La démocrate Nancy Pelosi, au front contre Donald Trump jusqu'au bout, tire sa révérence

Janvier 2021, Donald Trump sous la menace d'une procédure de destitution, encore. Et aux manettes, encore et toujours la même femme : Nancy Pelosi. Un ultime combat pour la présidente de la Chambre des représentants, qui restera celle qui aura mené avec force et panache le front anti-Trump durant toute la durée de son mandat. A l'issue des élections de mi-mandat de novembre 2022, elle renonce au poste de cheffe des démocrates à la chambre.
Chargement du lecteur...
Image
nancy masquée
©AP Photo/J. Scott Applewhite
Après l'invasion du Capitole par des extrémistes pro-Trump début janvier, Nancy Pelosi mène une deuxième tentative de destitution de Donald Trump, à quelques jours de la prise de fonction de son successeur élu Joe Biden. 
Partager6 minutes de lecture

D'un geste spectaculaire, Nancy Pelosi déchire le discours que Donald Trump vient de prononcer devant le Congrès : l'image a marqué les esprits et résume parfaitement le rôle de première opposante au président républicain que la démocrate endossait pour la dernière fois.

C'était en février 2020. Le 45e président des Etats-Unis venait de terminer son discours sur l'état de l'Union, après avoir, lui, esquivé la main tendue de la présidente de la Chambre des représentants.

La rupture entre deux des principaux protagonistes de la vie politique américaine était déjà consommée, alors que Donald Trump s'apprêtait à être acquitté, au Sénat, au terme d'une infamante procédure en destitution lancée par la Chambre.

"Mme Speaker" aux manettes

Toujours avec Nancy Pelosi à la manoeuvre, les députés américains devaient se prononcer sur une nouvelle mise en accusation de Donald Trump, cette fois l'assaut donné par ses partisans sur le Capitole. Un second impeachment express et inédit pour un président américain, à une semaine de son départ de la Maison-Blanche et de l'investiture de son successeur démocrate Joe Biden.

La menace que le président Trump fait peser sur l'Amérique est urgente, et nos actes le seront aussi.
Nancy Pelosi

Sans ciller, et au pas de charge, elle a accusé le milliardaire d'avoir "incité une insurrection meurtrière contre l'Amérique". "La menace que le président Trump fait peser sur l'Amérique est urgente, et nos actes le seront aussi", a-t-elle martelé.

"Malheureusement, la personne au pouvoir est un président dérangé, confus et dangereux", a-t-elle déclaré dans une interview à la chaîne CBS. "Il ne reste que quelques jours avant d’être à l'abri. Mais ce qu’il a fait est tellement grave qu’il doit être poursuivi", ajoutait la démocrate. Pour Nancy Pelosi et d’autres démocrates, chaque jour passé avec Trump à la Maison-Blanche représentait un danger.

Dans ce reportage, Nancy Pelosi revient sur les lieux en compagnie de la journaliste et lui montre les dégats provoqués par l'invasion des émeutiers. Elle commente : "On a maintenant la preuve qu'il s'agissait d'un groupe bien planifié et organisé avec un leadership, des conseils et une mission. Et leur mission était d'aller chercher les gens. Ils disaient : 'Où est la présidente ? Nous savons qu'elle a du personnel. Ils sont ici quelque part. Nous allons les trouver'."
 

[Richard Barnett, l'homme photographié dans le bureau de Nancy Pelosi pendant le siège du Capitole américain, risque 11 ans de prison]

Richard Barnett, qui s’était introduit dans les bureaux de la présidente de la Chambre des représentants, où il avait posé pour les caméras avant de laisser un message insultant, a été interpellé à Little Rock dans l’Arkansas et inculpé pour "intrusion violente" dans l’enceinte du Congrès ainsi que "vol de bien public ". Il a notamment volé une lettre adressée à la présidente de la Chambre. Il avait expliqué aux médias avoir laissé une pièce de 25 cents en échange.

Réélue au perchoir de justesse

A 80 ans, la députée de Californie venait d'être réélue présidente de la Chambre des représentants, de justesse et malgré les réticences de certains à la gauche du parti démocrate.

Ce fut son dernier mandat à ce perchoir stratégique auquel elle fut la première femme à accéder, de 2007 à 2010, et qu'elle a retrouvé en 2019 en devenant de facto la cheffe de l'opposition à Donald Trump.

Après l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, en 2017, elle est longtemps restée sourde aux appels en faveur d'une procédure de destitution, y voyant un pari risqué avant la présidentielle de 2020. Mais elle s'y est ralliée sans broncher en 2019 dans l'affaire ukrainienne, estimant que l'ex-promoteur immobilier devait "rendre des comptes" pour avoir violé la Constitution.

Malgré l'échec final au Sénat il y a un an, elle a encore moins tardé, cette fois-ci, à relancer l'impeachment après les violences du 6 janvier.

Une certaine arrogance ? 

Dans une savante répartition des rôles, elle est restée celle qui mène l'offensive politique – politicienne, déplore-t-on à droite –, quand le futur président Biden, élu sur la promesse de réconciliation et de coopération avec les républicains modérés, évitait de mettre les mains dans ce cambouis.

La "complicité" des républicains "met en danger l'Amérique, sape notre démocratie et cela doit cesser", tonnait Nancy Pelosi, qui fait pourtant figure de modérée dans son fief de San Francisco et face à la remuante aile gauche démocrate.

Troisième personnage de l'Etat après le président et le vice-président, elle a tenu tête, avec son homologue démocrate au Sénat Chuck Schumer, au tempétueux président républicain qui la prend régulièrement en exemple pour dénoncer les maux de Washington. Et au chef de file des sénateurs républicains Mitch McConnell, avec lequel elle a longuement bataillé pour négocier plusieurs plans de sauvetage cruciaux depuis le début de la pandémie.

D'autres conservateurs dénoncent l'"arrogance" et le niveau de vie hors-sol de cette épouse d'un homme d'affaires millionnaire.

Mère de cinq enfants, Nancy D'Alesandro est née le 26 mars 1940 à Baltimore dans une famille italo-américaine catholique. Son père et son frère ont été maires de cette grande ville industrielle du nord-est du pays. Diplômée du Trinity College de Washington, elle s'installe ensuite à San Francisco avec son époux, Frank Pelosi, qui fait fortune. Elle gravit les marches du parti démocrate et remporte à 47 ans sa première élection à la Chambre.

Pour réussir dans le monde politique américain, il faut être capable de "prendre des coups", dit cette petite femme hyperactive qui garde la forme en faisant de la marche rapide le long du Potomac. "Je ne me sens pas forcément haïe. Je me sens respectée. On ne me critiquerait pas si je n'étais pas efficace", avait-elle confié au magazine Elle.