Journée internationale des droits des femmes : après l'avancée, la contre-offensive ?

Les progrès en matière de droits des femmes ont presque toujours été suivies d'un backlash, un retour de bâton mené par une coalition hétéroclite de mouvements conservateurs à travers le monde. Retour sur ce phénomène et son évolution. 

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backlash

La traduction française de BacklashThe Undeclared War Against American Women a été publiée en 1993 aux Editions des femmes - Antoinette Fouque.

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"Retour de bâton", "recul" ou "contre-offensive" : ainsi pourrait-on traduire la notion de backlash, théorisée par la féministe américaine Susan Faludi dans son ouvrage Backlash. The Undeclared War Against American Women (Backlash, la guerre froide contre les femmes américaines) paru aux États-Unis en 1991.

Un mouvement en réaction

L'écrivaine y décrit la stratégie mise en oeuvre aux Etats-Unis par des mouvements conservateurs après la libéralisation de l'avortement et l'entrée massive des femmes sur le marché du travail dans les années 1970. Ces mouvements rendent notamment responsables le féminisme et les récents droits acquis par les femmes de tous les problèmes, des fausses couches à l'infertilité en passant par la dépression à coups d'études statistiques incomplètes ou erronées, écrit Susan Faludi

susan faludi

Susan Faludi avec son livre Backlash : The Undeclared War Against American Women à San Francisco, le 7 novembre 1991. Journaliste du Wall Street Journal, elle est lauréate du prix Pulitzer. 

©AP Photo/George Nikitin

Entré depuis dans le langage courant, le concept de backlash est revenu avec force dans le débat féministe lors de l'annulation en 2022 de l’arrêt Roe vs Wade, qui reconnaissait le droit à l’avortement, par la Cour suprême américaine, ou lors du verdict du procès en diffamation, en 2022 également, intenté par l’acteur Johnny Depp contre son ex-femme Amber Heard qui avait évoqué son statut de victime de violences conjugales.

Qui orchestre ?

"Il s'agit d'une coalition très hétéroclite: on va y trouver des Etats qui portent un agenda très conservateur sur ces questions, des organisations issues de l'extrême droite, des mouvements religieux fondamentalistes", énumère Lucie Daniel, de l'association féministe Equipop, co-autrice d'un rapport sur le backlash publié en 2023 avec la Fondation Jean-Jaurès. "Ces mouvements sont particulièrement bien organisés, connectés les uns aux autres et bénéficient de financements très généreux de grandes figures conservatrices", ajoute-t-elle.

Droits des femmes : combattre le "backlash"

Campagnes

Neil Datta, qui est à la tête du Forum parlementaire européen pour les droits sexuels et reproductifs, a repertorié plus de 120 organisations anti-IVG en Europe et a pu éplucher les comptes de 54 d'entre elles. "De 2009 à 2018, 700 millions de dollars sont allés dans des campagnes antigenre", financées essentiellement par "la droite chrétienne américaine, des oligarques russes et des élites économiques et sociales dans plusieurs pays européens", relève-t-il. Ces mouvements se sont parallèlement "professionnalisés" et "influencent désormais des parlementaires, la diplomatie des Etats membres. Ils savent comment lancer des litiges juridiques". 

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Quelle ampleur ?

De l'Afghanistan au Brésil, en passant par les Etats-Unis ou la Hongrie, les mouvements contre les droits des femmes agissent partout, soulignent les spécialistes. Même la Suède, souvent érigée en modèle de l'égalité des genres, n'a pas été épargnée. A peine arrivé au pouvoir en octobre 2022, l'actuel gouvernement soutenu par l'extrême droite a annoncé l'abandon de la "diplomatie féministe", lancée en 2014.

"Les progrès mondiaux en matière d'égalité entre les femmes et les hommes ont ralenti dans toutes les régions et certains reculs des droits des femmes et des filles protégées par la loi se sont considérablement intensifiés", ont alerté en 2023 des expertes de l'ONU. Ces mouvements ont également investi les réseaux sociaux où les raids masculinistes se sont multipliés pour "réduire les femmes au silence ou les discréditer", notait le Haut conseil à l'égalité (HCE) français dans son rapport 2023.

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Impact 

Pour Susan Faludi, l'effet de ces campagnes est visible à l'oeil nu, "de la vague de violences domestiques accrue par la pandémie à l’apparition des 'incels', ces célibataires involontaires qui haïssent les femmes, en passant par le déluge de pornographie et de cyberharcèlement", soulignait-elle dans une interview au magazine français Télérama en 2023. 

Le Haut conseil à l'égalité (HCE) relevait de son côté en 2022 un backlash opérant "concrètement dans des décisions politiques majeures dans de nombreux pays", citant notamment le "recul historique" du droit à l'avortement aux États-Unis mais également en Pologne ou encore en Hongrie. Dans ce contexte, il est indispensable d'"accroître le financement des associations et mouvements féministes", soulignait le rapport d'Equipop et de la Fondation Jean Jaurès de 2023.