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— Nouvelles Écoutes (@NouvEcoutes) 11 février 2019
Il est beau le journaliste modèle qui joue les exemples après s’être bien amusé au sein de meutes de harceleurs de féministes. Il est beau.
— Thømas Messias ™ (@thomas_messias) 5 février 2019
Perso je n'oublie rien https://t.co/zLMaS7bVXY Les sales petits mecs. C'était il y a moins de 5 ans. et ils seraient désormais tous vus y compris par des féministes comme des gars cool et féministes ? merde.
— Valerie Rey-Robert (@valerieCG) 7 février 2019
La Ligue du LOL, c'est ce qui m'a poussée à quitter cette appli en 2013. C'est quoi ? A l'époque, une team de fringants journalistes qui s'adonnaient au harcèlement comme à un sport, avec pour cibles des féministes, des personnes LGBTQ et racisées. https://t.co/bp9cB9gViG
— Mélanie Wanga (@babymelaw) 8 février 2019
"Vous avez menacé des nanas de revenge porn, vous avez tweeté des photomontages pornos avec nos têtes dessus et aujourd’hui vous voudriez nous faire croire que ce n’était pas l’humiliation et la peur qui vous faisaient bander? que vous ne pensiez pas faire du mal? bullshit", attaque aussi la journaliste féministe Nora Bouazzouni.
"Ils me harcelaient pour le plaisir, par ennui peut-être, ou par concours de bite, j’étais grosse, j’étais une femme, j’étais féministe, cela suffisait à les faire rire", raconte dans un long post la blogueuse Daria Marx, cofondatrice du blog Gras politique.
"J’ai vécu une période de détresse à cause de la ligue - écrit également Christophe Ramel, l’ancien animateur du blog Kriisiis- Mon blog cartonnait, j’en vivais et ça les rendait dingues. Au début c’était juste des piques, puis petit à petit ce sont devenus des mentions étouffantes. Dès que je publiais un contenu, je savais que j’allais en souffrir. C’est ce travail de sape qui fait que j’ai lâché mon blog, et mon job. Les gens autour de moi n’ont jamais compris pourquoi «je les laissais gagner» et moi je n’ai jamais compris pourquoi ils ne comprenaient pas".
Si le mouvement "Me Too" a participé à libérer la parole des femmes, "Nous n’assistons pas à un #MeToo du journalisme", estime Aude Lorriaux, journaliste et porte-parole du collectif de femmes journalistes Prenons la Une, jointe par Terriennes.
C'est précisément parce que les féministes dénoncent les mécanismes de ce pouvoir qui leur sert pour asseoir leur domination qu'elles ont été prises pour cible.
Aude Lorriaux, fondatrice de Prenons La Une
"Ils avaient une image de personnes cools à cette époque et faisaient passer ces femmes pour des idiotes incompétentes", explique la militante. "Cela montre comment le sexisme opère dans la construction de la carrière des femmes journalistes. Certaines ont quitté les réseaux sociaux, ce qui est préjudiciable à l'exercice de leur fonction à l'heure où être présent sur Twitter est important lorsque l'on est journaliste".
Aude Lorriaux revient également sur la notion de "Boys Club", réseaux d'amitiés masculines qui se construisent "contre les femmes" et entretiennent un maillage où la cooptation est légion. Ce serait donc pour entretenir, de manière conscientisée ou non, l'ordre établi et les mécanismes de pouvoir que les membres de "La ligue du LOL", qui en bénéficient de part leur statut d'hommes blancs, auraient harcelé féministes et femmes journalistes. Pour elle, "C'est précisément parce que les féministes dénoncent les mécanismes de ce pouvoir qui leur sert pour asseoir leur domination qu'elles ont été prises pour cible".
Imaginez croiser les gens de cette team en soirée. Les voir se promouvoir entre eux, se donner des CDD, des CDI. Les voir harceler d'autres personnes. Vous essayez de lutter et d'aider, sans trop réussir. Parce que déjà, les rapports de force sont complètement déséquilibrés.
— Mélanie Wanga (@babymelaw) 8 février 2019
Ces mécanismes de domination décrits par Aude Lorriaux ne sont pas spécifiques au milieu du journalisme, et se retrouvent aussi bien dans les mondes politique qu'économique, pour ne citer qu'eux. "Les femmes et les minorités sont vues comme des concurrentes potentielles, une menace pour la hiérarchie du pouvoir en place", selon elle.
A propos de la Ligue du LOL : pic.twitter.com/f8gIiDrhx0
— Alexandre Hervaud (@AlexHervaud) 10 février 2019
Je vous dois des explications. Et surtout des excuses. pic.twitter.com/UajOC0bi0h
— Vincent Glad (@vincentglad) 10 février 2019
On peut s'interroger concernant le timing de ces excuses, à la lecture d'un article publié dans les colonnes de Libération le 6 juillet 2018 à propos du procès des cyber-harceleurs de la journaliste Nadia Daam : "Sachant que la justice peut les retrouver, les harceleurs peuvent toujours se cacher sur des groupes privés ou derrière un VPN pour continuer leurs horreurs. Mais au moins savent-ils maintenant qu’ils sont dans la plus parfaite illégalité. Dans la délinquance Internet". Des lignes signées par Vincent Glad, celui-là même qui aujourd'hui reconnait avoir créé "un monstre qui lui a totalement échappé", en fondant la "Ligue du LOL".
Des Mea Culpa qu'Aude Lorriaux ne commente pas, estimant que "c'est aux victimes de décider si leurs excuses sont valables ou non". Le collectif "Prenons la Une" a publié une tribune dans le Monde demandant que les violences en ligne soient reconnues comme un accident du travail.
Plusieurs employeurs des membres de "La Ligue du LOL" ont d'ores et déjà réagi. En plus des exemples cités plus haut, Stéphane des Aulnois, membre de la ligue, s'est retiré de la rédaction en chef du Tag Parfait, magazine en ligne consacré à la culture pornographique qu'il a lui-même créé.
La plupart du temps, ceux qui se livrent à ce sport anonyme et défoulatoire (on utilisait jadis les toilettes des cafés), sont des pleutres qui n’oseraient pas proférer le dixième de ce qu’ils postent en présence de la personne concernée.
Laurent Joffrin, directeur de la rédaction de Libération
Libération, outre les mises à pied de deux de ses journalistes, consacre à l'affaire sa Une du mardi 12 février et Laurent Joffrin, directeur de la rédaction et de la publication du quotidien, son éditorial. Le texte commence par un mot : "honteux". "La direction du journal a pris, dans les meilleurs délais, les mesures qui s’imposaient en procédant à deux mises à pied conservatoires. Il n’est pas d’usage au journal de sanctionner quiconque sans effectuer auparavant une enquête interne qui permette d’établir la responsabilité des uns et des autres.", poursuit Laurent Joffrin. Il annonce le lancement d'une réflexion sur "les règles qui doivent présider à l’expression des journalistes sur les réseaux sociaux". Dénonçant cette «culture» du clash, le journaliste qualifie de "pleutres" ceux qui la pratiquent et "qui n’oseraient pas proférer le dixième de ce qu’ils postent en présence de la personne concernée".
Située à Neuilly près de Paris, l'école du CELSA, qui enseigne entres autres, le journalisme, n'a pas souhaité faire de déclaration, "pour le moment" concernant l'un de ses intervenants réguliers, membre de la ligue.
L'association SOS racisme a demandé au Parquet de Paris l'ouverture d'une enquête préliminaire. "Au-delà de la multitude de cas de harcèlement reconnus par une meute de jeunes adultes autosatisfaits et aujourd’hui en responsabilité dans maints médias, les arguments employés pour faire 'craquer' les cibles de leurs attaques sont éloquents : sexisme, homophobie ainsi que racisme", indique le communiqué.
La Ligue du Lol donne la nausée.
Le Temps
L'onde de choc ne devrait pas s'arrêter là. D'autres rédactions de la presse française ont également entamé un "ménage" interne. Trois salariés du site du Huffington Post auraient été limogés fin 2018 pour avoir animé un groupe de messagerie privé qui servait "de défouloir sexiste, raciste et homophobe" utilisé pour insulter leurs collègues femmes, pour reprendre les informations révélées dans la soirée par le service CheckNews de Libération. L’Express cite le cas de deux membres de la rédaction de Vice France, dont l’ex-directeur de la rédaction, licenciés en 2017, "accusés d’avoir eu des propos et des comportements humiliants envers leurs collègues féminines".
L’affaire a déjà franchi les frontières, provoquant l’indignation de certains journaux étrangers. Ainsi Le Temps titre son article : "La Ligue du LOL donne la nausée." Le quotidien de Lausanne voit dans cette affaire les maux d’un certain milieu propre à la France :"Petit monde fermé de réseauteurs qui tourne sur lui-même que celui des médias parisiens". "Et maintenant ?, interroge le journal suisse. Le couvercle est ouvert, et la soupe promet d’être épaisse".
Alors #Metoo du microcosme journalistique parisien ou non, mea culpa de circonstance ou pas, "les monstres" qui se pensaient à l'abri ne le sont plus. Voilà en quoi le #Metoo venu d'Hollywood a fait bouger les lignes.