Joyce Banda, dame de fer du Malawi, à l'épreuve des urnes

Entre le 20 et le 28 mai 2014, entre le vote et l'annonce des résultats, 7,5 millions de Malawites auraient dû vivre au rythme démocratique de l'élection présidentielle. Joyce Banda, 64 ans, y était candidate à sa propre succession. Mais la présidente au bord de la défaite a voulu annuler le scrutin, une décision aussitôt invalidée par la justice. Arrivée au pouvoir en 2012, mais hors des urnes, à la faveur du décès de son prédécesseur dont elle était alors la vice-présidente, elle était devenue la deuxième Africaine à accéder au poste de chef d’État. Retour sur deux années de présidence, menées par une femme qui a changé le paysage politique, économique et social du pays.
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Joyce Banda, dame de fer du Malawi, à l'épreuve des urnes
Vote de la présidente sortante, Joyce Banda, dans sa ville à Malemia. ©AFP
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"Nul et non avenu", c'est ainsi que la présidente du Malawi a voulu effacer le scrutin présidentiel et législatif, le cinquième depuis l'instauration du multipartisme dans ce pays d'Afrique australe. Sans doute parce que selon un premier décompte partiel portant sur 30% des suffrages, son adversaire Peter Mutharika, 74 ans, arrivait en tête avec 42% des voix contre 23% à Mme Banda.

Joyce Banda est la 3e femme la plus influente d'Afrique et la 47e au monde, selon le classement Forbes de 2013. Actuellement à la tête du Malawi, petit pays anglophone d'Afrique australe, Joyce Banda a marqué l’Histoire du pays dès son arrivée au pouvoir en 2012 en devenant la première femme présidente. Les actions menées au cours de son mandat ont fait avancer en partie la situation du Malawi.
 
Une réelle transition démocratique et économique 

Les premiers changements dans le pays se font au niveau politique. Le 7 avril 2012, alors vice-présidente, elle devient chef d’Etat sans être élue. C’est le décès du président Bingu wa Mutharika qui lui permet d’accéder à la tête du pays ... non sans difficultés. Des différends l’opposaient à l’ex-chef d'Etat et son parti. Et au moment de la passation de pouvoir, le frère du défunt président a tenté de prendre le pouvoir de manière inconstitutionnelle, en faisant appel à l’armée. Sa tentative sera vaine. Les institutions ont résisté et Joyce Banda est investie conformément à la Constitution. Une "victoire" démocratique après des décennies d’autoritarisme au Malawi.
 
Sur le plan économique, c’est la même rupture. Dès sa prise de fonction, elle entreprend des mesures d’austérité pour assainir les finances du pays et faire revenir l’aide internationale. Parmi les plus médiatiques, on trouve la vente du jet présidentiel et de 60 limousines utilisées par les ministres et les hauts fonctionnaires. Les autres sont moins populaires. Pour se conformer aux exigences du FMI, elle dévalue la monnaie (le kwacha) alors que son prédécesseur, accusé de l’effondrement économique du pays, s’y était opposé. Mais la population en pâtit : le coût de la vie augmente au Malawi, un des Etats les plus pauvres du monde. Il est classé 170e sur 187 sur l’échelle du développement humain.

Féministe proclamée
 
Féministe, Joyce Banda se fait aussi remarquer grâce à ses actions en faveur de l’émancipation des femmes. Avec l’aide de l’Union européenne, elle promeut l’éducation avec par exemple la mise en place de cours d’informatique, réservés jusqu’ici aux hommes. Des initiatives pour améliorer les conditions de vie des Malawites, premières victimes de la pauvreté et des mariages précoces, fréquents dans le pays. Les femmes ont en moyenne 6 enfants et chaque année près de 675 femmes (sur 100 000 naissances) meurent en couche selon Human Rights Watch. Joyce Banda est aussi l’une des rares présidentes africaines à avoir décriminalisé l’homosexualité et à s'être engagée dans la lutte contre la tuberculose et le sida dans le pays.   

Joyce Banda, dame de fer du Malawi, à l'épreuve des urnes
Joyce Banda et Christine Lagarde en janvier 2013 lors d'une rencontre à Lilongwe (capitale). ©AFP
Popularité et … corruption
 
Toutes ces mesures lui ont valu une popularité internationale et nationale. Les zones rurales où vit 60% de la population ont bénéficié d'une partie des aides internationales, attribuées au Malawi après l'application des mesures d'austérité. La présidente malawite avait en effet réussi à restaurer la confiance des donateurs, en particulier du Fond monétaire international (FMI). Christine Lagarde, présidente du FMI, s'était justement rendue en janvier 2013 dans le pays. Mais aujourd'hui, alors qu'elle se représente à l'élection présidentielle, sa popularité est ébranlée. 
 
La faute à une grave affaire de corruption appelée "Cashgate". Près de 30 millions de dollars ont été détournés des finances publiques au cours de l'année 2013. Il s'agirait du plus grand scandale financier de l'Histoire du pays. Malgré les plaintes de la population, Joyce Banda n'a pas démissionné mais elle a limogé la moitié de son gouvernement. Et les donateurs internationaux ont suspendu leur aide de 150 millions de dollars.
 
Cette accusation portée quelques mois avant l'élection, met dans l'embarras Joyce Banda. Elle a d'ailleurs fait de cette affaire son cheval de bataille pendant la campagne présidentielle. Reste à savoir si cela suffira à convaincre la population. Sa réélection est loin d'être gagnée...

L'économie et le social au coeur du srutin présidentiel au Malawi

21.05.2014Récit Laure de Matos, JT TV5MONDE
Au Malawi, 7,5 millions d'électeurs devaient choisir le/la futur-e président-e entre douze candidats. L'accès à la nourriture, aux soins et au développement semblent avoir été les critères de vote pour la plupart des citoyens.
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Ces trois femmes à la tête de pays africains en difficulté

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Ellen Johson Sirleaf est la première femme élue au suffrage universel à la présidence d'un pays africain. En 2006, elle arrive à la tête d'une nation de quatre millions d'habitants, très fragilisée par des guerres civiles qui ont duré quatorze ans. En 2011, elle est récompensée par le Prix Nobel de la paix avec trois autres femmes, pour leur lutte non violente en faveur de la sécurité et des droits des femmes. Ellen Johnson Sirleaf a également combattu la corruption dans son pays. Une bataille qui lui a valu le surnom de "Dame de fer".

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Diplômée en études sociales avec une spécialisation en études de genre de l’Atlantic International University (États-Unis), elle devient ministre des Femmes et de l'Enfance en 2004, puis ministre des Affaires étrangères. De son mandat, elle tire la fierté d'avoir amélioré la situation économique du Malawi, un des pays les plus pauvres de la planète, portant sa croissance à 6%.

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Catherine Samba-Panza est présidente de transition en Centrafrique. Suite au coup d'Etat de la coalition rebelle Séléka qui a renversé le régime de François Bozizé, elle est nommée en mai 2013 maire de la capitale, Bangui. Puis, alors que le président Michel Djotodia est poussé à la démission en janvier 2014, elle est propulsée à la tête du pays. Elle pousse aussitôt les miliciens de la Séléka et de l'opposition, les anti-balaka, à déposer les armes. Aujourd'hui, son défi est de redresser le pays jusqu'aux prochaines élections prévues en 2015.