Celle qui fait trembler les géants ... Depuis cinq ans, la Danoise Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, attaque de front et sans relâche les pratiques déloyales des multinationales. Au lendemain du scrutin européen, la "Borgen" de Bruxelles, est en lice pour succéder à Jean-Claude Juncker et, qui sait, devenir la première femme présidente de la Commission.
"Nous pouvons avoir une femme à la tête de la commission", lance-t-elle alors que les résultats sont en train de tomber, dimanche 26 mai.
Elle, c'est Margrethe Vestager, les deux pieds bien ancrés sur la ligne de départ pour tenter de remporter la course à la présidence de la Commission européenne.
Il est grand temps d'avoir une femme à la tête de la Commission européenne !
Margrethe Vestager
Sa famille politique, les Libéraux, se classe en troisième position au scrutin européen. Alors qu'on lui demandait si leur score leur donnait le droit de réclamer l'un des postes clés des institutions européennes, la commissaire européenne à la concurrence, a répondu "oui en effet". " Ce n'est plus une majorité de deux partis (la droite pro-européenne PPE et les sociaux-démocrates, ndlr). C'est un nouveau Parlement", a-t-elle argumenté, constatant la fin du bipartisme historique dans l'hémicycle. "C'est la victoire d'un nouveau groupe libéral, la victoire de la République en Marche et du parti roumain USR-Plus", a-t-elle dit, s'exclamant en français : "C'est magnifique."
Sur son compte twitter, le 22 mai dernier elle écrivait : "Nous voulons un leadership européen à l'image de l'Europe. Toute l'Europe. Les femmes aussi. Les femmes et les hommes devraient être représentés de manière égale dans le leadership européen"
Quelques semaines plus tôt, dans un entretien accordé à l'AFP, elle ne cachait pas ses ambitions : "Il est grand temps d'avoir une femme à la tête de la Commission européenne". "Si vous regardez les précédentes [commissions européennes], vous voyez que les hommes ont eu leur chance", ajoutait-elle. Depuis sa mise en place en 1958, la Commission européenne n'a jamais eu de femme à sa tête.
Une femme "spitzenkandidat", et première présidente de la Commission ?
Au lendemain du scrutin, les dés sont lancés pour succéder à Jean-Claude Juncker, dont le mandat s'achève en octobre.
La Danoise Margrethe Vestager, l’Allemand Manfred Weber et le Néerlandais Frans Timmermans sont les chefs de file des trois grands groupes du nouveau Parlement issu des élections européennes et, à ce titre, ils peuvent briguer la présidence du nouvel exécutif bruxellois.
L’élu.e devra être adoubé.e par la majorité des chefs d’Etat et de gouvernement membres du Conseil européen lors d’un sommet les 20-21 juin, et obtenir ensuite les voix de la majorité des députés européens (376) lors d’un vote prévu au cours de la deuxième session du Parlement à la mi-juillet.
Les chefs d'Etat et de gouvernement européens se retrouvent dès ce mardi 28 mai à Bruxelles pour une réunion informelle dont l'ordre du jour est de débattre des résultats du scrutin et d'entamer le processus de désignation des dirigeants des institutions de l'UE, en particulier celle du président de la Commission, mais aussi celle du président du Conseil européen (pour succéder au Polonais Donald Tusk) et du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères (actuellement l'Italienne Féderica Mogherini).
Mme "Borgen"
A 51 ans, la Danoise Margrethe Vestager a déjà derrière elle un parcours politique conséquent. Diplômée en économie politique, elle a commencé sa carrière en 1993 au ministère danois des Finances. Nommée ministre de l'Éducation et ministre des Affaires ecclésiastiques du gouvernement de centre gauche en mars 1998, elle en sort deux ans plus tard à l'issue d'un remaniement. Suite du parcours au Parlement danois, où elle sera ensuite élue, puis réélue députée pour le parti Libéral.
En 2011, Margrethe Vestager est nommée ministre des Affaires économiques et de l'Intérieur du gouvernement de Helle Thorning-Schmidt. C'est en 2014 qu'elle est appelée à la Commission européenne au poste de Commissaire à la concurrence. Un poste clé qui va révéler la pugnacité de cette haute-fonctionnaire engagée contre les abus des géants transnationaux, et en faire une véritable "star" à la Commission de Bruxelles.
Premier fait d'armes : en 2016, Margrethe Vestager inflige à Apple une amende de 13 milliards d'euros pour ses accords avec l'Etat irlandais qui lui permettaient de ne payer que 2 % d'impôts.
En juin 2017, Margrethe Vestager conclut l'affaire d'abus de position dominante de Google shopping. Le géant du web est condamné à une amende de 2,42 milliards d'euros pour ses pratiques déloyales, comme l'annonce la Danoise sur son compte Twitter :
L'entreprise californienne, dont le moteur de recherche est utilisé par 93% des internautes européens, profitait de son comparateur de prix pour privilégier ses services. Or Madame la Commissaire n'aime pas du tout voir les entreprises transnationales imposer une forme de "loi de la jungle" pour leur seul profit, pour écraser la concurrence ou échapper à l'impôt dans l'Union européenne.
Ce n'est sans doute pas pour rien que le président américain Donald Trump l’a surnommée la "tax lady de l’UE"...
Droite dans ses bottes
Là où Margrethe Vestager est à la fois un modèle et un personnage hors norme — elle aurait inspiré le personnage de
Birgitte Nyborg dans la série "Borgen" — c'est par sa ténacité et son refus de plier. Quelles que soient les forces qui tentent de s'opposer à elle. Envers et contre tous, elle continue à vouloir faire appliquer les lois anti-trust en Europe, largement bafouées depuis quelques années. Avec elle, fini les compromis dont la Commission était coutumière.
L'administration américaine a bien tenté de la faire reculer sur l'amende d'Apple, l'accusant de "
ne pas suivre les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière de coopération fiscale internationale". Rien n'y a fait.
En 2014, Margrethe Vestager ne s'est pas non plus laissée impressionner par le gouvernement russe, alors qu'elle attaquait le géant énergétique Gazprom pour abus de position dominante. Un accord a finalement été trouvé avec le géant énergétique russe.
Un symbole pour la Commission
La Commission européenne de Bruxelles peut se féliciter de la perspicacité et de l'action de Margrethe Vestager. Car l'un des reproches de l'opinion publique européenne à l'institution, jugée trop technocratique, c'est sa faiblesse face aux entreprises multinationales.
Evasion fiscale ou dumping social, les abus des multinationales ont été pointés au grand jour par
les révélations des LuxLeaks. Premier ministre du Luxembourg durant la période où des centaines de géants ont pu échapper à la fiscalité européenne grâce aux avantages proposés par son pays, Jean-Claude Juncker, l'actuel président de la Commission a d'ailleurs été mis en cause. Dans ce contexte, la pugnace Margrethe Vestager dans le rôle de pourfendeuse des "tricheurs" est un atout précieux pour celui qui les aidait à optimiser leurs profits au détriment des pays membres - et qui a bien besoin de redorer son blason.
(traduction :
Coupe du monde avec de grands objectifs mondiaux @ggwcup - Les femmes d'Europe s'unissent à Copenhague pour jouer pour le #taketheball mondial. Je crois au pouvoir d'être une équipe et de jouer en équipe : nous pouvons alors atteindre ce que nous voulons )
Droite dans ses bottes, progressiste et déterminée à remettre les lobbies à leur place, la Commissaire à la concurrence Vestager poursuit imperturbablement sa mission. Quitte à se faire quelques ennemis. Si elle est désignée pour remplacer Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, ce choix sera perçu comme un signal fort des Européen.ne.s au reste du monde.