont encore plus fréquemment victimes de violences sexuelles. Moins dépistées et moins crues, une "triple peine", selon experts et associations. Pour les seules femmes handicapées, 16 % déclarent avoir été violées, selon les résultats d'une étude conduite par l'Ifop pour l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (LADAPT), publiée en novembre 2022. Les femmes avec un handicap psychique sont même 33 % à dire avoir été violées, contre 9 % pour l'ensemble des femmes (source AFP).
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