La sexualité tabou L’auditoire de ces conférences publiques est essentiellement féminine, composée de mères et d’adolescentes, venues pour comprendre ou contester.
"On a un vrai rôle d’éducation sexuelle. Il faut faire comprendre aux mères que ce repassage des poitrines ne règle absolument pas le problème de la grossesse précoce. Pour illustrer ce problème, on fait témoigner des membres de notre réseau, issues de la région où a lieu l’intervention. Des témoignages ont un vrai impact."
Car si les mères essayent de modifier le corps de leurs filles, c’est généralement parce qu’elles ont été elles-mêmes victimes de ce traitement plus jeunes. Elles reproduisent un modèle qu’elles ont subi, pensant bien faire.
"Les mères ne parlent pas de sexualité avec leurs filles. On répond à beaucoup de questions. On aide les familles à comprendre ce qui cause les grossesses précoces."
Le travail du Renata se fait en partenariat avec des structures locales, associations, les médias, les groupes religieux (encore très influents au Cameroun), les écoles. Afin de sensibiliser les camerounais de la génération future, la structure intervient aussi dans les écoles. Là, les enfants peuvent témoigner de ce qu’ils ont pu voir ou subir, et comprendre en quoi ce repassage des poitrines n’est pas une bonne chose. Cependant, depuis 2009, lors du remaniement du gouvernement et le départ de Suzanne Bomback du ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, le rythme des interventions et des opérations de sensibilisation a ralenti. Mme Bomback s’était intéressée au dossier du repassage des seins, et avait fait en sorte que des missions d’information soient mises en place. Lors de son départ, sa successeure Marie-Thérèse Obama n’a pas souhaité reprendre le dossier, se focalisant sur des thématiques plus traditionnelles. Depuis, le pouvoir politique s’est assez peu inquiété de la question de ces mutilations. Mais les efforts se poursuivent. Car, comme Mme Memong Meno le dit:
"Le recul de cette pratique est une bonne chose. Mais il faut qu’elle cesse définitivement. Il y a des progrès, c’est sûr, mais la diminution des filles victimes du repassage des seins n’est pas que le fait de la sensibilisation. La modernité, l’éducation, la communication parent/enfant, tous ces facteurs ont joué en faveur d’une baisse de la pratique. La scolarisation des filles a un rôle très important dans la levée de ce tabou. Par exemple, on commence à parler de sexualité et d’éducation sexuelle en famille. Par ailleurs, les filles sont plus promptes à dire « non »."
La lutte contre le repassage des seins au Cameroun se jouera donc sur deux fronts : les programmes indépendants de sensibilisation, et la scolarisation des filles. Peu à peu, les tabous se lèvent, et les mentalités évoluent. 1 -
Tantines est le surnom donné aux intervenantes lors des rencontres du Renata. Ce sont des jeunes femmes qui ont subies des grossesses précoces, et qui font depuis de la prévention pour le réseau.