Ce n'est pas faire injure à Jane Campion que de qualifier son oeuvre de cinéma de femmes. Dans
la biographie que le New York Times lui consacre, le quotidien américain remarque que la production de la cinéaste néo-zélandaise "
est unifiée par des représentations édifiantes des vies de femmes qui sont, par certains côtés, hors du commun des mortels. Le cinéma de Campion explore ce qui fait que ces femmes sont différentes, et les répercussions de leur refus - ou incapacité - à se conformer aux normes. C'est pour cela que Campion a été qualifiée de metteuse en scène féministe, un qualificatif qui ne parvient pas cependant à cerner les dilemmes de ses personnages et la profondeur de son travail."
The Power of the Dog où le masculin-féminin
En septembre 2021 à l'occasion de la Mostra de Venise, Jane Campion présente en première mondiale
The Power of the Dog, avec Benedict Cumberbatch et Kirsten Dunst en tête d'affiche, où elle obtient le Lion d'argent du meilleur réalisateur. Le film poursuit sa belle carrière mondiale : il est présenté au Toronto international film festival puis au Festival du nouveau cinéma de Montréal. En janvier 2022, le film ressort gagnant des Golden Globes, permettant à Jane Campion de décrocher le prix de la meilleure réalisation et du meilleur film dramatique.
Le film, mis en ligne sur la plate-forme Netflix, est qualifié de chef d'oeuvre, mais peut aussi diviser les critiques perçu comme froid et pour ses lenteurs. Il est adapté du roman de Thomas Savage, dont l'histoire se déroule dans un ranch du Montana au début du XXe siècle. On y suit la vie de leurs propriétaires, deux frères, dont le cours des choses va être bouleversé à l’arrivée de la nouvelle épouse d’un des deux hommes et de son fils, issu d’un précédent mariage. Jane Campion renouvelle le genre du western, sur fond d'anti-masculinité toxique.
Finalement, l'Académie lui décerne l'Oscar de la meilleure réalisation, faisant d'elle la troisième femme à être récompensée dans cette catégorie, un an seulement après Chloé Zhao (et Kathryn Bigelow
Démineurs). Petite déception sans doute pour l'équipe du film et notamment le fabuleux Benedict Cumberbacht, nommé dans la catégorie du meilleur acteur. Le film nommé dans pas moins de 12 catégories, un record pour un film réalisé par une femme, ne repartira qu'avec une seule statuette, le jury lui a visiblement préféré
CODA, adaptation américaine de la comédie française
La famille Bélier, cette fois interprétée par des acteurs et actrices sourds et muets.
C’était la deuxième fois que la cinéaste néo-zélandaise concourrait pour le titre de la meilleure réalisation (la première fois étant pour
La leçon de piano en 1968). Une première pour une femme dans l’histoire de la prestigieuse cérémonie créée en 1929.
Une leçon de piano , inoubliable et magistrale
La réalisatrice a aussi bien travaillé pour la télévision que pour le cinéma. Et il est clair qu'un fil invisible relie la veuve muette Ada MacGrat, l'héroïne de la magistrale
Leçon de piano, palme d'or à Cannes en 1993, à Robin Griffin, la détective tourmentée de la série télé
Top of the Lake.
Le fil tisse la sexualité des femmes, la violence qui s'exerce à leur encontre par certains hommes quasiment sortis des cavernes, que ce soit au XIXème ou au XXIème siècle, mais aussi en contrepoint la force de ces femmes, souterraine, constante et la beauté des hommes qui ne se laissent pas prendre aux codes de la virilité dominante.
Et il n'est pas anodin que la vieille louve solitaire de
Top of the lake interprétée par Holly Hunter (qui fut aussi la veuve de
la Leçon de piano) rappelle si singulièrement la silhouette de la réalisatrice...
Une réalisatrice "de nature insolente"