Terriennes

La journée de l'égalité salariale arrive toujours trop tard

Au niveau de l'Union européenne, l'écart salarial entre hommes et femmes est de 16,4%.
Au niveau de l'Union européenne, l'écart salarial entre hommes et femmes est de 16,4%.

En France, la journée de l'égalité salariale, dont la date est fixée selon le niveau d'écart salarial calculé chaque année, tombe pour 2014 en ce lundi 7 avril. Ce qui révèle qu'une femme doit travailler plus de 3 mois supplémentaires afin de gagner le même salaire annuel qu'un homme dans l'Hexagone.

Cette année, la journée de l'égalité salariale tombe, en France, ce 7 avril. Fixée selon la méthode établie par l'ONG Business and Professionnal Women, qui calcule une date en fonction du pourcentage d'écart salarial traduit en jours, elle arrive plus tard qu'au niveau de la Commission européenne. En Europe, en effet, la journée de l'égalité salariale a été marquée le 28 février 2014, soit 59 jours après le début de l'année, l'écart salarial entre hommes et femmes étant de 16,4% (contre 17,5% en 2011). Quelque 59 jours durant lesquels les femmes travaillent « pour rien ». En France, selon les derniers chiffres (janvier 2013) de l'Observatoire des Inégalités, l'écart salarial est de 16% à plein temps, mais, tous temps de travail confondus, à 31% - soit au dessus des dernières données (14,8%) publiées par la Commission européenne pour l'Hexagone. Au lieu de travailler 59 jours pour rien, les Françaises travaillent donc, elles, plus de trois mois « pour rien » ... 

Une date qui tend à reculer  

Cela fait 4 ans que la Commission européenne marque la journée de l'égalité salariale. En 2011, elle était tombée un 5 mars, puis, en 2012, le 2 mars et enfin, l'an dernier, déjà un 28 février. Preuve, donc, que si les choses avancent au niveau de l'Europe toute entière, elles le font vraiment à petits pas.... Pis, comme le fait remarquer Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et commissaire chargée de la justice, dans le communiqué de presse du 28 février dernier, « cette très légère tendance à la baisse tient non pas à une progression de la rémunération des femmes, mais essentiellement à la crise économique, qui s'est traduite par une diminution du niveau de rémunération des hommes.» Cette course vers le bas se poursuit, d'ailleurs, car la crise n'est pas tendre non plus avec les femmes : dans certains pays comme la Hongrie, le Portugal, l'Estonie, la Bulgarie, l'Irlande et l'Espagne, l'écart de rémunération entre hommes et femmes s'est creusé ces dernières années, les femmes ayant perdu en salaire plus que les hommes...

Manque de transparence sur les rémunérations

Toutefois, au delà de ces aspects conjoncturels, il apparaît, selon l'analyse de la Commission européenne, que plusieurs éléments structurels freinent les efforts entrepris aussi bien au niveau des Etats que des entreprises. Ces éléments vont du manque de transparence dans les systèmes de rémunération, associé à un flou juridique en ce qui concerne la notion de «travail de valeur égale», à des barrières de nature procédurale, comme par exemple le fait que les salariés ne savent pas, en plus de leur impossibilité de faire des comparaisons sur les rémunérations par catégorie de salariés, qu'ils peuvent introduire un recours pour obtenir l'égalité salariale.  

La Commission examine donc actuellement une nouvelle serie d'actions, qui pourraient être mises en place au niveau européen afin d'améliorer d'abord la transparence des systèmes de rémunération. 

Encore un (gros) effort  

Pourtant, certains états européens ont déjà agi en ce sens. Ainsi, en 2012, en Belgique (écart salarial de 10%, chiffres de la Commission européenne 2012), le Parlement a voté une loi exigeant des entreprises qu'elles effectuent une analyse comparative de la structure des salaires tous les deux ans. De même, à partir de cette année, en Autriche (écart salarial de 23,4%, même source), les entreprises de plus de 150 salariés devront produire un rapport sur l'égalité salariale. La loi sur l’égalité de traitement, entrée en vigueur progressivement, ne s'appliquait qu'aux entreprises de plus de 250, 500 et 1000 salariés avant cette année. Par ailleurs, au Portugal (écart salarial de 15,5%, même source), une résolution, en date du 8 mars 2013, prévoit des mesures visant à garantir et à promouvoir l'égalité des chances et de résultats entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, y compris la suppression des écarts de rémunération. L'établissement de rapports sur les écarts de rémunération par secteur est inclus dans cette résolution.

Enfin, la France a durci les sanctions dont sont passibles les entreprises d'au moins 50 salariés qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'égalité professionnelle hommes/femmes. A la suite de l'adoption d'un décret en 2012, deux entreprises ont d'ailleurs été sanctionnées pour la première fois pour infraction à la législation relative à l'égalité salariale, en avril 2013.

Autant d'efforts méritoires, certes, mais qui, clairement, ont toujours du mal à combler le fossé salarial. Alors, il faut continuer de lutter, pour que la journée de l'égalité salariale entre hommes et femmes tombe, partout dans le monde, un 31 décembre, montrant par là même l'absence d'écart dans ce domaine... 
 

Lysiane J.Baudu

Ancienne grand reporter à La Tribune, Lysiane J. Baudu a rencontré, pendant ses 20 ans de journalisme international, des femmes du monde entier. 
 
Ces "rencontres" feront l'objet de billets, qui lui permettront de faire partager ses impressions, ses analyses, son ressenti au contact de ces femmes, dont l'action professionnelle fait sens pour toutes les autres, de même que pour la société.