Justice
L’ONG reçoit la victime et sa famille pour tenter une médiation. Si ce dialogue ne dissuade pas les parents de marier l’enfant, un dossier est déposé au commissariat de police puis au service de protection des femmes et des mineures qui le transmet au procureur. A ce dernier de statuer. Les parents de Nana ont fini par céder : « Cela a changé leur regard sur le mariage forcé. En passant devant la justice, ils ont pris conscience des violences liées aux mariages précoces. »
Les traumatismes des enfants mariées de force sont à la fois physiques (violences, maladies sexuellement transmissibles, problèmes de santé reproductive, grossesses précoces), psychologiques (isolement) et aussi sociaux avec beaucoup d’analphabétisme chez les filles, premières victimes qui voient leur vie brisée.
« La majorité d’entre elles refusent de consommer le mariage, d’entretenir des relations sexuelles avec leur mari, explique Mariama Harouma Moussa. Cela crée des tensions dans le foyer. Certains maris les frappent. Quand la fille arrive dans notre centre, elle est traumatisée. Quand il y a des mésententes au sein du foyer, elles préfèrent parfois ou bien se suicider, ou bien fuguer dans un pays frontalier du Niger comme le Bénin ou le Nigeria. » Souvent, ces jeunes filles, alors femmes au foyer, sont au service – et à la merci- de la belle famille.
Ce que la présidente de l’ONG FEVVF constate au Niger se vérifie ailleurs dans le monde.
Des textes en vigueur sont censés protéger les enfants des mariages forcés (voir en encadré) mais de manière très inégale. « La loi encadre le mariage au Niger, explique madame Moussa. L’article 44 du Code civil nigérien interdit le mariage avant l’âge de 18 ans pour les garçons et 15 ans pour les jeunes filles. C’est une vraie discrimination à l’endroit des jeunes filles car la
Convention Internationale des Droits de l’Enfant, ratifiée par le Niger prévoit l’âge minimum de 18 ans pour que les enfants soient mariés. » Le 27 septembre dernier, les
Nations unies ont réagi. Le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a adopté une résolution reconnaissant le mariage des enfants comme une violation des droits de l’Homme. Si rien n’est fait, l’ONU, prévoit 140 millions de petites filles mariées de force dans la prochaine décennie. Le combat reste encore long. Mais celles qui disent non comme Nana, font porter leurs voix et nourrissent encore des rêves: « J’aimerais devenir enseignante pour servir de modèle aux autres filles. »