Danse et sensualité au féminin.... Rien d'innovant, pourrait-on croire. Ce « couple » semble si banal, quasi évident. Pourtant, c'est tout le contraire qui se passe à
la Maison des Métallos. Cette scène culturelle parisienne a programmé trois créations chorégraphiques sur cette thématique, du 5 au 20 novembre 2011. Le résultat est surprenant, déroutant, réjouissant.
« Il y a un an, nous avions proposé Le courage au féminin, précise le directeur de la Maison des métallos, Philippe Murrat
. C'étaient deux créations théâtrales assez revendicatives sur la place des femmes dans la société. Avec La sensualité au féminin, on est sur un rapport plus décalé.
Ce sont des femmes qui usent de leur liberté et assument pleinement leur expérience sexuelle évoquant leurs désirs et leurs fantasmes. Ce qui est habituellement réservé aux hommes. »Mouvements intimes du hip hop
C'est ainsi que la chorégraphe Claire Moineau a osé s'emparer du hip-hop pour parler de l'homosexualité féminine, sujet encore tabou même dans l'univers de la danse. Ce qui donne un spectacle charnel et intime, Vertiges d'elles. Dans la pénombre, trois femmes se cherchent, se croisent et s'entrelacent. Les corps sont fluides, parfois flottants. Tout est douceur et caresse.
Dans un registre plus cru et moins convenu, Aude Lachaise se tortille et se déhanche. La danse arrive, ici, comme un contre-point ou un soutien, au profit d'un texte dense et tourmenté, faisant de son spectacle Marlon un quasi « one-women-show» (voir la vidéo ci-dessous).
Crudité décaléeSeule sur un plateau dénudé, les fesses moulées dans une mini-jupe, Aude Lachaise confie ses réflexions sur
« le cul » et....
« le sexe » ! Elle fait tomber toute pudeur, non pas pour provoquer, précise-t-elle, mais pour tenter de dénouer des contradictions intérieures...
« Je sais que pour certains d’entre vous, une histoire de cul, ça peut sembler très fun, envoie-t-elle au public de sa voix claire.
Ça n’est pas comme relation sexuelle. Ça n’est pas rigolo une relation sexuelle. » On est loin des clichés de la femme décomplexée croqueuse d'hommes. C'est même tout le contraire. Aude Lachaise explore la complexité du désir et la relation à soi-même dans la sexualité.
« J'ai mis plus d'un an à écrire le texte, explique-t-elle.
Cela m'a pris comme ça. Je suis partie de mon attirance pour Marlon Brando, de mes fantasmes personnels qui se heurtent parfois à certaines de mes convictions féministes. » Corps sous tensionsA l'inverse, dans le troisième spectacle programmé à la Maison des Métallos, tout est dans la retenue. Les chaussures claquent sur le sol, les doigts ondulent dans l'air... Mais la tension reste dans le corps. Ici, c'est du flamenco que propose la danseuse libanaise Yalda Younes dans une robe noire et couvrante. Avec la chanteuse Yasmine Hamdan (elle aussi du Liban), elle a créé un duo à partir d'
Ana Fintizarak,
chanson de la célébrissime cantatrice égyptienne Oum Kalsoum.
« Cette chanson parle d'une femme qui attend son amoureux, explique Yalda Younes.
C'est comme une lamentation, presque une complaisance dans la souffrance. Cela s'approche du masochisme mais je pense qu'il y a un peu de cela dans la culturelle arabe... On se lamente avec un certain plaisir et un peu de dérision aussi ! » Sur scène, les deux femmes se croisent, évoluent l'une par rapport à l'autre, mais jamais ne se rencontrent... Chacune est dans son monologue intérieur, attend et souffre dans son âme.
« Au Liban, pendant la guerre, j'ai beaucoup attendu, confie la chorégraphe.
On se décourage facilement mais il y aussi de la survivance. » Extrait du texte « Marlon »
Auteure : Aude Lachaise« D’un côté, il y a sexe de l’autre, il y a cul.
Cul: est un mot monosyllabique à la sonorité primaire.
Cul, ça se prononce avec une petite bouche pincée sans générosité.
Cul, c’est cru. Cul, c’est primaire.
Et c’est vrai, oui, ça l’est, mais pas seulement, Cul, c’est spontané et sans chichi aussi. Un Cul, ça peut être très sympathique. Il y a cette diction un peu rude qui a les saveurs authentiques du terroir, quasiment.
Cul, c’est un peu vulgaire mais tellement charmant.
Le problème, c’est « LE cul ».
Comme dans « une histoire de cul ». Car nous sommes bien d’accord : une histoire de cul, c’est une histoire de « le » cul. Et ça n’a rien à voir avec l’histoire d’un cul ou une histoire d’un cul.
Non, « le cul », c’est une pratique et une pratique que pour ma part, je n’aime pas.
Même dans une histoire de cul, je n’aime pas le cul. Par contre je peux très bien aimer « un cul ».
Dans l’expression « une histoire de cul », on est obligé d’accélérer le débit jusqu’au cul et d’appuyer avec un peu de dédain sur ce « k » plein d’air, comme on crache une insulte : (démonstration) : une histoire de cul.
Voire on est obligé de l’accompagner d’une mimique : (démonstration avec mimique) « une histoire cul ».
Quand on note la sonorité descendante et brutalement interrompue du mot cul, ça saute aux yeux : Le cul, c’est sans issu.
Même si une histoire, c’est déjà presque une romance. Et la romance, ça fait envie, ça sent bon.
Et puis une histoire, c’est compliqué, il y a des rebondissements, un début et surtout une fin. Et ça pourrait compenser le primaire du cul si ça n’était pas si morbide.
C’est morbide, parce que c’est fini, c’est mort. Une histoire de cul au moment où tu en parles elle est déjà terminée.
Je sais que pour certains d’entre vous, une histoire de cul, ça peut sembler très fun.
Ça n’est pas comme relation sexuelle. Ça n’est pas rigolo une relation sexuelle. Personne n’a envie d’avoir des relations sexuelles.
Mais moi, ce que j’aime, c’est le sexe.
Parce que le sexe, c’est complexe,
Sexe.
Une voyelle ouverte, pleine de promesse.
Sexe… »
Publication de Marlon en février 2012