Fil d'Ariane
Au départ, Kutoo est un jeu de mots. Alliant kutsu (chaussure) et kutsuu (douleur), il fait écho au mot-dièse #MeToo qui avait provoqué un véritable tsunami sur les réseaux sociaux, mais n'avait trouvé qu'un écho modéré au Japon. Le mouvement #Kutoo est né du ras-le-bol des Japonaises soumises à ce diktat implicite de féminité qui consiste à toujours porter des talons hauts au travail - un style de chaussure qui peut être extrêmement pénible et douloureux à supporter, sans compter le mal de dos qu'il peut provoquer à la longue.
Pourtant, dans beaucoup d'entreprises nippones, sans talons aiguilles, point de salut. Car si les règlements internes des entreprises et administrations ne forcent pas explicitement les femmes à porter des escarpins, la pression des responsables hiérarchiques est omniprésente. "De nombreuses femmes m'ont dit qu'elles voulaient travailler dans des secteurs où porter des talons est obligatoire, mais qu'elles avaient dû y renoncer parce que leurs pieds ne supporteraient pas la douleur", explique la jeune actrice Yumi Ishikawa. A l'origine de cette initiative, elle aussi a subi l'obligation de porter des talons hauts lorsqu'elle travaillait dans une entreprise de pompes funèbres.
#Japon Rencontre avec @ishikawa_yumi , la femme derrière #KuToo le mouvement qui a poussé des milliers de femmes à dire non aux talons hauts obligatoires au travail #KuToo運動
— AsieNews (@AsiaNews_FR) June 7, 2019
pic.twitter.com/GtwVz9196D
Au Japon, le mouvement #KuToo créé par Yumi Ishikawa dénonce la tradition qui veut qu’au travail les femmes portent des talons hauts. Dessinatrice Rika Asakawa pic.twitter.com/4aileiESXk
— Marie-Noëlle Lanuit (@mnlanuit) 25 mars 2019
Ce genre de pratique "ne doit pas être imposée à toutes les femmes, mais le fruit d’un choix individuel”, explique l’initiatrice du mouvement aux médias. Le mot-dièse #Kutoo fait mouche au Japon, retweeté plus de 30 000 fois. Plusieurs femmes ont même posé sur les réseaux des photos de leurs pieds traumatisés et blessés après une journée de travail dans ces chaussures inconfortables.
L'actrice française Romane Bohringer, elle, l'a fait pendant le festival du cinéma à Cannes :
Voir cette publication sur InstagramLe problème à Cannes,c’est les talons. @festivaldecannes @loeildor_cannes
Une publication partagée par RomaneBohringerOfficiel (@romanebohringerofficiel) le 16 Mai 2019 à 2 :33 PDT
La campagne lancée sur les réseaux sociaux en février 2019 a débouché sur une pétition qui a recueilli près de 30 000 signatures, et vient d'être remise au ministère de la Santé et du Travail. "Il est très important pour nous de prendre conscience que nous sommes traitées de façon injuste. Et nous devons être en colère pour cette raison, s'insurge Yumi Ishikawa. Aujourd'hui, nous avons déposé une pétition pour demander une loi interdisant aux employeurs de forcer les femmes à porter des talons, ce qui est de la discrimination sexuelle et constitue un harcèlement", explique-t-elle.
Avec #KuToo, les Japonaises protestent contre l’obligation de porter des chaussures à talons au travail. Elles ont présenté une pétition au gouvernement lundi pour dénoncer ce fait imposé à la gent féminine notamment en entretien et dans un bureau. pic.twitter.com/4fhJeYYeNL
— AJ+ français (@ajplusfrancais) June 3, 2019
Très remontés contre les commentaires du ministre, des internautes appellent, ce jeudi, Takumi Nemoto à relever le défi de porter une journée entière des escarpins à talons pour mieux appréhender le sujet. Le ministère n'a pas donné suite.
#Kutoo : les Japonaises voudraient qu'on arrête de leur imposer des talons hauts
— Ophélie Latil (@ophelielatil) June 7, 2019
Le Ministre du Travail, lui, dit que c'est "professionnellement nécessaire et approprié"
On lui envoie une paire à sa taille ? https://t.co/KNNc3hW3rz
Les japonaises espèrent que leur démarche connaîtra le même succès qu'en Ontario et en Colombie-Britannique. En 2017, ces provinces du Canada ont interdit aux entreprises de forcer leurs employées à porter des talons hauts, qualifiant cette pratique de dangereuse et discriminatoire.