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Les 12 accusés, âgés de 19 à 29 ans, ont déjà comparu en mai 2019 devant la chambre criminelle de la cour d'appel de Beni Mellal pour "traite d'êtres humains", "constitution d'une bande organisée" et "l'enlèvement et séquestration". Les avocats ayant demandé un report du procès, celui-ci vient seulement de commencer.
C'était le 21 août 2018. Le Maroc découvrait avec effroi l'histoire de Khadija Okkarou, 17 ans, une jeune Marocaine originaire de Oulay Adad, un village à 40 km de Béni Mellal (centre du Maroc), séquestrée, violée, et humiliée sauvagement par un groupe d’une quinzaine d’hommes de son village.Elle raconte dans une interview accordée au média marocain en ligne Chouf TV (très prisée des internautes pour ses reportages parfois sulfureux) comment ces hommes l’ont kidnappée au printemps dernier. Elle qui attendait au bas de chez elle, devant sa porte, a été contrainte de suivre le groupe, couteau sous la gorge. Pendant deux mois, elle a été violée à tour de rôle par ses tortionnaires, torturée, la peau brûlée par des mégots de cigarettes. En plus des conditions de détention auxquelles elle a dû faire face, ce sont peut-être les sévices physiques que l'on découvre avec effroi qui ont le plus choqué.
Pendant deux mois, ses bourreaux ont tatoué tout son corps de dessins, de moqueries, et même d'une croix gammée sur la main … comme on marquerait un animal au fer rouge. Elle a bien tenté de s’enfuir plusieurs fois mais elle a été rattrapée et battue par ses tortionnaires, comme elle le raconte dans la vidéo (ci-dessous, en arabe). Quinze jours avant la fin du ramadan (au début du mois de juin, donc), elle réussit finalement à négocier avec eux sa libération et son père accepte de ne pas prévenir la police. Khadija décide alors seule, accompagnée de sa mère, de se rendre au commissariat et de dénoncer ces hommes.
Son avocat, Me Brahim Hachane, se dit bouleversé en temps que défenseur des droits humains. Il a demandé « une expertise médicale pour définir ses séquelles psychiques et physiques » pour cette jeune fille "solide mais perturbée" selon le médecin qui l'a examinée.
@maria__karim et moi avons pris la route hier matin pour Oulad Ayad, un village entre Fqih Ben Saleh et Beni Mellal. Nous avons été accueillis par Khadija, sa famille et quelques proches, chez elle. Une modeste maison, dignement tenue où nous avons été reçues avec amour.
— Lylou Slass (@Lylou20) 27 août 2018
Ce n’est pas la première fois que le Maroc est secoué par une affaire de viol. Depuis quelques années, le royaume fait face à une multiplication d'actes similaires: « Ce qui est sûr c’est qu’il y a des affaires de viol comme celles de Amina Filali qui ouvrent la voie à beaucoup de débats sur le sujet mais je ne suis pas sûre que juridiquement cela suive ». La jeune Marocaine de 16 ans s’était donné la mort après avoir été contrainte d’épouser l’homme qui l’avait violée en 2012. Cette affaire avait suscité la colère et l’indignation des citoyen.nes marocain.nes et un débat national sur la question du viol et du mariage des mineurs avait été ouvert, donnant lieu à une nouvelle loi.
Sur les suite du suicide de Amina Filali, à retrouver dans Terriennes :
> Maroc : après la loi sur le viol, le mariage des mineures dans le collimateur
> Au Maroc, les “séducteurs“ ne seront plus protégés
De nombreux échanges, parfois houleux, ont débouché en 2014 sur l’abrogation de l’alinéa 2 de l’article 475 du code pénal marocain qui disposait que « lorsqu’une mineure nubile ainsi enlevée ou détournée a épousé son ravisseur, celui-ci ne peut être poursuivi que sur la plainte des personnes ayant qualité pour demander l’annulation du mariage et ne peut être condamné qu’après que cette annulation du mariage a été prononcée ». En 2017, une jeune femme avait également été victime d’un viol collectif à Casablanca, en pleine journée, dans un autobus.
A retrouver sur ce viol dans un bus dans Terriennes
> Au Maroc, le viol d'une jeune femme dans un bus à l'aune de la place des femmes dans l’espace public
Après cinq ans de débats, le 14 février 2018, le parlement marocain votait une loi qui protégeait juridiquement les femmes victimes de violences « cette loi a été jugée très incomplète par les ONG féministes, il y a encore un cadre juridique qui ne protège pas les victimes » regrette la journaliste.
Stop women abuse
— vive la liberté (@samadi_loutfi) 27 août 2018
Say no to rape
Protect the minors.
https://t.co/rWV2dnNhbQ
Tandis qu'un texte "La fille aux tatouages : qui va sauver les femmes marocaines ?" qui s'achève par "Nous sommes tou-te-s Khadija", a été rédigé par l'écrivain/réalisateur Abdellah Taïa et signé par des personnalités de premier plan, telles le gynécologue-obstétricien (engagé pour l'IVG) Chafiq Chraïbi, l'écrivaine et représentante d'Emmanuel Macron pour la Francophonie Leïla Slimani, ou encore la sociologue des sexualités Sanaa El Aïji. "Avant qu’il ne soit trop tard, que faire pour résoudre le problème ? Comment aider pour de vrai Khadija, ses sœurs et aussi, il ne faut pas les oublier, ses frères ? Il est plus qu’urgent de sortir des déclarations politiques de circonstances. Sortir de ce vide terrifiant. Sortir de cette maladie collective qui se répand en nous et nous rend insensibles. Durs les uns avec les autres. Aveugles. Egoïstes. Extrêmement violents."
#Viol de la fille aux tatouages : qui va sauver les #femmes marocaines ? Par Abdellah Taia
— Sanaa El Aji (@SanaaElAji) 28 août 2018
Signataires : Noureddine Ayouch (publicitaire); Tahar Ben Jelloun... https://t.co/xfqxDzDZj9
Mais c'est un dessin qui a emballé les réseaux sociaux. « Quand j'ai lu son histoire, ça m'a vraiment choqué et profondément touché, car c'est une jeune marocaine de mon âge qui a subi une torture physique et émotionnelle. Je me demande encore comment elle a pu endurer toute cette souffrance », explique Nad-art à Terriennes.
Sur le dessin, elle a son doigt sur la bouche comme pour dire "silence", ce qui représente le silence de la société
Nad-art, artiste
Cette illustratrice casablancaise raconte encore comment elle a réalisé ce dessin repris depuis plus d'une semaine par la presse internationale et les réseaux sociaux :
« C'est le 24 août que j'ai décidé qu'il fallait que je fasse cette illustration car l'affaire de Khadija m'a vraiment énervée. Sur le dessin, elle a son doigt sur la bouche comme pour dire "silence", ce qui représente le silence de la société et le fait que personne n'en parle. Le signe "interdit" signifie qu'on veut tous mettre fin au viol, et le signe "S.O.S" est un appel au secours".
Le viol n’arrive pas qu’au femmes en minijupes ou entenuesprovocantes ,Khadija en est une preuve d’une petite fille innocente (voilée ) pudique qui se retrouve du jour au lendemain sali par des monstres.Est ce encore la faute de cette fille? #JusticePourKadija
— chay疯女 (@chay15663996) 27 août 2018