Née de parents français, Kalki Koechlin, 35 ans, a passé toute sa vie en Inde. Avec une vingtaine de films à son actif, elle est l’actrice française la plus connue du pays. Très engagée, la lutte contre le sexisme dans le cinéma et la société indienne fait partie de son combat au quotidien. Rencontre.
C’est dans le cadre du
Festival du Film d’Asie du Sud (FFAST) qui se tient à Paris jusqu’au 17 février que Kalki Koechlin est en visite à Paris. Elle vient présenter le documentaire Azmaish : a journey through the Subcontinent réalisé par Sabiha Sumar. Dans celui-ci, l’actrice traverse l’Inde et le Pakistan accompagnée de la réalisatrice pour explorer les relations entre les deux pays au niveau politique et socioculturel.
En 2009, Kalki Koechlin se fait connaître dans le film Dev.D du réalisateur Anurag Kashyap, une version contemporaine du roman bengali, Devdas. Elle reçoit un Filmfare Award, l’équivalent d’un Oscar, pour son rôle, en 2010.
Les années suivantes, elle joue au théâtre et multiplie les apparitions dans des films d’auteurs aussi bien que dans des films commerciaux comme Yeh Jawaani hai Deewano en 2013 qui réalise plus de 18 millions d’entrées.
En 2019, Kalki Koechlin jouera dans deux web séries. “Secret Game” saison 2 sur Netflix et “Made in Heaven” pour Amazon prime. Elle fait également son premier film tamoul sans dialogue, cette année.
Bande-annonce du documentaire Azmaish: A Journey Through the Subcontinent
TV5MONDE : Qu’est ce qui vous a poussé à faire du cinéma ?Kalki Koechlin : J’adorais ça. Quand j’étais à l’école, on avait un festival de théâtre tous les ans et je participais toujours. A l’école, une professeure m’avait dit qu’on pouvait faire des études de théâtre, que ça existait et qu’on pouvait avoir une carrière dans ce domaine. Avant ça, je ne pensais pas que c’était possible. Je voyais ça comme un loisir. C’est vraiment elle que je dois remercier. Par la suite, je suis allée faire des études de théâtre à Londres à l’université Goldsmiths et ça a commencé comme ça.
TV5MONDE : Vous sentez vous indienne plus que française ?KK : Je me sens plus indienne que française. Quand je suis en Inde généralement les gens me regardent plus en tant que française parce que j’ai la peau blanche. Un peu moins maintenant que je suis connue parce que les gens savent d’où je viens, ils m'acceptent en tant qu’Indienne. Finalement, j’ai les deux cultures. Mes parents m’ont éduquée avec la culture française mais mes racines sont en Inde.
TV5MONDE : Est-ce difficile de réussir dans le cinéma indien en tant que Française ?KK : Ça marche dans les deux sens. En Inde, il y a une fascination pour les étrangers et étrangères. On voit souvent des étrangères qui viennent faire un ou deux films à Bollywood. C’est plutôt superficiel car c’est à cause de la peau blanche, c’est une forme d’exotisme de la femme étrangère. En même temps, c’est très difficile d’être acceptée comme Indienne. Au début, tous les journalistes me demandaient “Est-ce que vous aimez l’Inde ? Est-ce que vous aimez la nourriture épicée ?” comme si je n’avais pas passé toute mon enfance et tout mon temps en Inde. Il a fallu du temps pour que les gens comprennent que je venais du même pays. C’était un peu frustrant au début mais maintenant ça va.
TV5MONDE : Avez-vous été enfermée dans des rôles de femmes blanches européennes ?KK : Au début c’est vrai, il y avait toujours une bonne raison de préciser d’où je venais. On disait que j’étais moitié Française et moitié Indienne pour justifier mon physique. C’est de moins en moins le cas maintenant. J’ai aussi consciemment essayé de me sortir de cette image de femme blanche. Je n’ai pas accepté tous les rôles. J’ai pris mon temps pour trouver des personnages plus intéressants, qui faisaient plus partie de l’histoire et pas seulement pour l’exotisme.
TV5MONDE : Dans le cinéma indien, la femme est-elle toujours représentée de manière stéréotypée ?KK : Je crois que ça change beaucoup, depuis plusieurs dizaines d’années. Il y a beaucoup plus de femmes qui travaillent dans le cinéma en tant que metteures en scène et écrivaines et cela fait évoluer les histoires que l'on voit. Le film Queen (2014), avec Kangana Ranaut - un film très commercial qui a fait beaucoup d’argent - a beaucoup changé Bollywood. C’était l’histoire d’une femme, assez féministe pour l’Inde, qui faisait ses propres choix et qui a fini par trouver son propre chemin. Depuis, on voit de plus en plus de grandes héroïnes comme Deepika Padukone et Kangana Ranaut qui choisissent des films où elles sont le personnage principal.
TV5MONDE : A Bollywood, le mouvement #metoo a-t-il eu la même résonance ?KK : Oui, le mouvement a eu pas mal de résonance. Il a entraîné des changements pas seulement à Bollywood, dans le journalisme aussi. Ils ont dû suspendre des gens qui travaillaient. Pour ma part, j’ai joué dans une pièce de théâtre et avant de commencer, ils m’ont donné un contrat qui expliquait le code de conduite à avoir entre nous, à qui on pouvait s’adresser si on avait un problème. Une conscience s’installe dans la façon dont on dirige le travail. Lorsque l’on fait des scènes plus intimes, des ateliers sont organisés pour essayer d’être plus à l’aise avec nous-mêmes et les autres. C’est un bon moment pour être dans le cinéma indien
TV5MONDE : Vous considérez-vous comme une féministe ? KK : Oui je suis féministe. Si on regarde ce que signifie le mot féministe dans le dictionnaire, c’est l’égalité. Je crois en l’égalité de l’être humain.