Fil d'Ariane
Maria Elena Ferral avait 50 ans, elle était mère de deux enfants. Elle couvrait la zone de Sierra de Papantla, à quelque 300 km au nord du port de Veracruz pour le quotidien régional Diario de Xalapa. Une région à l'est du Mexique où, selon Reporters sans Frontières, les disparitions forcées sont monnaie courante.
Ce lundi 30 mars, vers 14 heures, elle sortait de chez son notaire et s'apprêtait à monter en voiture dans le centre-ville de Papantla. Deux individus à moto ont alors ouvert le feu sur elle avant de prendre la fuite, relate une source policière. D'après le Diario de Xalapa, les agresseurs "lui ont tiré dessus à huit reprises et trois balles l'ont atteinte au thorax".
Hospitalisée dans un état grave, Maria Elena Ferral a succombé à ses blessures quelques heures plus tard : "Malgré tous les efforts de l'équipe médicale pour lui sauver la vie, nous sommes terriblement au regret d'apprendre qu'il y a quelques minutes la journaliste Maria Elena Ferral est décédée", twittait le gouverneur de l'Etat de Veracruz, Cuitlahuac Garcia, à l'aube, le 31 mars.
Peu avant, les forces de sécurité locales avaient dénoncé le meurtre. "Nous condamnons cette attaque lâche contre la journaliste Maria Elena Ferral, correspondante du Diario de Xalapa, à Papantla," déclarait un responsable. La famille et les amis de la journaliste ne sont pas les seuls à réclamer justice et clarification. Selon le Diario de Xalapa, des organisations comme Article 19 et PEN International ont annoncé qu'elles allaient enquêter sur l'agression contre María Elena Ferral. “Les autorités devraient immédiatement ouvrir une enquête et assurer la protection de sa famille et de ses collègues,” déclare, quant à elle, Balbina Flores pour Reporters sans Frontières.
Le réseau de journalistes mexicains Red Veracruzana de Periodistas appelle les autorités à ouvrir une enquête en rapport avec le travail de journaliste de Maria Elena Ferral. Le texte insiste notamment sur les risques qu'elle encourrait en pratiquant son métier : "Au cours de la dernière décennie, Veracruz est devenu l'endroit le plus dangereux pour les journalistes au Mexique".
Pronunciamiento de la Red Veracruzana de Periodistas por el asesinato de la reportera María Elena Ferral https://t.co/kDLNjkJPNf
— Alejandro Meléndez (@alexmelon) March 31, 2020
Plusieurs élus ont rejoint le choeur des condamnations : "Terrible nouvelle ! Ce soir, ma chère amie, l'éminente journaliste María Elena Ferral, est décédée des suites de l'attaque lâche qu'elle a subie ce jour dans la ville de Papantla. Mon amour, ma solidarité et mes sincères condoléances à votre famille. Sa mémoire mérite justice." twittait le député du Parti révolutionnaire institutionnel, Héctor Yunes Landa. Ils sont nombreux à lui faire écho, comme le représentant du gouvernement régional Éric Patrocinio Cisneros Burgos : "Au gouvernement de Veracruz, nous condamnons l'attaque lâche contre la journaliste María Elena Ferral. À ceux qui menacent la liberté d'expression, nous disons : il n'y aura pas d'impunité. Nous allons retrouver les responsables comme nous l'avons fait dans le cas du meurtre de Jorge Celestino Ruiz en août 2019 à Actopan."
Et pourtant... Maria Elena Ferral avait dénoncé à plusieurs reprises les menaces de mort et les attaques dont elle était la cible dans le cadre de son travail de journaliste.
Covid ou pas, les assassinats de journalistes continuent au #Mexique. María Elena Ferral, journaliste dans l'état de Veracruz, a été tuée par balles ce lundi, après avoir longtemps reçu des menaces de mort émanant de la sphère politique locale. https://t.co/OSPzEcxGjq
— Marie-Pia Rieublanc (@Mpirieublanc) March 31, 2020
Dès 2016, elle dénonçait dans une vidéo les menaces émanant des hautes sphères politiques de Veracruz. Une information révélée par le journal espagnol El Pais. "J'ai peur et ce n'est pas mon imagination, des documents le prouvent", disait-elle alors. Elle nommait même l'ennemi : Camerino Basilio Picazo Pérez, ancien maire de Coyutla, puis candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) à la fonction de député dans le district de Papantla.
En 2019, le Mexique dénombrait 34 582 homicides, un bilan en augmentation constante depuis plus de vingt ans. La même année, au moins dix journalistes y ont été assassinés et des dizaines ont disparu. Selon un rapport de Reporters sans Frontières datant de 2018, il est aussi dangereux d'être journaliste au Mexique qu'en Syrie ou en Afghanistan.
En août 2019, le journaliste Celestino Ruiz Vázquez avait, lui aussi, été assassiné de huit balles avec une arme de calibre 45, la même que celle utilisée ce 30 mars contre Maria Elena Ferral. Depuis l'an 2000, 111 journalistes ont été assassinés dans le pays et dans 99% des cas, ils sont restés impunis, selon Democracy Figthers, une plateforme dédiée à l'archivage des travaux des journalistes assassinés. La violence contre les journalistes mexicains ne semble pas s'arrêter.