Krystel Nyangoh-Timoh, chirurgienne à la pointe de la recherche sur l’endométriose

Spécialiste de l’endométriose complexe, Krystel Nyangoh-Timoh soigne les femmes qui souffrent de cette pathologie encore mal connue dans son bloc opératoire du CHU de Rennes. Passionnée par son métier et par la recherche médicale, elle a vu son travail déjà plusieurs fois distingué.

 

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Krystel Nyangoh-Timoh

Krystel Nyangoh-Timoh

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À 7 ans, Krystel Nyangoh-Timoh vit à Bagnolet, en banlieue parisienne. Elle regarde souvent le dessin animé Il était une fois... La Vie. Ses épisodes préférés sont ceux qui abordent le corps humain et la science. Peu à peu se forge la vocation de la petite fille : elle veut devenir chirurgienne. 

Le parent pauvre de la chirurgie

Une vingtaine d’années plus tard, elle décroche un double doctorat en anatomie et chirurgie gynécologique-obstétrique. Elle se spécialise dans une pathologie alors encore peu connue : l’endométriose pelvienne profonde. Au cours de ses stages, lors de son cursus de médecine à Paris, la docteure rencontre pour la première fois des patientes atteintes d’endométriose. "Je m’y suis intéressée car on ne connaissait presque rien sur l’endométriose ; on la traitait comme une pathologie cancéreuse. C’était vraiment le parent pauvre de la chirurgie alors que c’est une pathologie très fréquente", retrace la chirurgienne, de sa voix douce et calme.

Chirurgie, IA et robotique

Après quelques années passées à exercer à Paris, Krystel Nyangoh-Timoh s’installe en Bretagne et rejoint le CHU de Rennes. Elle qui a, au cours de ses études, développé une passion pour l’anatomie, se lance dans des recherches poussées sur l’innervation pelvienne féminine, encore très peu explorée par la médecine, notamment via la microanatomie. 

Le sens de mon métier, c’est de permettre l’épanouissement des femmes, qu’elles désirent un enfant ou non. Krystel Nyangoh-Timoh 

En 2021, Krystel Nyangoh-Timoh part un an à Washington. Elle y consolide ses connaissances sur l’endométriose et s’y forme à la chirurgie robotique, qu’elle utilise aujourd’hui pour soigner ses patientes. "Nous ne sommes pas beaucoup à opérer avec ce système qui permet une chirurgie plus précise et moins traumatique", note Krystel, qui s’intéresse aussi à l’intelligence artificielle. La chirurgienne de 38 ans définit son travail en deux mots : "prendre soin". "Pour moi, le sens de mon métier, c’est de permettre l’épanouissement des femmes, qu’elles désirent un enfant ou non. J’essaie de participer à leur bien-être, quel qu’il soit. La prise en charge de leur douleur me tient particulièrement à cœur."

Médecin, enseignante, chercheuse

Les semaines sont bien remplies. Quand elle ne consulte ni n’opère pas à l’hôpital, elle est maîtresse de conférence à l’université de médecine de Rennes. "Tout est lié : transmettre les connaissances, c’est aussi important qu’améliorer la qualité des soins par la recherche." 

On manque d’études qui permettraient de proposer des thérapies adaptées, autres que des traitements hormonaux, à toutes les douleurs qui altèrent la vie des femmes. Krystel Nyangoh-Timoh

Et justement, la recherche autour de l’endométriose,  Krystel Nyangoh-Timoh la fait aussi avancer : déjà autrice ou co-autrice de plus d’une dizaine de publications scientifiques sur le sujet, elle a de nombreux projets en cours et à venir pour améliorer la compréhension et la prise en charge de l’endométriose. "J’adore la recherche, confie la médecin avec enthousiasme. Et j’ai la chance de travailler pour l’Inserm avec une équipe extraordinaire sur des gros projets. Il y a encore beaucoup de travail à faire car on manque d’études sur les causes de cette pathologie qui permettraient de proposer des thérapies adaptées, autres que des traitements hormonaux, à toutes les douleurs qui altèrent la vie des femmes."

Bretons contre l'endométriose

Et pour aider aussi dès à présent les femmes qui souffrent de cette pathologie, l’infatigable chirurgienne a aussi participé à la création, en 2021, d’Endobreizh, une filière de soins qui regroupe des professionnels de santé bretons, formés à la prise en charge de l’endométriose. Krystel Nyangoh-Timoh en est la directrice de recherche. Un annuaire en ligne, regroupant des médecins, des kinés, des sages-femmes, des diététiciennes ou des infirmières entre autres, dans toute la région, permet à celles qui en ont besoin d’obtenir un rendez-vous rapidement. La filière propose aussi aux soignants qui le souhaitent des formations sur la pathologie.

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Un travail remarquable et remarqué

Le travail de la docteure Nyangoh-Timoh a vite été remarqué : la chirurgienne a déjà été distinguée plusieurs fois. Elle est récemment devenue membre associée de l’Académie nationale de chirurgie, une belle reconnaissance pour elle. "Ça me montre que mon travail et les valeurs que je prône sont reconnus par mes pairs. J’ai souvent entendu que pour réussir dans ce métier, il fallait être un requin. Je ne suis pas du tout comme ça ! Je suis très gentille et je ne veux pas changer. Rester droite et à l’écoute des gens, c’est plus important pour moi que d’arriver très haut", relativise Krystel Nyangoh-Timoh. 

En 2023, elle a aussi fait partie du palmarès des 40 Femmes Forbes, qui met en avant les femmes qui "représentent l’excellence et encouragent chaque jour les femmes à briser le plafond de verre, avec la manière" et a été désignée Rennaise de l’année par les lecteurs du quotidien régional Ouest-France. Des reconnaissances qui ont beaucoup touché la jeune femme. "Je suis quelqu’un de très positif, recevoir une distinction me fait toujours plaisir."

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Transmettre et accompagner 

Ce dont la chercheuse est la plus fière reste l’obtention de son diplôme d’habilitation à diriger des recherches, qui lui permet d’enseigner ses spécialités, qu’elle a choisi de dédier à sa famille. "Je viens d’une famille modeste, immigrée. Pour eux et moi, ce diplôme était très marquant. Ma mère est infirmière. Petite, je l’ai vu s’épanouir dans son métier, je crois que ça m’a motivée. De son côté, elle a tout fait pour que moi et mon frère et ma sœur puissions avoir le meilleur enseignement possible. Elle nous a inscrit dans des collèges et lycées parisiens car elle voulait qu’on réussisse, se souvient Krystel. Ma mère m’a toujours encouragée à devenir chirurgienne mais quand je lui ai dit que j’allais passer le diplôme d’habilitation à diriger des recherches, elle m’a dit que je n’étais pas obligée d’aller jusque-là. C’est là que je me suis rendue compte que c’était pour moi que je le faisais. J’avais envie d’aider les jeunes médecins à monter, les accompagner." 

Sa maman a de quoi être fière : sa fille s’apprête aujourd’hui à passer le concours pour devenir professeure d’anatomie et de chirurgie gynécologique-obstétrique, une nouvelle étape dans sa carrière déjà brillante.

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