Fil d'Ariane
Anna Campbell était idéaliste et volontaire. Elle avait 27 ans et était plombière à Lewes, dans le Sussex. En mai 2017, elle avait rejoint les brigades féminines kurdes en Syrie. Elle été tuée le 15 mars 2018 dans un bombardement turc, près d'Afrine. Elle est la première femme britannique à tomber sur ce front.
Dans une dernière vidéo, filmée avant son départ pour Afrine et postée sur Twitter quelques jours après sa mort, Anna Campbell déclarait vouloir prendre part à la révolution, lutter contre "les forces fascistes" et participer à la "révolution des femmes". Elle se disait choquée par les attaques de l'Etat turc contre la révolution et le peuple kurde. Le regard clair et le visage lumineux, elle affirmait aussi sa joie et sa fierté de rejoindre prochainement Afrine à l'issue de son entraînement armé.
Video: The Last message from #British #AnnaCampbell before she was killed by #Turkish airstrikes, also 800 #US backed #Kurdish fighters killed by Turkish jets , Why is Trump silent about this huge #Erdogan's crime in #Afrin region North Syria? #ypj #ypg #SDF #QSD #EFRINE #EFRIN pic.twitter.com/zXgNRusSk7
— Botin Kurdistani (@kurdistannews24) 20 mars 2018
Nisrine Abdallah, porte-parole des Unités de protection de la femme (YPJ), l'annonçait ce lundi 19 mars : "Anna Campbell a été tuée la semaine dernière dans l'enclave d'Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie, cible d'une offensive d'Ankara et de supplétifs syriens depuis deux mois. Nous avons appris sa mort hier et nous avons contacté ses parents."
Les YPJ, alias Unités de protection de la femme ou Unités de défense de la femme, est une milice kurde proche du PKK composée exclusivement de femmes. Même si ce n'est pas sa raison d'être, c'est un mouvement féministes qui redéfinit le rôle des femmes dans la région. Elle veulent - et pratiquent - l'égalité entre les femmes et les hommes ; l'une des raisons justifiant leur engagement est de faire évoluer les perceptions à l'égard des femmes dans leur culture.
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Interrogé par la chaîne SkyNews, le père d'Anna, Dirk Campbell, se dit dévasté par la perte de sa fille, "mais ce qu'elle défendait me semble suffisamment important pour que je sois là aujourd'hui pour en parler". En Grande-Bretagne, sa fille militait depuis longtemps pour les droits humains. C'est l'idéal kurde d'une société démocratique qui émergerait de la défaite du groupe Etat islamique qui l'avait décidée à partir : "Quand elle a entendu parler du projet politique au Rojava, elle s'est dit que c'était un modèle pour le monde entier... L'organisation sociale à tous les niveaux, l'égalité, c'est tout cela qu'elle voulait soutenir."
Ses soeurs d'armes, continue son père d'Anna, avaient tenté de la dissuader d'aller au front, mais Anna n'avait rien voulu savoir. "Elle insistait pour partir à Afrine, explique Nesrine Abdullah. "Pourtant, nous avons tout fait pour la tenir à l'écart du front, où nous savions que les bombardements turcs étaient très violents... Nous avons beaucoup discuté avec elle, mais elle nous a mis devant un ultimatum : 'Soit j'abandonne la révolution, soit je vais à Afrine'."
La Turquie a lancé le 20 janvier une offensive dans l'enclave kurde d'Afrine pour chasser de sa frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG/YPJ), considérée comme le fer de lance de la lutte contre les jihadistes.
Depuis le 18 mars, les forces turques et leurs supplétifs syriens contrôlent désormais toute l'enclave après la capture de son chef-lieu. Ils ont rapidement progressé dans la ville après le retrait des combattants kurdes.
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Avant son départ pour Afrine, ses compagnes l'avaient teinte en brune pour éviter qu'avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, elle se fasse remarquer et devienne une cible de choix pour les islamistes.
Anna Campbell avait rejoint les YPJ en mai 2017 et n'a été mobilisée sur le front que ce mois-ci. Environ 200 combattants étrangers, dont une poignée de Français, ont rejoint les rangs des YPJ et des YPG en Syrie, notamment lors des combats contre le groupe jihadiste Etat islamique. Au moins deux ont été tués le mois dernier dans l'offensive contre Afrine. Anna Campbell est la huitième citoyenne britannique venue soutenir les YPJ ou YPG à être tuée.
Son père appelle le gouvernement britannique à négocier un cessez-le-feu. Car alors seulement, sa famille pourra faire rapatrier le corps de sa fille :
.@DNSARichard @BorisJohnson @theresa_may @AlistairBurtUK Calling on the UK government to negotiate a ceasefire so that my daughter's body can be retrieved along with the bodies of all who have been killed in Afrin since the Turkish offensive began #ceasefire4afrin
— Dirk Campbell (@dirkmcampbell) 21 mars 2018
En attentant, en Grande-Bretagne, sa ville de Lewes, dans le sud du pays, lui rend un dernier hommage.