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Deux ans après avoir été victime d'agressions sexuelles, Shaïna meurt, brûlée vive, dans un cabanon. Elle avait 15 ans. Jugé pour assassinat, son ex-petit ami a été condamné à 18 ans de réclusion criminelle.
Shaïna, morte brûlée vive à 15 ans à Creil, au nord de Paris. L'adolescente avait été victime d'agressions sexuelles deux ans plus tôt. Ses agresseurs ont écopé de peine allant de 6 mois à deux ans avec sursis.
Quelques notes de violoncelle à la mémoire de Shaïna Hansye. Elles étaient quelques dizaines de personnes, portant banderoles et pancartes, à s'être rassemblées, devant la cour de justice de Beauvais, en Picardie - au nord de la région parisienne - à l'appel de Yasin Hansye, le frère ainé de l'adolescente assassinée il y a quatre ans.
"Nous sommes là pour que justice soit rendue à ma soeur", déclare-t-il peu avant l'audience. "Je ne vais même pas m'adresser à lui" a-t-il poursuivi, intervenant en direct à la télévision sur une chaîne d'info en continu, "mais je fais confiance à la justice".
Soupçonné d'avoir attiré la jeune fille de 15 ans, dans un cabanon pour la tuer et brûler son corps, l'accusé, 17 ans à l'époque, a été condamné à 18 ans de réclusion criminelle. "Pourquoi ? Pourquoi ?", a-t-il réagi, le teint blême, barbe naissante et yeux sombres, à l'énoncé du verdict. Puis, invectivant les jurés: "Vous avez tort ! Je suis innocent !"
Cette peine, prononcée dans une ambiance lourde, est inférieure aux réquisitions de l'avocat général qui avait réclamé 30 ans de réclusion criminelle pour un crime selon lui "prémédité à chaque étape". Auprès de l'AFP, le père de Shaïna s'est lui dit "déçu de la justice". "La justice se fout des violences faites aux femmes", a estimé Me Negar Haeri, avocate de la famille. "Entre détention provisoire et remises de peine, l'accusé "sort dans huit ans", a-t-elle estimé.
Ce n'est que deux jours après sa mort que les policiers, guidés par une rumeur, ne vont découvrir le corps, presque entièrement calciné, de l'adolescente. Les expertises médico-légales révèleront de "multiples plaies" à l'arme blanche mais aussi qu'elle respirait encore au début du feu.
Au soir du 25 octobre 2019, Shaïna était sortie après un dîner familial. Dans son sac à main, ses proches retrouvent un test de grossesse positif. Selon diverses expertises, l'adolescente, qui avait subi une IVG quelques mois plus tôt, entamait très probablement une nouvelle grossesse. D'après l'enquête, elle attribuait la paternité à l'accusé, avec qui elle entretenait une liaison.
Deux appels anonymes, puis un témoignage clé, orientent rapidement l'enquête vers le jeune homme. Un de ses amis raconte qu'il est venu le voir la nuit des faits, et lui a confié avoir donné rendez-vous à Shaïna pour la tuer. Il l'aurait poignardée une quinzaine de fois, et aurait été blessé par un retour de flamme. Ce témoin livre des détails connus des seuls enquêteurs. Shaïna refusait d'avorter, aurait-il rapporté.
D'autres éléments incriminent le jeune homme : si son téléphone a disparu, il multiplie les SMS à Shaïna ce jour-là. A l'approche du crime, tous deux activent la même borne, à 500 m du cabanon. Et l'appareil de l'accusé est éteint entre 21H36 et 22H13, heure approximative des faits.
Il expliquera ses brûlures par un "frottement" puis un "eczéma", et varie ses déclarations sur son emploi du temps. Il reconnaît avoir eu quelques relations sexuelles avec Shaïna à partir d'août, mais assure avoir rompu. Un codétenu l'aurait entendu "dire fièrement" qu'il avait "tué sa copine, qui était une pute, qu'il avait mise enceinte", voulant éviter que sa famille l'apprenne. En prison, il disait "préférer prendre 30 ans qu'être le père d'un bâtard", selon un autre détenu.
Le crime pourrait être "une tentative désespérée" de préserver son image, dans un contexte "d'interdit culturel et religieux" lié à la sexualité, a estimé un expert psychologue. D'autres experts ont jugé qu'il montrait un "certain détachement au sujet des faits qu'on lui reproche", et qu'il a "une passion pour sa propre image".
Deux ans plus tôt, Shaïna avait été victime d'agressions sexuelles, pour lesquelles quatre autres jeunes de sa cité ont été condamnés la semaine dernière en appel à des peines allant de six mois à deux ans de prison avec sursis.
Pour Me Haeri, sa mort "est le point culminant d'un long calvaire", enclenché par cette première affaire. Violentée dans une clinique désaffectée où son petit ami d'alors l'avait entraînée, Shaïna avait été filmée par ses agresseurs. Des images diffusées sur Snapchat l'avaient exposée, selon l'avocate, à un "dénigrement grandissant". L'adolescente a été traitée "comme une chose, avec qui on couche, mais qu'on peut supprimer", déplore-t-elle.
Cette affaire n'est pas sans rappeler celle de Sohane Benziane, morte à 17 ans, brûlée vive dans un local poubelle d'une cité à Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne, vingt ans plus tôt. Le terme féminicide n'était pas encore entré dans le langage commun et n'apparaissait pas sur les bannières féministes. En 2021 en France, le nombre de féminicides a augmenté de 20% par rapport à l'année précédente. 122 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.
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