Back to top
Dans la rue ou sur les réseaux sociaux mexicains, ce sont les mêmes mots que l'on retrouve, des slogans déjà bien trop connus : #Justiciaparatodas (Justice pour toutes) et #Niunamenos (Pas une de plus).
A l'origine de cette nouvelle mobilisation, l'assassinat mi-février de Fatima, 7 ans. Son corps portait des stigmates de torture et se trouvait dans un sac. Il a été retrouvé dans la ville de Tlahuac, quatre jours après que la fillette a disparu. C'est l'analyse ADN qui a permis de l'identifier. On n'en sait pas plus sur les circonstances exactes de sa mort. Le bureau du procureur local a offert une récompense de deux millions de pesos (environ 100.000 euros) à ceux qui fourniraient des informations sur le ou les assassins. Les auteurs présumés ont depuis été arrêtés.
"Ils violent des femmes, ils protègent les monuments !", ont scandé les manifestantes qui demandent au gouvernement d'assumer sa responsabilité à l'égard de la sécurité des femmes. "Monsieur, madame, ne soyez pas indifférents, les femmes sont tuées en plein jour !" et "les féminicides sont des crimes d'État !", pouvait-on entendre peu avant la minute de silence qu'elles ont observé, le poing levé, à la mémoire de la fillette assassinée.
Le meurtre de cette fillette a d'autant plus choqué qu'il intervient quelques jours après un féminicide, lui aussi particulièrement brutal. Celui d'Ingrid Escamilla, 25 ans, assassinée par son partenaire au nord de Mexico. L'homme, identifié par les autorités comme Erick Francisco N., a poignardé la jeune femme, puis l'a dépecée et a arraché de son corps plusieurs organes qu'il a ensuite jetés dans les toilettes de l'appartement. Plusieurs quotidiens ont publié au cours du week-end des photos du corps mutilé de la jeune femme, fournies probablement par des fonctionnaires des services de sécurité ou de la justice. Cette exploitation sordide par une certaine presse n'a fait qu'ajouter à l'indignation générale. Certaines manifestantes s'en s'ont d'ailleurs pris directement aux médias en brulant des voitures devant les bureaux de ces journaux.
Au Mexique, les féministes font cramer des camions d'un journal qui a publié les photos d' Ingrid Escamilla, victime d'un féminicide.
— Women who do stuff (@womenwhodostuff) February 18, 2020
Elles exigent la démission du directeur de la Prensa ainsi que des mesures du gouvernement contre les féminicides. https://t.co/l9eSh06K5H
Sur les réseaux sociaux, les internautes expriment leur découragement face au crime et à la violence à l'égard des femmes. Mais aussi pour protester contre la diffusion de ces images, des internautes ont posté des photos d'Ingrid, "pour que l'on se souvienne d'elle, comme ça".
Au #Mexique, une dizaine de #feminicides sont recensés par jour . Le dernier en date, celui de la jeune #IngridEscamila a été particulièrement violent. Massacrée par son petit ami qui a ensuite avoué le crime. #stopfeminicides https://t.co/su58FGw9IK
— ISLEOFSKYE (@ISLEOFSKY4) February 16, 2020
"Je suis fatiguée d'avoir peur, de voir une femme marcher seule et de m'inquiéter pour elle et maintenant j'ai même peur pour mes filles", écrit une femme (@samybc) sur Twitter. "Le Mexique est un pays #féminicide. Nous, femmes, nous survivons entre haine, violence et impunité", lit-on sur le fil de @Niunamenos21.
#IngridEscamilla a été assassinée par son mari,elle avait 25 ans
— Ni Una Menos (@NiUnaMenos21) February 17, 2020
Il l'a poignardée,écorchée,jeté les restes dans la rue et les égoûts comme si elle était un déchet
Le #Mexique est 1 pays #féminicide. Ns,femmes,ns survivons entre haine,violence et impunitéhttps://t.co/oONhbOs7U6
Le Mexique a enregistré 1.006 victimes de féminicide en 2019, selon les chiffres officiels. Leur nombre pourrait être plus élevé car il existe des lacunes pour définir ce type de délit comme constituant un crime, selon les experts. Certains estiment qu'il serait trois fois plus important que les chiffres recensés par les autorités. Onze femmes sont assassinées chaque jour dans ce pays. Six Mexicaines sur dix de plus de 15 ans ont subi des agressions physiques ou sexuelles, 88 % d’entre elles ne sont pas allées dénoncer leur agresseur à la police.
Poussé la semaine dernière dans ses retranchements par une journaliste-militante Frida Guerrera, AMLO a soudainement dégainé un plan en dix points appelant à "respecter les femmes". Mais son contenu, publié peu après par le gouvernement, a été immédiatement villipendé et comparé à une liste de voeux pieux et inefficaces.
"Ce n'est pas ce que nous attendions", réagit Frida Guerrero, bien connue au Mexique pour la visibilité qu'elle a réussi à donner aux féminicides.
"Il n'y a eu aucune action concrète et ce que nous voulons, c'est voir des résultats au delà des belles paroles", estime Erika, 28 ans, qui milite dans une ONG .
Sous le feu des critiques, le président a remis à flot une vieille idée considérée comme nécessaire par les experts : la création de procureurs spécialisés pour les féminicides, en disant qu'il n'y était "pas opposé".
Visiblements émus par les derniers meurtres, les députés mexicains ont quant à eux approuvé cette semaine le principe d'une peine de 65 ans de prison, contre 60 aujourd'hui, pour les auteurs de féminicides. La mesure qui doit encore être approuvée par le Sénat.
Mais les spécialistes et les militants veulent aller plus loin. Pour Frida Guerrera, il y a un manque flagrant de connaissance sur le sexisme dans le système judiciaire. Salguero milite pour sa part pour davantage de ressources allouées aux organisations féminines et une meilleure politique de prévention des violences contre les femmes.
Au cours de ces derniers jours, une vidéo a été vue et partagée des dizaines de milliers de fois sur Twitter. L'une des premières à le faire est la militante et écrivaine féministe connue internationalement, l'Egyptienne Mona Eltahawy. On y voit et entend le cri de désespoir, d'une mère, la mère de la jeune Fatima.
“I have every right to burn and smash things. I’m not gonna ask for anyone’s permission...because before they murdered my daughter they murdered many other women and what were we all doing? Crying and sewing from the comfort of our homes. That’s over now.”pic.twitter.com/agcZYABpux
— Mona Eltahawy (@monaeltahawy) February 23, 2020