Fil d'Ariane
À 39 ans, Nantenin Keita rêve à de nouvelles médailles. Porte-drapeau de la délégation paralympique lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux de Paris, la sprinteuse milite pour l'inclusion des personnes à handicap au sein de la sphère professionnelle. Elle lutte aussi contre les discriminations que subissent les enfants albinos au Mali. Portrait.
La Française Nantenin Keita célèbre après avoir remporté la médaille d'or lors de la finale féminine du 400 mètres T13, lors des Jeux Paralympiques, au stade olympique de Rio de Janeiro, au Brésil, le samedi 17 septembre 2016.
L’un de ses combats : être considérée comme une sportive, une performeuse, avant d’être perçue comme une handicapée.
Quand j’allais à l’école, personne n’avait la même couleur de peau, donc ça ne m’étonnait pas d’avoir une couleur différente. J’avais mon blanc à moi. Nantenin Keïta, championne paralympique
"Quand j’allais à l’école, personne n’avait la même couleur de peau, donc ça ne m’étonnait pas d’avoir une couleur différente. J’avais mon blanc à moi. Donc oui je me demandais pourquoi on me traitait différemment" , déclarait Nantenin Keita avant les Jeux de Tokyo en 2020.
Au delà de sa carrière sportive, la championne est engagée dans la cause des personnes atteintes d'albinisme, notamment à travers son association "Salif et Nantenin Keita". L’objectif est de venir en aide aux enfants, et de les aider à la scolarisation, notamment au Mali, et sensibiliser les populations sur le sujet.
En Afrique, les albinos sont discriminés, maltraités, traqués et tués. Nantenin Keita, championne paralympique (Femina.fr)
"Je suis fascinée de savoir que des gens voient à 100 m ; moi, je vois à 2 m ! Mes parents sont arrivés en France quand j'avais 2 ans et demi car, en Afrique, les albinos sont discriminés, maltraités, traqués et tués. J'ai découvert ma singularité en deuxième section de maternelle", confiait-elle dans une interview à Femina.fr.
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Nantenin Keita est née à Bamako au Mali, le 5 novembre 1984. Elle est la fille de Salif Keita, chanteur et musicien mondialement connu, notamment dans les années 80. Comme lui, elle est atteinte d'albinisme, un trait génétique qui entraîne un défaut de pigmentation, notamment de la peau et qui explique également sa malvoyance.
Salif Keita, invité de TV5monde, un entretien à revoir ici.
A ce sujet, elle avait dit en 2021 à l'AFP avoir eu "un modèle avec (s)on père, donc si j’avais des interrogations, des doutes, je pouvais lui poser des questions".
C'est grâce à une prof d'EPS qu'elle découvre l'athlétisme en l'inscrivant à une compétition pour déficients visuels. La fédération handisport la repère et lui propose de suivre des stages avec l'équipe de France paralympique.
Spécialiste des distances allant du 100 au 400 m, Nantenin Keita a atteint l'apogée de sa carrière en 2016, à Rio, quand elle a décroché son premier titre paralympique sur le 400, dans la catégorie T13, qui correspond aux athlètes malvoyants. "C’est le fruit de des années de préparation et c’est une victoire en équipe, avec tous mes entraîneurs, ceux d’hier et celui d’aujourd’hui, mon staff, tous ceux qui ont cru en moi, qui m’ont soutenue… C’est ma 3e paralympiade et je repars enfin avec l’or … c’est incroyable !", déclare-t-elle sur le site france-paralympique.fr.
Elle compte à son palmarès trois autres médailles paralympiques : sur le 400 m (bronze) et le 200 m (argent) à Pékin en 2008 et sur le 100 m à Londres quatre ans plus tard (bronze). Outre ses médailles aux Jeux, elle compte également trois titres de championne du monde (un en 200 et deux en 400 m).
Le 8 mai dernier, Nantenin Keita a été l'une des premières à assister à l'arrivée de la flamme olympique à Marseille, désignée deuxième relayeuse sur le sol français - et première femme - après Florent Manaudou.
Nantenin Keïta, tient la flamme olympique lors de la cérémonie d'arrivée de la flamme à Marseille, dans le sud de la France, le mercredi 8 mai 2024.
Un rôle qu'elle a à nouveau endossé lors de la cérémonie d'ouverture, en portant la flamme au coeur du jardin des Tuileries à Paris. "C'était assez dingue, je ne m'y attendais pas du tout" confiait-elle lors d'un point presse, "vivre ce dernier passage de relais avec Marie-Amélie Le Fur (présidente du Comité paralympique et sportif français) et Alexis Hanquinquant, ça faisait que tout était réuni pour que la magie opère".
Jeune, elle voulait devenir avocate pour enfant puis professeure de sport. Diplômée d’un BTS en action commerciale, Nantenin Keita fait de l'humain une chose essentielle au quotidien dans le cadre de sa carrière professionnelle. Depuis 14 ans, elle travaille à la Direction des Ressources Humaines d'un groupe de protection sociale à Paris, Malakoff Humanis, qui soutient sa carrière sportive. Son rôle est de favoriser l'insertion des personnes en situation de handicap et leur évolution tout au long de leur carrière professionnelle.
À 39 ans, Nantenin Keita devrait faire son dernier tour de piste à Paris. Et avant l'heure de vérité du Stade de France, où elle sera engagée sur le 100 et 400 m, elle a d'abord la responsabilité d'être porte-drapeau de la délégation tricolore.
Les chemins peuvent être longs, semés d'embûches mais il faut toujours croire en ses capacités et en ses chances de réussite. Nantenin Keita, championne paralympique
Une "fierté" pour la para-athlète, qui y voit également "la reconnaissance de (s)a fédé et des athlètes". Elle est par ailleurs "sûre et certaine qu'il y aura un avant et un après les Jeux paralympiques, que ce soit dans l'accès au sport" ou "l'envie de de pratiquer une activité physique".
Et si elle reconnait que "les chemins peuvent être longs, semés d'embûches", elle répète, tel un mantra, qu'"il faut toujours croire en ses capacités et en ses chances de réussite".
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