Kosovo : Vjosa Osmani, une présidente qui se veut inspirante pour les femmes

A 39 ans, Vjosa Osmani est la première femme présidente de l'histoire du Kosovo. Cette juriste anti-corruption est particulièrement populaire chez les jeunes et les femmes qui voient en elle une source d'inspiration contre le patriarcat. Son élection confirme la montée en puissance des femmes sur la scène politique de ce petit pays des Balkans, où six ministres sur quinze sont des femmes. 
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vjosa Osmani
Présidente par interim depuis novembre 2020, Vjosa Osmani devient officiellement la présidente du Kosovo, après avoir prêté serment le 4 avril 2021, à l'issue du vote du Parlement, à Pristina. 
©AP Photo / Visar Kryeziu
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"Les femmes ont le droit d'être là où elles le veulent", lance Vjosa Osmani après sa victoire, peinant à retenir ses larmes, "N'arrêtez pas, n'arrêtez pas d'aller de l'avant. Tous vos rêves peuvent devenir réalité".

Professeure de droit polyglotte de 38 ans, Vjosa Osmani incarne, avec son allié le nouveau Premier ministre réformiste de gauche Albin Kurt, une classe politique d'une nouvelle génération après des années de règne des anciens commandants rebelles de la guerre d'indépendance contre les forces serbes (1998-99). Si tous deux ont bénéficié d'un raz-de-marée électoral aux législatives de février dernier, c'est surtout Vjosa Osmani qui a rassemblé sur son nom plus de 300 000 voix, un score qui frôle celui obtenu jadis par l'ancien président Ibrahim Rugova, considéré comme le père de la nation kosovare.

Les femmes ont le droit d'être là où elles veulent. (...) Tous vos rêves peuvent devenir réalité.
Vjosa Osmani, présidente du Kosovo

Avec 71 votes de députés sur 120, elle transforme l'essai au poste de présidente, qu'elle occupait par intérim depuis quelques mois en remplacement de Hashim Thaçi, inculpé pour crimes de guerre en novembre par la justice internationale.
 

[Aujourd'hui, la République du Kosovo a constitué son nouveau Parlement, marquant non seulement la forte volonté du peuple du Kosovo, mais aussi le plus grand nombre de femmes parlementaires de notre histoire. Souhaitant le meilleur à tous nos collègues, c’est un privilège de représenter le pays que nous aimons tous.]

Un courage charismatique face à la corruption

Ce choix confirme la montée en puissance des femmes sur la scène politique de l'ancienne province de Belgrade qui a déclaré son indépendance en 2008. Le gouvernement compte six femmes ministres sur 15, soit un niveau jamais atteint dans un territoire où les idées patriarcales restent pourtant profondément enracinées. Sur 120 députés, un tiers sont des femmes.

Continuez à croire, continuez à vous battre, continuez à lutter pour le changement et l'égalité. Ensemble, nous bâtirons un avenir meilleur.
Vjosa Osmani, sur Twitter
Les médias kosovars saluent en cette juriste à la chevelure brune et bouclée une personnalité "qui n'a peur de rien". Elle est l'une des premières à avoir parlé de la corruption d'élites qui semblaient toutes-puissantes sur ce territoire pauvre d'1,8 million d'habitants, dont les maux économiques ont été aggravés par la pandémie. "Osmani a conquis le coeur de nombreux citoyens kosovars, car elle est charismatique, a confiance en elle et est un modèle pour les femmes du XXIè siècle", résume une revue juridique.

[Je souhaite également dédier ce tweet aux femmes qui ont rendu possible le changement au Kosovo lors de nos récentes élections. Continuez à croire, continuez à vous battre, continuez à lutter pour le changement et l'égalité. Ensemble, nous bâtirons un avenir meilleur].

Maman, polyglotte et "peur de rien"

Professeure à l'université de Pristina, cette mère de deux jumelles née dans la ville divisée de Mitrovica (nord) a effectué son doctorat aux Etats-Unis et parle cinq langues : l'albanais, le serbe, l'anglais, le turc et l'espagnol.

[Mes filles sont ma motivation quotidienne et me font croire qu'une maman de jumeaux peut tout faire. À travers la voix de #MiriamCani & #AlbanSkenderaj, nous avons chanté #TiJeDhurata pour tous les enfants, qui inspirent à leurs parents le courage de ne jamais abandonner.]

C'est en 2011 qu'elle fait son entrée au Parlement sous l'étiquette de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK, centre-droit), le parti d'Ibrahim Rugova. Mais elle claque la porte lorsque la LDK provoque, en 2020, la chute du précédent gouvernement d'Albin Kurti au début de la crise du coronavirus qui menaçait de submerger les services de santé. Elle créé alors sa propre formation, Guxo (Osez) avant de s'allier au mouvement Vetevendosje (VV, autodétermination) du Premier ministre.

Nous ne sommes pas nombreux, alors ne nous divisons pas. Ma porte sera ouverte à tous.
Vjosa Osmani, présidente du Kosovo

"Ceux qui ont fait allégeance à VV n'ont rien d'autre à offrir que des critiques" et souffrent "d'un manque élémentaire de connaissances nécessaires pour gouverner", assène l'un de ses principaux opposants, Isa Mustafa, ex-chef de la LDK contraint à la démission suite aux mauvais résultats électoraux de son parti. En attendant, ses admirateurs comptent sur le changement. "Sans aucun doute, elle saura et osera lutter contre tous les criminels, tous les phénomènes illégaux qui menacent de prendre en otage notre avenir, nos enfants, notre nouvel Etat", déclare Ilir Ferati, l'un de ses anciens étudiants.

Sur la scène internationale se présente un premier défi pour la nouvelle présidente : celui de relancer le dialogue avec la Serbie, sous la pression de l’Union européenne et des Etats-Unis, le plus grand allié du Kosovo. Les pourparlers patinent alors que Belgrade n’a toujours pas reconnu son ancienne province, ce qui est une source majeure de tensions dans les Balkans. "La paix ne sera possible qu'après des excuses de la Serbie", assène Vjosa Osmani. 

Sur le plan intérieur, la nouvelle présidente et son équipe auront fort à faire dans un Kosovo miné par les maux économiques et sociaux. Le salaire moyen est de 500 euros. Les jeunes, confrontés à un taux de chômage de 50%, cherchent massivement leur salut dans l’émigration en Suisse ou en Allemagne. Vjosa Osmani et son Premier ministre ont promis la "justice et des emplois", mais aussi d’intensifier les efforts pour obtenir des vaccins contre la pandémie du coronavirus qui a fait plus de 1900 morts et submerge des services de santé fragiles.

"Je promets de renforcer l’Etat, l’Etat de droit", a-t-elle dit en prêtant serment, s’engageant à être la "présidente de tous". "Nous ne sommes pas nombreux, alors ne nous divisons pas. Ma porte sera ouverte à tous".
 
> Ici l'entretien de Vjosa Osmani (en anglais) chez nos partenaires de la RTS :