La Carmen libre, sensuelle et passionnée de Dada Masilo
La chorégraphe sud-africaine Dada Masilo, revisite l’œuvre Carmen dans son nouveau spectacle. En scène au théâtre du Rond-Point à Paris, on y retrouve une héroïne plus que jamais rebelle et manipulatrice. L’auteure, qui mêle flamenco et danse contemporaine, s’empare aussi du thème de la violence faite aux femmes.
Après avoir repris Le Lac des Cygnes et Roméo et Juliette, la chorégraphe Dada Masilo, revisite cette fois-ci dans son spectacle de danse Carmen, l’un des opéras les plus joués au monde depuis sa création par Georges Bizet en 1875.
Une Carmen d’Afrique du Sud, que la jeune danseuse parmi les plus célèbres de son pays, décrit comme « libre, violente, sexuelle, cruelle ». Une image de l’héroïne du roman de Prosper Mérimée, que Dada Masilo a voulu souligner dans son spectacle.
« Quand j’ai vu le Carmen du chorégraphe suédois Mats Ek à l’âge de 16 ans, j’ai été époustouflée. Je savais que je voulais danser ce rôle. Carmen est tellement méchante. Elle est tout ce que maman vous dit de ne pas être. Donc c’est génial d’être vilaine et de s’amuser avec ce personnage, mais tout en sachant que ce n’est pas moi – que je raconte une histoire », écrit la chorégraphe.
Carmen : femme fatale, mais aussi victime de la violence des hommes
Une femme qui ne se laisse pas faire, puissante, et qui n’obéit à personne, Carmen serait selon Dada Masilo, le reflet de notre siècle. « En tant que jeune femme vivant dans ce monde en 2014, je peux vraiment m’identifier à sa passion. Elle est aussi manipulatrice, elle séduit les hommes et joue avec eux. Ca ce n’est pas son meilleur côté. Mais je pense que c’est l’une des parties les plus fortes parce que nous vivons dans un monde comme ca. »
Un monde également violent, qui apparaît à travers les danses de son spectacle. Alors que dans l’histoire, Carmen doit être tuée par son amant Don José, la chorégraphe a osé mettre en scène le viol de l’héroïne.
"Je veux absolument que ma version de Carmen soit vraie. Je ne veux pas d’une version superficielle. Carmen parle de sexe, de manipulation, de douleur, d’ambition et de mort. Je ne veux pas être polie ou timide à propos de quoi que ce soit."
Johannesburg, une capitale "très nerveuse" pour les femmes
L’auteure dit également s’être inspirée de Johannesburg, la capitale de son pays, ville "très nerveuse" où la violence et les crimes font partis du quotidien. Dans ses danses, elle traite aussi des sévices infligés aux femmes un "problème universel et atemporel". "La violence domestique, j'en ai souvent été témoin en grandissant. C'est quelque chose qui m'est resté, me touche beaucoup et contre lequel on ne fait pas assez", témoigne Dada Masilo.
Déjà dans le Lac des Cygnes, qui mêlait danse africaine et ballet classique, la chorégraphe avait osé aborder le thème de l'homophobie et du mariage forcé.
La chorégraphe, issue de la Dance Factory de Johannesburg, a séjourné deux ans (2005-2006) à Bruxelles à l'école PARTS fondée par Anne Teresa de Keersmaeker, grande chorégraphe flamande de danse contemporaine. Depuis ses spectacles sont passés par la Tanzanie, le Mexique, le Mali... Elle fait sa première apparition en France au festival Anticodes de Brest en mars 2011. Présenté en avant-première européenne à la Biennale de Danse de Lyon en septembre 2014, le spectacle Carmen de Dada Masilo est aussi passé par Bordeaux, Luxembourg et Rome, avant Paris.
Entretien avec la chorégraphe Dada Masilo
29.12.2014Sujet TV5 MONDE
"Il y a beaucoup de violences contre les femmes, j'essaie d'en rendre compte du point de vue de la société sud-africaine"