Journalistes iraniennes : à peine libérées, déjà menacées

Elaheh Mohammadi et Niloufar Hamedi ont passé 17 mois dans la prison d'Evin à Téhéran pour avoir enquêté sur la mort de Mahsa Amini. Peu après leur libération, les deux journalistes sont apparues sans voile, risquant de nouvelles poursuites judiciaires.

Image
Journalistes iraniennes libérées

Elaheh Mohammadi, 36 ans (à gauche), et Niloufar Hamedi, 31 ans (à droite), "ont été temporairement libérées sous caution de la prison d'Evine" à Téhéran, le 14 janvier 2024.

capture d'écran X
Partager2 minutes de lecture

Aussitôt libérées, aussitôt en lutte pour la liberté ... Le geste est fort et symbolique, mais non sans risque. Elaheh Mohammadi, 36 ans, et Niloufar Hamedi, 31 ans, tout à la joie de leur relaxe après dix-sept mois passés en cellule, posent tête nue à la sortie de la prison d'Evin, à Téhéran. Des photos et une vidéo les montrant souriantes et se tenant la main, à proximité de la prison ont été largement diffusées et relayées sur les réseaux sociaux.

Tweet URL

(Re)lire notre article

Aussitôt libérées, aussitôt menacées de retourner en prison

Mais la joie suscitée par leur libération pourrait être de courte durée, car dans la foulée de ces posts les montrant sans le voile obligatoire en République islamique d'Iran, la justice du pays dit son intention de les poursuivre. "Une nouvelle plainte a été déposée devant le tribunal révolutionnaire de Téhéran" contre les deux journalistes "après la publication de leurs photos sans voile", et donnera lieu à des poursuites, a annoncé l'agence judiciaire Mizan Online.

Tweet URL

Les deux journalistes avaient été arrêtées pour avoir couvert le décès, le 16 septembre 2022, de Mahsa Amini, une jeune femme kurde de 22 ans interpellée à Téhéran par la police des mœurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire de la République islamique imposant notamment aux femmes le port du voile en public.

Ce décès avait été le point de départ d'un vaste de mouvement de contestation dans le pays. Plusieurs centaines de personnes, dont des membres de forces de l'ordre, ont été tuées et des milliers arrêtées, au cours des manifestations qui se sont tenues en octobre et novembre avant de refluer. Sept hommes ont été exécutés pour leur implication dans ce mouvement. Plus de 90 journalistes iraniens ont été inquiétés par les autorités lors des manifestations, selon des médias locaux.

Graffiti pour Amini

Un graffiti qui dit en farsi : "Woman Life Freedom", le slogan clé des manifestations antigouvernementales après la mort de Mahsa Amini, est écrit sur le mur d'un parc à Téhéran, Iran, lundi 11 septembre 2023.

©AP Photo/Vahid Salemi

Au nom de Mahsa Amini

Niloufar Hamedi, photographe du journal Shargh, a été condamnée à une peine de sept ans de prison pour coopération avec les Etats-Unis, cinq ans de prison pour complot contre la sécurité du pays et un an pour propagande contre la République islamique. Elle s'était rendue à l'hôpital où Mahsa Amini avait été pendant trois jours dans le coma avant de décéder.

Elaheh Mohammadi était allée dans la ville natale de la jeune femme, à Saqqez (ouest), pour couvrir ses funérailles. La reporter de Ham Mihan a été condamnée en 2023 à une peine de six ans de prison pour collaboration avec les Etats-Unis, cinq ans pour complot contre la sécurité du pays et un an pour propagande contre la République islamique.

Tweet URL

Une foule de militantes pour la liberté s'était rassemblée non loin de la prison d'Evin, où les deux jeunes femmes ont été accueillies par des cris et des chants de joie. 

Journalistes, le prix à payer

Les deux journalistes ont été libérées en échange du paiement d'une caution de 100 milliards de rials (environ 170.000 euros), chacune dans l'attente de leur procès en appel, selon Mizan Online. Elles sont interdites de sortie du territoire et devraient rester hors de prison jusqu'à leur procès en appel, dont la date n'est pas connue, a précisé l'agence locale Fars.

Tweet URL

"Les journalistes iraniennes Niloufar Hamedi et Elahe Mohammadi, nos héroïnes, ont été libérées sous caution (de 100 milliards IRR). Leur seul crime a été d’avoir fait leur travail et de couvrir le meurtre de Mahsa Amini en 2022. Tellement fier d’eux et des collègues qui les ont soutenues", indique cet auteur militant iranien sur son compte X.

Niloufar Hamedi et Elaheh Mohammadi ont été soutenues par des organisations de défense de la liberté de la presse, dont Reporters sans Frontières, qui avait qualifié de "scandaleuse" la condamnation de ces deux femmes "punies pour l'exercice de leur métier".

Tweet URL

Lire aussi dans Terriennes :