Jo Cox, une femme, féministe, députée, a été tuée

La jeune députée anglaise, élue du coeur de l'Angleterre, Jo Cox, que tous saluent comme une étoile montante du Parti travailliste, avait commencé son combat politique par la bataille pour les droits des femmes. Une lutte jamais abandonnée. Jusqu'à son assassinat en pleine campagne contre le Brexit, le 16 juin 2016.
Image
Jo Cox
Jo Cox lors de son discours inaugural au Parlement en mai 2015
capture d'écran
Partager6 minutes de lecture
Les raisons du tueur de Helen Joanne, dite "Jo", Cox commencent à paraître : Thomas Mair était un partisan "fervent" de l'"Alliance nationale", un groupe néo-nazi américain, prônant la suprématie blanche... et masculine, sur le monde. Dans le magma de son cerveau malade, il est difficile de connaître le facteur déclenchant : la dernière ligne droite vers le référendum pour le maintien ou non du Royaume Uni dans l'Union européenne ? La haine de cette diversité et des étrangers que soutenait tant la jeune députée de Batley & Spen à l'Ouest du Yorkshire ? Ou encore le simple fait qu'elle appartienne au sexe féminin, et par dessus tout, une militante des droits des femmes ?

Les uns et les autres, partout en Grande Bretagne, ont salué sa compassion, son empathie avec les damnés de la terre, en particulier les mineurs migrants, les réfugiés syriens, porteuse de ce fameux "care" (le soin) que l'on associe tant aux femmes politiques.  Le Guardian, quotidien proche du parti travailliste, nous rappelle qu'"elle était une féministe engagée et assumée. Elle présidait le réseau des femmes du parti travailliste, travaillant à amener plus de femmes au Parlement, en leur offrant des sessions d'entraînement, par exemple." Le Labour women's network  a salué  Jo Cox : "Nous sommes fières de l'avoir connue et de l'avoir accompagnée dans ses campagnes. Nous travaillerons sans relâche à garder sa mémoire vivante."

Jo Cox women
Jo Cox menait inlassablement campagne pour promouvoir les femmes en politique, comme lors de cette campagne du Labour Women's network
Labour Women's network

Sur son compte twitter ou sur son blog, où elle défendait sans aucun renoncement l'immigration, une "richesse pour notre pays", elle se présentait ainsi : "maman, députée, habitante sur un bateau, alpiniste, ex travailleuse humanitaire".  On la voit dans ce message posté le 15 juin 2016, la veille de son assassinat, avec son mari et ses enfants, lancée  dans la course pour le Oui ("In" écrit sur le drapeau) à l'Europe, sur la Tamise.

Mon passage à Cambridge m'a donné des coups sur la tête
Jo Fox, décembre 2015

Elle allait avoir 42 ans dans trois jours. Elle était née dans cette région dont elle deviendrait une élue prometteuse. Sa mère travaillait comme secrétaire dans une école, son père comme employé dans une usine de pâte dentifrice et de laque pour cheveux. Des origines dont elle était fière, et une appartenance de classe qui se fit sentir quand elle intégra la prestigieuse université de Cambridge, plus ouverte à l'élite qu'aux élèves issus du "peuple".
"Je n'ai pas grandi avec l'idée de me lancer en politique ou au parti travailliste. Ce genre de choses est venu quand j'étais à Cambridge, où j'ai réalisé que là où vous étiez née comptait, que la façon dont vous parliez comptait, que vos relations comptaient. Or, je ne m'exprimais pas de la bonne façon ni ne fréquentais les bonnes personnes. Je passais mes été à emballer les pâtes dentifrice dans l'usine où travaillait mon père. Pour être honnête, mon expérience à Cambridge m'a donné des coups sur la tête pendant environ cinq ans." confiait-elle au Yorkshire Post, en décembre 2015, un entretien que le quotidien a remis en ligne au lendemain de sa mort.

Une expérience éprouvante dont elle remarquait avec humour, qu'elle lui avait permis de faire de son entrée à Westminster "une promenade dans un parc".
Son passage à l'organisation internationale Oxfam, dans l'action humanitaire, l'avait aussi armée pour le combat politique, et se sentait en permanence dans ses engagements auprès des Syriens, des migrants, ou même des Palestiniens. "Ce travail m'a donné le socle de celui que je mène aujourd'hui pour la Syrie. Je me suis retrouvée dans des situations horribles où des femmes, comme au Darfour, avaient été violées de façon répétée, avec des enfants en Ouganda, auxquels on avait fourni des Kalashnikovs et qui avaient tué des membres de leur famille. .. Et ce genre de choses m'a amenée à comprendre que si vous ignorez un problème, il devient encore pire."

L'urgence humanitaire, priorité de Jo Fox


Cette expérience l'avait décidée à s'abstenir au sujet des bombardements en Syrie. Et à espérer que la diplomatie britannique devienne pionnière : "au sujet de la crise humanitaire des réfugiés, les gens me disent  que le Royaume Uni est membre du Conseil de sécurité, membre de l'Union européenne, un membre influent de l'Otan, et que donc nous pourrions faire la différence, et ce qu'ils veulent, c'est que nous agissions."

Son ancien employeur lui rend hommage sur les réseaux sociaux : 'Tout Oxfam est dévasté par la perte de notre collègue tant aimée et admirée".
 


Depuis des semaines, celle qui avait pris le parti de Jeremy Corbin, trop à gauche pour certains, combattait les partisans de la sortie du Brexit, en particulier sur le thème de l'immigration. Pour son premier discours à Westminster après son élection en mai 2015 dans la circonscription de Batley et Spen, elle avait fait l'éloge de l'immigration, facteur selon elle "d'amélioration" des communautés locales.
Outre la campagne contre le Brexit qu'elle menait avec ardeur, les jours précédant sa mort elle travaillait à un rapport sur la progression de l'islamophobie en Grande Bretagne, en particulier envers les jeunes femmes de sa circonscription.


La haine n’a pas de principe, de race ou de religion, elle est un poison
Brendan Cox

Jo Cox était mariée et mère de deux jeunes enfants. Son mari, Brendan Cox, engagé à ses côtés, était lui aussi travailleur de l'humanitaire. Il a adressé ce message après l'assassinat de sa compagne :

"Aujourd’hui est le commencement d’un nouveau chapitre dans nos vies. Plus difficile, plus douloureux, moins joyeux, mois remplis d’amour.
Moi et la famille de Jo allons nous atteler à chaque instant à aimer et élever nos enfants et à combattre la haine qui l’a tuée. Jo croyait en un monde meilleur et s’est battue pour cela chaque jour de sa vie avec une énergie, une joie de vivre qui auraient épuisé la plupart des gens.
Elle aurait voulu absolument deux choses, en cet instant : un, que nos enfants soient entourés d’amour, et deux, que nous nous unissions tous pour combattre la haine qui l’a tuée. La haine n’a pas de principe, de race ou de religion, elle est un poison.
Jo n’aurait pas de regret sur sa vie. Elle a vécu chaque jour comme si c’était le dernier. "