Justin Trudeau, féministe ? Certaines attendent les actes derrière les mots

Il le dit et le répète sur toutes les tribunes : il est féministe et il l’assume. Mais certaines voix se sont récemment élevées pour critiquer le manque d’actions concrètes de ce féminisme pourtant proclamé haut et fort.
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Trudeau féministe ? Une
Le Premier ministre Justin Trudeau en discussion le 26 avril 2017 avec des membres du Conseil pour s’assurer que le G7 Charlevoix (juin 2018) fera la promotion de l’égalitédessexes et de l’autonomisation des femmes.
Compte twitter du G7 Canada
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Dans une grande entrevue au quotidien Le Monde lors de son passage en France ou dans le dernier budget déposé par son gouvernement, le Premier ministre canadien assure que l’une de ses priorités est l’égalité entre les hommes et les femmes. 

Une vidéo de ONE, l’organisme de Bono

La première salve de critiques est venue de quelqu’un qui est pourtant un allié naturel de Justin Trudeau et un partisan de la première heure du fringuant Premier ministre, le chanteur de U2 Bono et son organisme ONE. Cette fois il l'interpelle sur twitter : "Cher @JustinTrudeau : Nous avons donc besoin d'un bon gros plan qui pourrait débloquer le potentiel de plus de 100 millions de femmes dans le monde entier. Vous en êtes ?

ONE a publié une vidéo d’un peu plus d’une minute dans laquelle on tient à préciser que l’on aime le style et l’image que véhicule Justin Trudeau et son discours féministe, « mais où est votre plan ? Vous allez manquer de temps, le sommet du G7, c’est  bientôt. Vous avez fait un thème de l’égalité entre les sexes et de l’autonomisation des femmes,  mais jusqu’à présent ce ne sont que des mots : où est votre plan pour aider les femmes de partout dans le monde à libérer leur potentiel ? »… Et de poursuivre « Les femmes ont besoin de plus que vos mots, elles ont besoin d’un plan. Vous dites « La pauvreté est sexiste », c’est maintenant qu’il faut agir. Donnez l’exemple aux leaders des pays du G7. Proposez une initiative audacieuse qui permette à des millions de femmes de devenir plus autonomes dès maintenant ! Faites-le pour les filles et les femmes du monde entier ».

Dear @JustinTrudeau: #PovertyIsSexist so we need a B I G plan that could unlock the potential of 100M+ women all over the world. Are you in? → https://t.co/X07lNVk9on #myG7 pic.twitter.com/3SrLtSbn0e

— ONE (@ONECampaign) 26 avril 2018

L’égalité des sexes, une des priorités discutées au G7 de juin

Le message est clair, l’organisme a clairement l’intention de mettre de la pression sur le premier ministre canadien pour qu’il propose au Sommet du G7 des mesures concrètes en faveur des femmes. La question de l’égalité des sexes sera l’une des cinq priorités de ce sommet qui va se tenir dans la région Charlevoix, au nord de Québec, les 8 et 9 juin 2018. Le Conseil consultatif sur l’égalité des sexes pour la présidence canadienne du G7 a justement tenu une réunion ce jeudi à Ottawa à laquelle l’ambassadrice canadienne en France, Isabelle Hudon, a participé car elle en est la co-présidente. Cette ancienne femme d’affaires devenue diplomate n’a pas pour autant abandonné la cause qui lui tient tant à cœur depuis des décennies : l’égalité entre les hommes et les femmes. Elle co-préside ce Conseil avec Melinda Gates, la philanthrope américaine bien connue et épouse de Bill Gates.

Parmi les mesures que l’organisme va présenter à Justin Trudeau dans la perspective de ce sommet du G7 est celle d’augmenter le nombre de femmes aux tables des négociations de paix. « On voit, avec données à l’appui, que quand des femmes sont à la table de négociation de traités de paix, ces traités-là ont beaucoup plus de chances de durer plus longtemps dans le temps » a précisé l’ambassadrice en entrevue au quotidien montréalais La Presse.

Isabelle Hudon et Melinda Gates ont rencontré Justin Trudeau, qui s’est engagé à ce que cette priorité de l’égalité entre les sexes qui sera discutée au G7 serve d’exemple pour les années à venir. On verra bien ce qui sera concrètement mis en place dans cette perspective.

Rapport critique de l’ONU

Mais les critiques sur le manque d’actions concrètes de Justin Trudeau en faveur des femmes ne sont pas venues que du seul organisme ONE. La rapporteuse spéciale sur la violence envers les femmes de l’ONU vient de passer une dizaine de jours au Canada et son rapport n’est pas tendre envers le gouvernement canadien.

Dubravka Šimonovic critique le manque de refuges pour les femmes et les enfants victimes de violence, elle s’inquiète de la traite des personnes, plus particulièrement chez les jeunes filles autochtones, elle dénonce la surpopulation dans les prisons pour femmes, le manque de programmes pour venir en aide aux migrantes et aux réfugiées victimes de violence. Mais elle souligne aussi que le Canada a récemment mis en place des initiatives qui « pourraient servir d’exemple » à d’autres pays.

La réplique du PM Trudeau

C’est exactement ce que réplique Justin Trudeau et son gouvernement à ce tir groupé de critiques : il met en avant les 86 millions de dollars consacrés à la lutte contre les violences sexistes et les 5,5 millions qui doivent servir à améliorer l’accès aux centres de prévention du harcèlement sexuel sur les campus universitaires.  Sans oublier les centaines de millions de dollars débloqués pour les programmes d’aide internationale destinés aux femmes dans le monde, des sommes importantes qui devraient permettre d’aider les femmes à avoir une meilleure santé et à défendre leurs droits, incluant leurs droits sexuels. Le tout est piloté par le ministère du Développement international et de la Francophonie et sa titulaire, Marie-Claude Bibeau.

« On comprend qu’il y a encore beaucoup à faire, mais nous sommes là pour lutter pour l’égalité des genres et défendre tout le monde contre la violence » a pris soin de préciser le Premier ministre canadien.

Il reste que le sommet du G7 sera une étape importante pour le féminisme de Justin Trudeau : plusieurs vont l’attendre au tournant et ils ne le rateront pas si les belles paroles ne se concrétisent pas dans des gestes concrets.

En particulier les féministes "laïques" ou plus interventionnistes qui reprochent au Premier ministre son trop grand libéralisme en matière de signes religieux, de recours aux mères porteuses, ou de politique vis-à-vis de la prostitution.
A suivre...